Rappelons à nos lecteurs que la crise qui sévit au sein de l’école malienne depuis la 2 ème République a déjà fait couler trop d’encre, de salives et de larmes. Cette crise, que l’on peut, à juste titre, appeler endémique, a été déclenchée en 1977 avec la grève dénommée « grève Boniface ». Face aux revendications légitimes des scolaires du Mali, regroupés au sein de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (UNEEM), le régime oppresseur de Moussa Traoré a réagi par la violence aveugle : arrestations, tortures, déportations, calomnie furent les armes de répression qui s’est battue sur les scolaires.
Convaincus que le droit était de leur côté, les scolaires et étudiants du Mali ont décidé de continuer leur combat pour le mieux être de l’école malienne. La suite est connue de tous : la grève relancée en octobre 1979 s’est poursuivie pendant toute l’année scolaire 1979- 1980. Les examens de fin d’année ont tout simplement été boudés par l’écrasante majorité des scolaires. Les quelques lâches qui se sont soumis auxdits examens ont eu leur récompenses soit par l’octroi de bourses ou par le passage en classe supérieure. Les grévistes ont été suspendus pour l’année scolaire 1980- 1981 avant de reprendre en octobre 1982 et cette fois ci chaque élève dans le lycée de sa localité de naissance. C’est bien cette politique l’on appelait honteusement la régionalisation de l’école malienne. Une manière pour le régime de remettre les élèves à leurs parents. Mais comme dirait cet adage chez nous « le mensonge et la vérité ne sauraient s’accommoder harmonieusement. La vérité finit toujours par triompher sur le mensonge ». Les scolaires maliens ont compris qu’entre le discours des autorités et la pratique, le fossé est sérieusement grand. C’est donc la prise de conscience par les élèves et étudiants de ce clivage entre les discours et les actes du régime Moussa qui les a conduits à la création d’une association de tous les scolaires de notre pays. Le nouveau secrétaire génral élu à l’issue de la grande assemblée des scolaires fut Oumar Mariko, alors étudiant en 6 ème année de l’école de médecine (aujourd’hui, il est député à l’Assemblée nationale du Mali).
Pour annoncer a création de l’association dont il est devenu le premier secrétaire général, Oumar Mariko, rapporté par le journal « Les Echos » du 27 octobre 1990, a dit « malgré les discours officiels, l’éducation demeure aujourd’hui un laisser pour compte. C’est conscients de cette situation et convaincus qu’une politique viable de l’enseignement ne peut se faire sans la participation effective des scolaires et universitaires de notre pays que nous les élèves et étudiants, réunis en assemblée générale, le samedi 27 octobre 1990, déclarons la création d’une association indépendante de toute formation politique, dénommée Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM)». L’AEEM naquît sur des cendres de la défunte UNEEM pour poursuivre le combat pour le mieux être de l’école malienne. Par cet acte de naissance de l’AEEM, une page venait de se fermer et une autre de s’ouvrir dans la marche de l’école malienne.
Le 18 janvier 1991, Mariko est enlevé par la brigade d’investigation criminelle. Du coup, une violence aveugle s’est abattue sur l’AEEM jusqu’à faire des morts dans ses rangs. Il était désormais évident que le régime allait chuter. Ce qui fut fait le 26 mars 1991.
La transition, qui comptait en son sein l’AEEM, n’a pas résolu les problèmes, mais les a plutôt camouflés.
Le régime Alpha a vu s’aggraver la crise scolaire avec des années tronquées, des programmes inachevés ou enseignés à la hâte, des examens colmatés. L’école, au lieu d’être en dehors des jeux politiciens, est devenue le champ de bataille des intérêts politiques. Les représentants de l’Association des parents d’élèves (APE) étaient pour la plupart affiliés à des partis politiques. Impartialité quand tu nous le monde scolaire. Lorsque le parent d’élève se transforme en politicien, c’est le règne de l’injustice et de la spéculation aberrante. L’on se rappelle de ce triste concours, colmaté par le ministre de l’Education d’alors, feu Mamadou Lamine Traoré, à l’adresse des directeurs de Centre d’animation pédagogique (CAP) pour dégager, débarquer tous ceux qui ne le plaisait pas politiquement. Sur 70 D. CAP, 62 ont ainsi été remerciés au nom de la « transparence ». Transparence quand tus tiens le monde scolaire ! Cela, à n’en pas douter, était de nature à desservir la cause de l’école malienne.
Comme pour dire que l’école malienne reste dans l’impasse. La Coordination des syndicats de l’enseignement secondaire (COSES a décidé en octobre 2007 la non évaluation des élèves du secondaire. De son côté, le syndicat des enseignants du supérieur a observé le refus de remise des notes.
Visiblement, l’Etat, hier comme aujourd’hui, n’est pas à l’écoute de l’école. Mais il ne pouvait en être autrement et il ne peut en être autrement quand on sait que par les jeux d’intérêts capitalistes et sous prétexte d’ajuster l’économie, le programme d’ajustement structurel (PAS) a imposé l’austérité au gouvernement, l’amenant à faire avaler à son peuple la pilule amère de la spoliation. Ainsi, l’Etat malien a entrepris d’ajuster les dépenses publiques aux ressources nationales. La suite est connue de tous : le gouvernement du Mali a été conduit à réduire de façon drastique le budget des investissements publics et cela, dans tous les secteurs de développement national. Ainsi, l’absence de recrutement des enseignants en nombre insuffisant et de bonne qualité : le fameux concours d’intégration dans la fonction publique, initié par le régime de Moussa, se trouve de plus en plus à la parade pour ne laisser au diamètre du tamis que quelques rares « chanceux ».
Aujourd’hui, le gouvernement patauge dans cette fausse histoire de fonction publique de l’Etat et de fonction publique des collectivités. Quelle grosse poudre aux yeux des aveugles et des myopes ! A ces concours de farce et pour le moins obscurs, il convient d’ajouter les départs biaisés à la retraite anticipée et les multiples compressions du personnel de la fonction publique. Peu importe si cela s’appelle le dégraissage de la fonction publique !
Ces mesures du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, visant la restriction budgétaire touchant les salaires et primes des enseignants ainsi que les capacités d’accueil des élèves et étudiants, sont de nature à assainir l’école malienne. Tout cela vient se fonder sur des programmes comme la Nouvelle école fondamentale (NEF), la pédagogie convergente (PC) pour faire rater aux enfants la vraie formation de base sans laquelle il n’y a pas de formation pouvant répondre aux impératifs du développement.
Que dire donc de cette crise scolaire si ce n’est que l’Etat est le grand et premier coupable ! Enfin, pour noyer le poisson, les gouvernements maliens font du bric à brac sans convaincre personne et pour cause : lorsque les autorités parlent de budget alloué à l’éducation, elles n’osent pas (chiffres à l’appui) préciser au peuple malien qu’il s’agit de toutes les dépenses affectées à l’école à savoir : le matériel didactique pour les élèves et étudiants, la documentation, la gestion des latrines, le fonctionnement des administrations scolaires (les véhicules, le carburant, les primes pour le personnel), les activités scolaires comme les compositions semestrielles, les examens et concours, les séminaires de formation, les bourses des étudiants, enfin les salaires et les primes des enseignants.
En refusant de faire le détail du budget alloué à l’éducation, on refuse d’éclairer les partenaires de l’école et le peuple du Mali. C’est cette façon de rendre la vérité que nous appelons tout simplement la désinformation et l’intoxication de la population avec comme arrière pensée d’amener les gens à dire que les enseignants ont tout eu mais qu’ils refusent d’enseigner.
Au bout du compte, les enseignants sont discrédités et l’on tente de mettre la population sur leur dos. Indubitablement, le jour où les autorités maliennes détailleront la part des volumes du traitement salarial des enseignants, tout le peuple se rendra à l’évidence que c’est l’Etat qui est responsable de la désagrégation du système éducatif malien.
Un fait nouveau vient se greffer à la situation déjà confuse : il s’agit des conditions de sélection aux examens. En soi, cette sélection est indispensable au système éducatif malien si nous voulons sauver notre école. Mais si cette sélection vise à éviter le sur engorgement des universités, alors elle n’aurait pas sa raison d’être.
Dans tous les cas, le diplôme d’études fondamentales (DEF) semble déjà catastrophique.
Que Dieu sauve l’école malienne !
Fodé KEITA 22 Septembre