Au moment où l’année scolaire tire vers sa fin dans plusieurs facultés de l’Université de Bamako, l’enseignement supérieur est en passe de s’embraser à nouveau. Et pour cause, le ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique a opéré des retenues sur les salaires des travailleurs de l’enseignement supérieur pour motif de grève.
Cette décision jugée “injuste” par le syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP) fait l’objet de moult tractations qui s’acheminent vers la compromission de l’année académique 2007-2008.
“Il n’est pas question de faire les examens sans une garantie de reversement des retenues effectuées sur les soldes de nos militants”. C’est l’avis du syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup) qui attend “urgemment” une réponse du ministre de la fonction publique. Le bureau central du syndicat envisage de se réunir sur la question dans les prochains jours.
On apprend également que des comités syndicaux de certaines facultés doivent se réunir avant début août, période de démarrage de leurs examens, en assemblée générale. Tout est parti du constat fait par les travailleurs de l’enseignement supérieur de la retenue sur leurs salaires des mois de juin et juillet 2008.
Ils évaluent en moyenne ces retenues à 30 000 F Cfa. A l’ENI et à l’Ensup, on aurait coupé jusqu’au tiers des salaires. La décision de retenue qui émane du ministère des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique n’a pas été notifiée aux enseignants.
Si la loi N°87- 47/AN- RM relative à l’exercice du droit de grève dans les services publics reconnaît la retenue des salaires, les enseignants expriment leur désarroi face à la présente décision qui ne peut-être prise que par le ministre du travail, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat.
Les comités syndicaux des facultés et grandes écoles ainsi que le comité exécutif du syndicat national de l’enseignement supérieur (Snesup) s’activent présentement pour geler la décision du ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique. Le comité exécutif national du syndicat a rencontré le ministre du travail qui a promis de s’investir pour le reversement de ces retenues.
En l’absence d’un reversement, les enseignants envisagent de prendre leurs vacances selon les dispositions de l’article 19 de la loi N°98-067 du 30 décembre 1998 portant statut du personnel enseignant de l’enseignement supérieur. Cet article stipule que le personnel enseignant de l’enseignement su-périeur a droit à un congé annuel égal au maximum aux vacances universitaires (90 jours) de fin d’année et au minimum à 60 jours.
Cette option qui permettrait aux enseignants d’aller en vacances à ce stade de l’année (juillet) compromet la faisabilité des examens de fin d’année prévus dans des facultés (FLASH, FMPOS, FAST) pour ce début d’août 2008. “Le ministre Amadou Touré l’a fait pour se venger de nous” estime Dr Abdou Mallé, secrétaire général du Snesup. Pour mieux comprendre cette guéguerre, il faut jeter un regard rétrospectif sur l’évolution de l’année universitaire.
Le 13 mai dernier, le Snesup a rompu sa collaboration avec le ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique, Amadou Touré et son cabinet concernant la gestion de ses revendications. Souhaitant avoir un interlocuteur “crédible” dans le gouvernement, les responsables du Snesup protestaient contre le non-respect des protocoles d’accord intervenus entre ce ministère et le syndicat.
La recrudescence de l’insécurité à laquelle était exposé le corps enseignant, l’immixtion du ministre des enseignements secondaire, supérieur et de la recherche scientifique dans le processus des examens, la régularisation de la situation administrative des enseignants… sont les principales pommes de discorde entre les syndicalistes et le ministre.
En fait de protocoles d’accord, un premier en date du 30 novembre 2007 avait permis d’obtenir la suspension d’une grève illimitée des enseignants relative à la rémunération des tâches liées aux examens et à la régularisation de la situation administrative (avancements, hiérarchisation, etc.) des enseignants du supérieur.
Pour la régularisation de la situation administrative, il était convenu que “le ministre s’engage à prendre des actes administratifs remettant dans leurs droits les enseignants remplissant les conditions dans les quinze jours suivant le dépôt des dossiers au ministère, par le SNESUP”. Le syndicat a transmis, le 13 décembre 2007, les dossiers au ministère et se trouve toujours dans l’attente d’une décision ministérielle depuis environ sept mois.
Le comité exécutif national du SNESUP reproche également au ministre Touré de s’installer dans une logique de mépris des enseignants du supérieur en violation des termes d’un autre accord, intervenu le 27 février 2008, qui avait permis de suspendre une autre grève illimitée. Craignant l’escalade de la violence dans l’espace universitaire contre les enseignants, le syndicat avait décrété ce mot d’ordre pour réclamer le rétablissement de la sécurité dans l’espace universitaire.
Les violences qui ont suivi la proclamation des résultats de la deuxième session de la Faculté des sciences juridiques et politiques (FSJP) ont montré les insuffisances de l’engagement des autorités. C’est dans ce contexte d’insécurité grandissante qu’intervient l’agression du professeur Djibonding Dembélé, le 15 juin 2008.
Et les enseignants s’étaient vus dans l’obligation de protester contre cet acte. Ainsi, le 20 juin, une Assemblée générale extraordinaire avait entériné une décision de suspension des cours pendant 15 jours pour protester contre cette agression dont les auteurs restent toujours introuvables. “L’ordre, la sécurité, et la tranquillité sont les missions principales de l’Etat.
Ces éléments précèdent le travail. Nous, on a été en grève pour cause d’insécurité et l’autodéfense est naturelle”, a expliqué Moussa Tamboura, secrétaire aux relations extérieures du Snesup. Il a aussi souligné que ces retenues ont été effectuées sur les salaires nets et les allocations familiales contrairement à la loi qui prévoit les retenues sur les heures de travail. «Même ceux qui étaient en congé pendant la période de grève n’ont pas été épargnés», a conclu Abdou Mallé.
Seydou Coulibaly (Le Republicain)