Pour le numéro de la maison de production « Yéli Mady Music », le hip hop malien connaît en ce moment une mauvaise passe, et revêt véritablement l’image type du football de notre pays. Tant les acteurs, pris individuellement, sont d’une qualité rare dans le talent. Mais, explique le rappeur, mis ensemble, l’égoïsme, les coups bas et le manque de courage étalent au grand jour les insuffisances dont les corrections nécessaires ne peuvent jamais être apportées.
Le marché discographique malien vient de s’enrichir avec la sortie du nouvel album du rappeur Yéli Mady Konaté, plus connu sous le nom d’artiste « Yéli Fuzzo ». La conférence de presse tenue samedi dernier au studio Blonba a consacré le lancement officiel de la nouvelle œuvre. Composé de 16 titres, ce nouvel opus intitulé « Waraya » constitue la quatrième réalisation de l’artiste. Ce, après les albums « Je râpe, donc je suis », « Je râpe » et « Le Mois de ramadan », sortis respectivement en 2003, 2005 et 2006. Fruit de plus de trois années ans de rudes labeurs et de réflexion autour de thèmes dominants de la société, l’album « Waraya » se veut le témoignage éloquent d’une maturité confirmée de l’artiste avec la participation d’autres professionnels de la musique, d’artistes de grande renommée et de personnes ressources, explique son auteur. Pour l’ancien sociétaire du groupe de rap « Les Fanga-Fing », le nouvel opus dont il question trempe dans la plaie de la société et prône un changement de comportement avec en toile de fond le retour à nos valeurs. En témoigne son duo avec le reggae man Oumar Koïta autour de la chanson « Retour à la source ».
Véritable chef d’œuvre, l’album « Waraya » revêt véritablement une invitation des populations, particulièrement de la jeunesse malienne et africaine à la prise conscience, au courage et au travail face aux enjeux du développement. « La particularité de cet album est le sentiment d’une maturité retrouvée à travers l’abord de thèmes pertinents qui touchent notre société et proposent des solutions durables…Il est temps que nous réfutions la fatalité et accepter de faire face à notre destin…Le choix du lion pour faire passer ce message constitue le symbole du courage, de la force et de l’engagement que je revendique notamment à la jeunesse de notre pays » a déclaré le rappeur au cours de la présentation de son nouveau produit.
Du rap au business « Depuis tout petit, j’ai commencé à aimer la musique. C’est partir de 1995 que j’ai découvert le rap. J’aime les jeux de mots et c’est avec un ami que je m’amusais. Petit à petit, je suis devenu rappeur. D’abord, c’était un amusement avant de devenir quelque chose de sérieux. » Ainsi explique Yéli Mady Konaté en racontant son parcours musical qui est aujourd’hui le sien. Pour l’artiste, le rap constitue le moyen d’expression par excellence pour la jeunesse. Après s’être fait remarquer sur la scène musicale avec le groupe « Fanga-Fing », il réalise son plus grand défi en enregistrant son premier album solo en 2003 : « Je rape, donc je suis ».
Son single « Mali Djaka » connaît un succès foudroyant et l’album entre en première place du classement hip hop et à la troisième place dans le « Top 10 » des ventes de Mali K7. Un véritable exploit pour un album de rap, et qui marquera le depuis d’une longue carrière musicale pour l’artiste, selon qui la réussite est un défi pour la jeunesse. Une série de concerts durant l’été à travers le pays consacre ce succès. L’histoire retiendra qu’en un mois, la mythique salle du Palais de la culture de Bamako, grande de 3.500 à 4000 places, a affiché complet quatre fois. « Du Jamais vu au Mali pour un jeune artiste, surtout du rap » s’exclamaient certains spectateurs en son temps.
Parallèlement à sa carrière de musicien, Yéli Mady Konaté a décidé de s’investir dans plusieurs domaines. « Je fais du business » répond-il samedi dernier à la question d’un confrère de savoir ce qu’il fat concrètement en plus de la musique. Investi dans la production avec « Invasion Records », devenue « Yéli Mady Music », dont il devient le directeur général adjoint, l’homme a su se nouer d’amitié avec les jeunes de tous les milieux. « Son efficacité dans la promotion est reconnue au Mali et pas seulement dans la musique. Yéli Mady Music est la seule structure dans notre pays à avoir assurer la production, le management et la production d’une trentaine de rappeurs maliens et d’une dizaine à l’extérieur », nous témoigne dans les coulisses un jeune rappeur interrogé à propos de ses impressions sur le parcours de l’homme.
Pour notre interlocuteur, qui reconnaît en lui un artiste pétri de talent et d’énergie, Yéli Mady constitue le témoignage d’un apprentissage réussi. Que penses-tu du hip hop malien ? Lui demande un confrère au cours de la conférence de presse du samedi. L’artiste est sans retenu face à ce qu’il appelle une déception. Pour lui, depuis plusieurs années, le rap au Mali est au point mort. « Je suis franchement désolé de le dire ainsi. Mais le rap au Mali est à l’image de son football. Les acteurs, pris individuellement, regorgent de talent. Cependant, mis ensemble, les lacunes s’étalent au grand jour. Tant l’égoïsme, le manque de courage et les coups bas sont dans la nature de beaucoup de gens » regrette le rappeur. Pour l’ancien sociétaire du groupe « Les Fanga-Fing », l’épanouissement du rap malien passe nécessairement par une union au sein de la famille hip hop. Sans cela, explique-t-il, nous ne progresseront jamais avec les autres.
Issa Fakaba SISSOKO
L’Indicateur du renouveau