L’Intérêt du Mali et des Maliens seul vaut pour le Président de Coalition National Patriotique. Depuis l’Europe où il séjourne actuellement, le Pr. Dialla KONATE a les yeux et les oreilles rivés sur le Mali. De récent congrès international sur la bioinformatique qui vient de se tenir dans notre pays au projet non moins insensé de connecter les communes avec l’expertise étrangère, le Pr. Dialla exprime ses réserves, ses plaintes et sa colère. Pour lui, nul projet ne devrait être mené en excluant les compétences nationales, si elles existent. Et dans le cas des nouvelles technologies, des jeunes Maliens aujourd’hui font preuve de talents et d’expertises avérés. Nous vous proposons ce billet :
Cher camarades de la CPM,
En ce moment où je m’apprête à quitter l’Europe du Sud pour l’Europe du Nord, je vous écris pour exprimer 3 points en deux plaintes et un regret.
1- Premier point : première plainte
J’ai appris que l’Association des maires du Mali (AMM) serait sur le point de cautionner un projet d’installation d’un réseau informatique entre les communes de l’ordre de 30 milliards FCFA.
Au moment où la jeunesse malienne comptant des experts de très haut niveau, formée dans les plus grandes institutions du pays et du monde, au moment où l’université malienne et les autres structures de formation et de recherche manquent
cruellement de moyens, comment est-il possible alors de lancer un tel projet sans y associer les Maliens eux-mêmes ? Qui finance ? Comment les bénéficiaires ont-ils été sélectionnés ?
Je me bats, nous nous battons pour que jamais aucun projet ne soit plus entrepris au Mali sans y associer l’expertise nationale à hauteur d’au moins 10%.
Si ce projet s’avérait réel avec la mise à l’écart de l’expertise nationale, il faudra se mettre vraiment en colère et le combattre avec la dernière énergie. Supposer que des gens viennent de je ne sais où pour exécuter ce projet. D’ici 2 ans, lorsque la technologie sera désuète sans qu’il y ait une compétence locale pour suivre, on aura une fois de plus enrichi quelques uns, appauvrit le Mali et désespéré l’expertise nationale.
2- Second point : seconde plainte
Je viens aussi d’apprendre qu’un « congrès international » s’est tenu au Mali sur la bioinformatique. L’agent local de l’organisation serait des personnes s’occupant de télémédecine. Je ne sais pas si ce sont les mêmes mais je sais
que certains camarades extrêmement actifs, valeureux et engagés de notre communauté sont au devant de la mise en place de la télémédecine au Mali.
Attention, je voudrais dire à tous que la bioinformatique n’est pas la télémédecine. La bioinformatique fait partie des technologies émergentes et demeure encore très largement une activité académique. Si bien entendu, nos universitaires ont été associés à cette conférence ; alors, c’est bien. Mais dans ce cas, je ne comprendrais pas que le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique ne soit pas concerné et surtout que le CNRST n’ai pas figuré à la tête des activités d’organisation de cette conférence.
Au Mali, pour des raisons variées, et avec l’aide de l’indiscipline ambiante, tout le monde peut se lever pour faire n’importe quoi sans se préoccuper de l’intérêt public. Je voudrais inviter notre communauté à ne pas se laisser gagner par de tels comportements qu’à longueur de journée nous combattons.
Si nous devons être impliqués dans ce genre d’activité, essayons de savoir si nous sommes la « bonne personne » pour le faire et surtout au-delà du fait de se rassembler, de boire, de manger et de donner à l’Ortm un séminaire de plus à montrer et un discours de plus à un ministre, nous devons nous préoccuper du « quel est le bénéfice public, l’intérêt national ». Quel intérêt pour le Mali d’abriter une « conférence internationale de Bioinformatique » si au même les
universitaires les plus avancés ne savent pas ce que cela veut dire et si un département ou un enseignement dans ce domaine n’est pas initié ? Si les universitaires ne savent pas ce qu’est la bioinformatique, comment le Malien ordinaire et le ministre de la Santé ayant présidé la conférence peuvent-ils savoir? Et quel bénéfice peuvent-ils en tirer ?
3- Troisième point : le regret
J’ai appris ce matin que le chef militaire guinéen, le Capitaine Camara, serait blessé suite à une banale bagarre entre des gens qui se retrouvent par accident au sommet de l’Etat en Afrique sans jamais y avoir été préparés.
Tout se déroule comme de tout temps en Afrique. Des militaires prennent le pouvoir et constatent qu’une fois l’enthousiasme de la prise du pouvoir passé, on se trouve à s’entretuer pour savoir qui va garder le pouvoir. Ils viennent avec la « bonne intention » de « sauver le peuple ». Le capitaine Camara aurait
sans doute eu raison s’il s’était contenté de faire respecter les règles de la démocratie: organiser la vie publique et procéder à des élections. Mais il a voulu créer des emplois, faire couler l’eau, produire de l’électricité, nettoyer Conakry, mettre de l’ordre dans les finances, etc. Mais ceci, c’est exercer le pouvoir. On s’habitue au pouvoir, avec sa famille. Surtout, on s’habitue aux avantages (africains) qui vont avec. Dès lors, on se met à faire ce qui est démocratiquement illégal. Le peu de règles qui existaient encore disparaissent.
Le capitaine Camara aurait dû se contenter d’organiser les élections et laisser la production d’électricité, de l’eau, l’assainissement des finances publiques, etc. à des femmes et hommes élus. On peut penser que l’on aurait perdu temps. Oui. Mais la démocratie, c’est cela. Y compris avec ses désagréments. Mais lorsqu’on veut jouer au plus pressé ou prendre des raccourcis ou tricher avec la démocratie, on ouvre la porte à toutes les aventures.
Vous verrez que le peu d’eau et d’électricité que le Capitaine Camara avait réussi à assurer aura disparu en une semaine. Retour plus bas que de la où on est parti.
De la même façon, quels que eussent été les problèmes le 19 Novembre 1968, la situation d’ensemble de la Nation Malienne était plus basse le 26 Mars 1991 qu’elle n’était le 19 Novembre 1968 où un groupe de jeunes officiers subalternes se
sont érigés en redresseurs de tort au nom et à la place du peuple.
Bonne journée.
Dialla KONATE
Source: Malilink
NB: Les titres sont de la rédaction.