En formant N’goni Ba (le grand n’goni), Bassekou Kouyaté a donné naissance au premier quartet de n’goni de l’histoire malienne, et considérablement étendu les possibilités de cet instrument traditionnel, l’ouvrant aux gammes de jazz et blues. De cette démarche novatrice est né l’album «Segu Blue», sorti en avril 2007 chez Out Here Records/Nocturne. Vibrant et éclectique, ce premier opus a été considéré comme une des œuvres majeures du blues du désert malien. Ce qui lui ouvrira les portes du succès. Après une tournée internationale, l’artiste et son groupe sont au bercail pour un mois de repos. A cette occasion, Bassekou nous a accordé une interview dans laquelle il nous parle de sa tournée, de la sortie de son nouvel album et sa vision sur l’émission ‘’Ministar »…Entretien.
Bamako Hebdo : Vous revenez d’une longue tournée, en quelques mots pourriez-vous nous en parler?
Bassekou Kouyaté: Cette année, j’ai un programme chargé. J’étais en tournée européenne où j’ai fait plus d’une soixantaine de concerts. Je fais tous ces concerts avec mon groupe N’Goniba au grand complet avec ma femme Ami Sacko, mes frères Bafousseny Kouyaté, Barou Kouyaté, Moussa Bah, Alou Coulibaly et Moussa Sissoko.
Quelles sont les raisons de votre retour au pays?
Je suis de retour au pays pour me reposer. Et finaliser la sortie du prochain album. Car j’ai seulement un mois pour souffler et récupérer avant de repartir en Allemagne. Puis entamer une tournée de neuf semaines en Europe et aux Etats-Unis.
Parlant de votre nouvel opus, sa sortie officielle est prévue pour quand?
La sortie de cet album est prévue pour septembre. Il s’intitule ‘’I speak fula » et comportera 11 titres.
Pourquoi ‘’I speak fula »?
«I speak Fula» veut dire ‘’je parle peul ». Tout est parti d’une histoire entre un bamanan et une peule. C’est une femme peule qui dit en somme au bamanan de la laisser tranquille parce qu’il ne comprend pas peul. L’homme aussi réplique pour dire qu’il comprend peul, c’est cette discussion qui m’a inspiré. J’ai fait un morceau sur ça. C’est pour montrer la solidarité entre les ethnies de notre pays, pour dire que nous sommes les mêmes. C’est ce qui explique aussi le titre de l’album, mais c’est en anglais. Pour faire un bon album, nous avons mis beaucoup d’assurance de notre côté, nous avons travaillé deux fois plus que dans le précédent album.
Cet album qui a emporté le trophée de meilleur album du monde (BBC), de meilleur artiste africain et a été nominé pour les Kora Awards et le meilleur clip au Mali. Donc, ça a marché. Mais, ne parlons pas trop de «I speak Fula». Je mise beaucoup sur cet album à cause du travail que nous avons effectué.
Pouvez- vous nous parler de sa réalisation?
J’ai mis beaucoup d’argent dans la réalisation de cet album, parce que la musique malienne a atteint un niveau tel que nous n’avons plus droit à l’erreur. Nous le disons, comme beaucoup d’autres personnes, dans le showbiz. Aujourd’hui, la musique malienne tient la tête. Notre musique fait partie des meilleures d’Afrique, pour ne pas dire la meilleure. Elle se vend bien, donc nous sommes obligés de faire un travail de qualité.
C’est pourquoi nous avons fait venir un studio de world circuit pour réaliser un travail de qualité. C’est plus de sept grandes caisses de matériels qui sont venues s’ajouter à ceux du studio Bogolan, et c’est Jerry Boy de world circuit qui a fait spécialement le déplacement pour travailler sur cet album. J’ai mis plus de 100.000 euros dans la production. C’est cher, mais ça vaut mieux qu’un mauvais travail.
Quelle sera la particularité de cet album?
La particularité de cet album est qu’il est fait pour tout le monde, même les enfants. C’est un opus beaucoup plus festif pour ceux qui aiment de la bonne vibes et zique. Dans le premier, mon objectif était de mettre en valeur le n’goni pour permettre au monde entier de découvrir cet instrument et ses mystères. Dans ce nouvel album, j’ai essayé de faire plaisir à tout le monde.
Vu le succès que le précédent album a connu, Bassekou est sûr que le tout nouveau sera aussi très bien apprécié?
C’est une question que de nombreuses personnes se posaient, même les journalistes en Europe. Car ils étaient très inquiets de ne pas recevoir un bon produit. Je crois et je suis sûr que cet album sera très apprécié par les mélomanes. Déjà à Londres et un peu partout en Europe, tous les grands journalistes qui ont écouté l’album, ont commencé déjà à lui donner cinq étoiles. Ils disent qu’il est bien parti pour d’autres Grammy Awards.
Donc, ce sera la confirmation pour Bassekou?
On peut le dire, en quelque sorte.
Dans cet opus, quels sont les artistes avec qui Bassekou a travaillé?
J’ai travaillé avec Kassé Mady Diabaté, Toumani Diabaté, Vieux Farka Touré, Arouna Samaka, Zoumana Tereta, mon jeune frère, Andra Kouyaté et ma femme Amy Sacko.
Pas d’artistes étrangers?
Vous savez au Mali, Dieu nous a fait un don sur le plan culturel, artistique, musical…On n’a pas besoin de l’étranger pour nous accompagner. On a tout chez nous, ça ne sert à rien d’aller chercher ailleurs.
Quelle est la vision de Bassekou sur l’émission de ‘’MiniStar » ?
C’est une bonne initiative. A Paris, de nombreux grands artistes appréciaient l’émission. C’est le cas d’Amadou Sodja de la Guinée. C’est une initiative salutaire, car elle permet de détecter les futurs talents afin de mieux les aider à entamer une carrière professionnelle. C’est une émission que le ministère de la Culture doit soutenir afin d’éviter le vote. Car les votes ne permettent pas de choisir le talent réel par les fans.
Et sur la participation de votre fille Oumou Kouyaté?
Je ne savais même pas qu’elle chantait. C’est une jeune fille intelligente à l’école, elle est la première de sa classe. Vraiment, j’ai été très surpris de la voir chanter. C’est à Paris que j’ai appris qu’elle chantait. Ils m’appelaient pour me dire que ma fille chantait aussi bien que sa mère.
Vous êtes sûr qu’elle pourra suivre les traces de sa mère, voire mieux faire qu’elle?
Je crois, oui. Déjà à l’âge de dix ans, elle arrive à se défendre. Ce n’est pas mal du tout. Elle est déjà sur les traces de sa mère. Pourquoi pas un jour, elle fera mieux qu’elle. Car dans ce monde tout est possible.
Et votre projet de l’école de N’Goni?
J’ai créé une petite école pour permettre aux jeunes d’apprendre à jouer le N’goni, pour assurer la relève. C’est aussi une manière de transmettre mon savoir-faire. Il y a déjà une pépinière, comme mes enfants qui ont déjà commencé. Ils sont au sein d’un groupe appelé N’goniba junior. En plus de ceux-ci, il faut permettre à d’autres personnes d’apprendre. Les anglais, les français, et autres nationalités qui ont exprimé le besoin de connaître le n’goni, peuvent venir dans cette petite école pour apprendre. J’ai été le premier à créer un groupe de n’goni, reconnu sur le plan international. Donc, il faut renforcer cela, en plus du n’goni, il y aura d’autres instruments traditionnels. Le n’goni a existé au Mali, il y a des siècles. C’est pourquoi je demande de l’aide aux autorités parce que cette école a besoin de matériels de sonorisation pour les salles de classes, des ordinateurs, de la connexion parce que nous sommes dans un village planétaire. Donc, toutes les bonnes volontés qui peuvent nous aider, seront les bienvenues. Actuellement, je suis le seul à faire face aux dépenses de cette école.
Badiougou DIABATE
bandjoul@hotmail.com