CAUCASE | 00h16 La confrontation aura modifié les équilibres régionaux. Elle aura surtout rappelé aux Occidentaux la montée en puissance de la Russie.
Afp/Soldats Russe La phase militaire du conflit semble bien sur le point de s’achever, même si la détente entre la Russie et la Géorgie est loin d’être à l’ordre du jour.GORI, GÉORGIE, LE 13 AOÛT 2008.
Entre la Russie et la Géorgie, la tension restait vive hier, au lendemain de l’adoption du plan de paix négocié par la présidence française de l’Union européenne: le texte, qui prévoit le retrait de l’essentiel des forces russes et géorgiennes, suscitait des interprétations divergentes de part et d’autre.
Réunis à Bruxelles, les Vingt-Sept se sont cependant dits prêts à envoyer des hommes en Géorgie pour surveiller l’application du plan. De Washington, le président Bush a de son côté appelé Moscou à «respecter ses engagements». La Maison-Blanche a toutefois démenti que les relations avec la Russie soient à «la confrontation».
Si la détente n’est pas à l’ordre du jour, la phase militaire du conflit semble bien sur le point de s’achever. Que révèle-t-elle des rapports de force? A-t-elle transformé la carte politique de la région? Changera-t-elle ou non les relations entre la Russie et les Etats-Unis?
Montée en puissance de la Russie
La Russie sort renforcée de l’épreuve. «Elle s’est comportée comme une grande puissance», estime André Liebich, professeur à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IUHEID, Genève). Pour la première fois, ajoute-t-il, «elle a exercé ses muscles hors de son territoire. L’époque est révolue de la paralysie, des atermoiements, de la recherche des partenariats avec l’Occident».
Analyse convergente de Jean Radvanyi, professeur à l’institut national des langues et civilisations orientales (INALCO, Paris). Après la guerre froide et pendant une vingtaine d’années, «certains Occidentaux ont pensé remodeler la carte régionale sans tenir compte des intérêts russes». Cette séquence se termine. L’erreur du président Saakachvili aura été de se comporter «comme si la période durait encore».
La Géorgie à l’épreuve
Saakachvili avait voulu conduire le pays «à marche forcée», note Jean Radvanyi ; la guerre l’aura ramené plusieurs années en arrière. Son armée est exsangue. Modernisées avec l’aide des Etats-Unis et de la Turquie, les infrastructures militaires ont été anéanties.
Les forces abkhazes, de leur côté, ont profité des circonstances pour prendre le contrôle de la région de Kodori. En Ossétie du Sud, des villages géorgiens ont été vidés de leur population.
L’épreuve aura ravivée des mémoires douloureuses et très anciennes, ajoute Jean Radvanyi. Les Géorgiens, relève-t-il, ont toujours du mal à «prendre du recul avec les réalités de leur histoire». A l’avenir, précise-t-il, il leur faudra mener une réflexion sur la question des minorités: le tiers des habitants du pays n’est pas géorgien.
Ossétie du sud et Abkhazie: Deux conflits gelés
Le plan de paix souscrit par la Géorgie et la Russie ne se prononce pas sur le statut futur de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Il laisse simplement à des «discussions internationales» le soin de définir les modalités de sécurité et de stabilité des deux régions.
Prudence de bon aloi, estime André Liebich: vouloir «décongeler» ces conflits serait déchaîner l’hostilité des uns et des autres. L’annexion à la Géorgie se heurterait à l’opposition des Russes, des Abkhazes et des Ossètes. Inversement, l’absorption par la Russie de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud serait jugée inacceptable à Tbilissi. Au reste, précise André Liebich, Moscou n’a pas intérêt à clarifier les situations: elles sont l’une et l’autre des «cartes» que la Russie peut jouer dans la partie qui l’oppose à la Géorgie.
JEAN-FRANCOIS VERDONNET