L’éducation, on ne cessera de le dire, est une des grandes priorités des différentes régions et gouvernements que notre pays a connus. Dans son Projet pour le Développement Economique et Social du Mali, le chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré disait, « le temps est venu d’ouvrir une réflexion hardie sur l’université, pour l’adapter à nos besoins actuels et à venir, en faire un véritable espace d’enseignant et de recherche pour notre développement ».
L’école préoccupe. En mai 2008, le professeur de sciences physiques, Salikou Sanogo, originaire de la région de Sikasso, doyen de la Faculté des Sciences de Technique de l’Université de Bamako, a été nommé par un décret, président du Comité d’Organisation. Nous l’avons rencontré pour vous dans son bureau à Korofina.
Le Pouce : Quels sont les premiers enseignements que vous tirez au terme de cette phase du forum que sont les ateliers thématiques ?
Pr. Salikou Sanogo : Je pense qu’il fallait faire ces ateliers. Ils nous ont permis de préciser un certain nombre de questions et d’avoir des réponses, des propositions de la part des participants. La première leçon que je tire est une satisfaction. Lors de ces ateliers thématiques, nous avons enregistré la participation massive de tous ceux que nous avons invités. Il s’agit des anciens, des parents d’élèves, les élus, les partis politiques, les syndicats d’étudiants, les associations d’étudiants, les organisations de la société civile (femmes, jeunes et vieux) et tous ceux qui s’intéressent à la question éducative. Il y a avait des gens que nous n’avions pas répertoriés. Ils se sont eux-mêmes signalés à notre attention. Nous leur avions demandé de se joindre à nous. Les débats au cours de ces ateliers ont été certes francs mais courtois. Il n’ y a pas eu d’écart de langage. Les gens ont compris que ces ateliers n’étaient pas des lieux de revendications catégorielles, mais qu’il y avait plus à savoir l’enjeu de notre éducation. Les gens ont travaillé dans ce sens. Nous avons récolté énormément d’idées, de propositions sur les questions majeures qui, d’après les participants, handicapent le système éducatif à l’heure actuelle.
Le Pouce : Est-ce que tous les syndicats ont pu se réunir et travailler avec l’administration. On sait que les ponts sont coupés entre eux quelques semaines.
Pr. Salikou Sanogo : Ce n’est pas l’administration qui avait convoqué les concertations, les ateliers thématiques, c’est le comité d’organisation qui n’est lié à aucune administration. Le forum que nous voulons organiser n’est ni le forum de l’administration, ni celui des syndicats, ni contre les syndicats, ni contre l’administration. C’est un forum qui veut rechercher des solutions à un problème national et notamment le problème éducatif malien.
Bien avant l’organisation des ateliers thématiques, nous avons organisé des écoutes, invité dans cette salle, pratiquement tous les syndicats : l’UNTM, la CSTM , la COSES avec ses démembrements. Nous nous sommes entretenus avec eux sur la question relative au système éducatif. Quand nous les avons invités à participer aux ateliers thématiques, tous ces syndicats ont répondu présents à notre appel. C’est le lieu de les féliciter pour cette compréhension du problème qui se pose à nous et d’avoir compris qu’en plus des problèmes que chacun de nous peut avoir, il y a un problème qui concerne tout le peuple malien.
Le Pouce : Après les ateliers thématiques, on va vers les concertations régionales. Quelles sont vos attentes ?
Pr. Salikou Sanogo : D’abord, que les participants que nous avons ciblés et qui sont tous des acteurs, tous des partenaires sociaux et financiers, évoluant au niveau de chaque région, répondent positivement à notre appel. La question est extrêmement importante et il y va de l’avenir du pays. La situation de l’éducation au Mali est tellement préoccupante que tout le monde en parle. Si tout le monde en parle et que l’on n’offre pas un espace de débats et de propositions, moi je souhaite que chacun choisisse cette occasion pour apporter sa touche, sa pierre afin que nous puissions redresser notre système éducatif et faire en sorte qu’il réponde aux attentes que la population place lui.
Le Pouce : Au regard de tout le chemin parcouru depuis le début du processus, dans quel état d’esprit vous vous trouvez aujourd’hui ?
Pr. Salikou Sanogo : Je suis dans un état d’esprit et d’encouragement, compte tenu de tout ce que nous avons entendu au cours des écoutes dans les ateliers thématiques, dans les entretiens privés, dans tout ce que nous voyons comme intérêt que les uns et les autres portent à la question ; je suis optimiste quand à la mission qui nous a été confiée malgré sa délicatesse, et la sensibilité de la question. Je pense que mes collègues du comité et moi-même, allons encore redoubler d’efforts pour faire en sorte que ce forum ait lieu dans de très bonnes conditions ; que de ce forum sortent des recommandations et des propositions réalistes, des mesures de mise en œuvre concrètes afin que les partenaires aient à jouer leur rôle et à assumer leur responsabilité dans le redressement du système éducatif malien. Je suis rassuré et j’ai l’impression que, pour une fois la population comprend qu’elle doit intervenir et qu’il ne suffit pas d’envoyer son enfant à l’école, de payer les frais scolaires et les fournitures, mais qu’il faut aussi se préoccuper de ce qui se passe à l’école. Comment l’enseignement est donné ? Comment sortir de l’école ? Sera-t-il bien formé ? Aura-t-il l’occasion d’avoir un emploi ? A toutes ces questions assaillant les parents d’élèves, nous pensons qu’actuellement, il y a une prise de conscience vis-à-vis de l’éducation. Celle-ci est à mon avis un signe positif qui me permet d’espérer que le forum sera un succès.
Le Pouce : Un appel à vos compatriotes ?
Pr. Salikou Sanogo : Oui, bien sûr. Je demande aux uns et aux autres de continuer dans la voie que nous voyons actuellement c’est-à-dire de continuer à débattre de cette question, à s’intéresser à ce qui se passe à l’école de continuer à considérer cette question comme étant d’intérêt national. Tout le monde dit que l’avenir de la nation, c’est la jeunesse. Or, la jeunesse se forme à l’école, s’éduque à la maison. Si cette éducation à la maison et cette formation à l’école ne sont pas adéquates, elle ne permettra pas à la ressource humaine malienne de travailler au développement économique et culturel du pays. Nous avons tous intérêt à ce que tout marche à l’école. Cependant, ça ne peut pas marcher à l’école tant que tout le monde ne se sent pas concerné. L’école n’appartient pas aux enseignants, aux élèves et étudiants, aux autorités mais à la Nation. Si nous comprenons cela, nous devons faire en sorte que, nous intervenions dans les débats et dans les propositions de sortie de crise que la situation exige. C’est l’appel que, je voudrais lancer à mes compatriotes en étant sûr que les uns et les autres vont s’investir, non seulement à Bamako, dans les capitales régionales mais aussi dans les chefs lieux de cercles, dans les villages, dans les hameaux et champs pour que nous ayons un débat national, franc, complet, concret et constructif.
Entretien réalisé par
Tiémoko Traoré