On ne peut ne pas se poser la question, au constat d’un Soumeylou Boubèye Maïga qui accepte de revenir dans les grâces du pouvoir, pourrait-on dire, après une si longue période d’opposition au régime du Président Amadou Toumani Touré. Il ne s’agit nullement de faire le procès de l’homme, ni de qui que ce soit du reste, mais de situer les choses dans leur contexte normal.
A l’époque de la Transition (1991-1992), lorsque Soumeylou fut nommé Conseiller du Président ATT, personne n’avait crié gare. Car en fait, l’acte relevait de l’ordre normal des choses. Quand ATT s’était décidé à confier, au premier vice- président de l’Adéma-PASJ, Soumeylou Boubèye Maïga, la présidence de la Commission d’organisation du Sommet de la CEN-SAD, là encore, il n’y eut aucun tollé, puisqu’il n’y en avait aucune raison. Tout cela rentrait dans le cadre de de l’ordinaire.
Dans les rapports entre le Président ATT et Soumeylou, la surprise est plutôt venue de ce dernier qui, contre toute attente, entreprit u début d’adversité à l’encontre du locataire de Koulouba, lorsqu’il sentira que son parti, l’Adéma-PASJ, était dans une logique de ne pas investir un candidat à la présidentielle de 2007.
Aux yeux de Soumeylou, cette abstention du parti relevait de l’incensé. Et cela, pour deux raisons fondamentales :
Premièrement, la vocation de tout parti, c’est la conquête et l’exercice du pouvoir.
Deuxièmement, toujours aux yeux de Soumeylou, l’Adéma, en tant que première force politique du pays, allait ainsi droit au rabais si jamais il renonçait à une candidature interne à l’élection présidentielle de 2007.
Soumeylou pensa donc qu’il fallait qu’il se batte avant la lettre, avec l’espoir de pouvoir rallier les autres à sa cause.
Et il faillit réussir, car sur la question d’une candidature pérsidentielle du parti, Dioncounda Traoré et ses camarades étaient restés flous, jusqu’à la 7è conférence nationale du parti, au cours de laquelle il a été recommandé que l’Adéma transforme son soutien politique en soutien électoral. Au cours de ces assises du parti, seul Soumeylou Boubèye Maïga a fait part de sa désapprobation, suivi en cela par les initiateurs de l’ADJ et du Manifeste pour le Démocratie.
A l’époque, des questions étaient restées en suspens. Et bien des Maliens se demandaient, surpris par ce subit retournement de veste du 1er vice-président de l’Adéma : qu’est-ce qui pousse ainsi Soumeylou à agir de la sorte envers son parti, et contre le régime ATT? En ce temps, d’aucuns n’ont même pas hésité à déclarer que le comportement de l’homme relevait d’une insatisfaction politique.
Selon eux, une fois le Sommet de la CEN-SAD achévé, Soumeylou Boubèye Maïga aspirait à un poste ministériel. Une ambition affichée en sourdine, dit-on, et que le Président ATT n’aurait pas compris. Alors, mécontent, Soumeylou n’a pu contenir sa colère, du moins sa déception. Ce fut donc le début du commencement de la rupture entre les deux hommes.
Avec d’autres camarades dits “rebelles“, le premier-vice président de l’Adéma se battra alors jusqu’au bout, pour la convocation d’un congrès extraordinaire qui devait -comme le stipulent d’ailleurs les textes du parti- entériner la recommandation de la 7è conférence nationale demandant la transformation du soutien politique du parti de la Ruche en soutien électoral. Mais ce congrès extraordinaire ne verra jamais le jour.
Voyant ses efforts réduits à néant, Soumeylou se démarqua de l’Adéma et se décida à livrer son combat, à visage découvert, cette fois-ci. Mais le seul problème, c’est que ce combat, qui devait être livré contre son parti, sera directement guidé contre ATT.
La déception de Soumeylou contre ce dernier s’aiguisera davantage lorsque Souleylou créera sa “Convergence 2007”, pour finalement se retrouver dans les rangs du Front pour la Démocratie et la République (FDR), un groupement qui eut la spécificité d’être le point de convergence de tous les “aigris du régime” : l’étiquette vient d’eux-mêmes.
Aussitôt après les élections, Soumeylou Boubèye Maïga réintègre son parti qui l’avait exclu, lors des assises de sa 8è conférence nationale. Et le voilà aujourd’hui Conseiller Spécial à la Présidence de la République, avec rang de ministre !
Donne-t-il alors raison à ceux qui pensaient qu’il accablait le régime et ATT seulement pour un poste ministériel ou une quelconque promotion politique ? Ou est-ce que tout n’était, en fait, qu’une farce, le passage de Souleylou Boubèye Maïga au FDR n’étant qu’un pan du grand scénario mis en scène, pour les besoins de la cause ?
D’une manière ou d’une autre, l’acceptation de ce poste, par l’Enfant de Gao (Soumeylou) prouve que certains hommes politiques maliens restent, avant tout, des caméléons prêts à prendre, sinon emprunter les couleurs du milieu – partis ou associations, pourvu que ça y sente vraiment bon. Ce qui, aux dires d’un citoyen, fait du coup, du politicien, un homme en quête perpétuelle de bonheur, même si c’est sur le dos des Maliens.
Adama S. DIALLO