En cette année de la commémoration du cinquantenaire des indépendances des Etats africains, l’occasion est toute belle pour rendre hommage à un monument de la musique africaine : Kélétigui Diabaté. Virtuose du balafon mandingue, Kélétigui Diabaté est à inscrire sur la liste restreinte des musiciens africains qui ont été témoins des cinquante ans passés de la musique africaine, notamment mandingue. Mais, qui est Kélétigui Diabaté ? Et quel est son parcours ?
Ceux qui le connaissent bien disent de Kélétigui Diabaté qu’il est de la catégorie des grands artistes qui font partie de ces musiciens de l’ombre. D’autres, sans ambages, disent qu’il est de ceux qui ont fait la musique malienne. De la formation « A » de l’orchestre National aux « Ambassadeurs » en passant par « Bamada », le doyen aux doigts d’or a eu le temps de mettre sa guitare et son balafon au service de la musique malienne. Si Kélétigui Diabaté avait été historien, il n’allait avoir aucune difficulté à assurer la chaire de l’enseignement de l’histoire des cinquante dernières années de la musique malienne. Né en 1931 à Kita, à force de travail et de persévérance, le doyen Kélétigui Diabaté, est aujourd’hui un multi-instrumentiste doué. Il joue à merveille et avec beaucoup de dextérité le violon, le saxophone, la guitare, la trompette, la flûte et le balafon.
Comme la plupart des africains de son époque, il a contribué, à sa façon et dans le domaine de sa compétence, à la création du nouvel Etat de la Guinée, sous la houlette du Président Ahmed Sékou Touré. Avec le départ brusque des Français, après le « non » d’Ahmed Sékou Touré à la France du général De Gaule, des jeunes africains ont rué vers la Guinée pour soutenir la création du nouvel Etat. C’est dans cette mouvance que Kélétigui Diabaté, en 1959, s’est trouvé dans l’une des aventures les plus impressionnantes de sa vie. Comme musicien professionnel, il participe à la création du « Sily Orchestre », premier orchestre national de Guinée, initiée par Ahmed Sékou Touré.
Après avoir contribué à écrire les belles pages de cet orchestre lors des tournées nationales et internationales au Sénégal et en Côte d’Ivoire, il va rentrer au Mali en 1960, où, en sa qualité de guitariste émérite, il participe à la création de l’orchestre national « A » de Bamako. Sa participation à l’enregistrement de l’album éponyme de cette formation est encore vivace dans l’esprit des mélomanes à travers deux titres « Djanfa » et « Douga ». Son talent de multi-instrumentiste, jouant le saxophone, la trompette et la flûte, va le conduire, vers le milieu des années 1970, à intégrer les « Ambassadeurs ».
Dans cet orchestre qui a écrit l’une des belles pages de la musique mandingue, il va jouer aux côtés de Salif Keita et de Kanté Manfila. Dans ce groupe, il a participé à la réalisation de plusieurs enregistrements. Mais, l’histoire a retenu sa tournée effectuée en 1978 aux USA. Sponsorisée par la Fondation Rockefeller, cette tournée fut une belle occasion pour que le balafon de Kélétigui Diabaté rencontre la vibration jazz de l’américain Lionel Hampton.
De retour de cette aventure américaine, les sonorités du balafon de Kélétigui Diabaté vont connaître une sollicitation particulière. Dans les années 1980 et 1990, le doyen aux doigts d’or sera sollicité pour la réalisation de plusieurs albums au Mali. C’est avec beaucoup de plaisir que les mélomanes savourent la fusion des notes de son balafon avec celles d’autres instruments, sur certains œuvres musicales de l’Ensemble Traditionnel du Mali, du Rail Band de Bamako, de Salif Keïta, d’Amy Koïta, de Tata Bambo Kouyaté, de Djélimady Tounkara, du Rail Band du Buffet de la Gare de Bamako, d’Adama Diabaté, de Toumani Diabaté et de Kandia Kouyaté…Et à partir de 1998, le doyen est devenu sociétaire du groupe « Bamada » de Habib Koité. Avec le talent qu’on lui connaît, il ne tardera pas à devenir incontournable dans ce groupe.
En plus des tournées internationales du groupe « Bamada », il sera présent à l’enregistrement de l’album « Baro » en 2001 et du double album « live » et « foly » en 2002. Malgré sa forte implication dans le groupe « Bamada », il eut en 2000 le temps de participer au projet « Art ensemble of Africa », une tournée en compagnie de « Art ensemble of Chigago », une institution de jazz américaine. C’est en 2004, qu’il va tenter l’expérience réussie de faire un album solo. « Sandiya », sorti chez contre-jour, a été présenté par la critique comme une magnifique réalisation à base de musique mandingue authentique, empreint de folk, blues et jazz. Elle retient que son adaptation de « Summertime », avec Habib Koité et « Bamada », demeurera à jamais une merveille d’improvisation.
Assane Koné