Les produits culturels piratés ne manquent pas à Bamako. On retrouve quantité de cassettes, de disques compacts et de DVD dans les vitrines des commerçants, dans les marchés et dans les mains des vendeurs ambulants qui sillonnent la capitale, leur sac à dos plein de copies de plus ou moins bonne qualité.
Pour l’industrie de la musique, c’est un fléau qui frappe dur. Si le téléchargement illégal de chansons et d’albums sur Internet n’est pas aussi populaire au Mali qu’en Occident, l’accès à la technologie étant limité pour une grande partie de la population, le marché est inondé d’œuvres dupliquées illégalement.
Les consommateurs de cassettes et de disques compacts illicites sont convaincus par un argument majeur : leur coût. Ces copies sont habituellement vendues de deux à cinq fois moins cher que les originales, ce qui les rend très attrayantes. La loi du marché se fait sentir.
» C’est une question de mentalité. Si une copie coûte 500 F CFA, et que l’exemplaire légal coûte le double, le consommateur va préférer le produit le moins dispendieux. Il connaît la différence, mais c’est le portefeuille qui gagne », affirme le responsable technique du distributeur malien Mali Musique, Boubacar Traoré, qui explique que les albums piratés se vendent 300 F CFA au marché, alors qu’au magasin de Mali Musique, le prix est fixé à 1600 F CFA. Difficile de faire compétition à une telle aubaine.
Des pratiques qui frappent en plein cœur du secteur. « L’industrie de la musique commence à dégringoler de jour en jour. On lance un produit dans lequel ont été investis des millions de francs, et le lendemain, des copies piratées se retrouvent dans les marchés », déplore Boubacar Traoré.
En première ligne sur le champ de la lutte au piratage, on retrouve le Bureau malien des droits d’auteurs (Bumda). L’un des rôles de l’organisme gouvernemental est effectivement de veiller à la protection de la propriété intellectuelle. En plus de la sensibilisation et des actions normatives, le contrôle des marchés fait partie des stratégies concrètement mises en place sur le terrain.
Plus de 630 000 unités saisies
Selon les statistiques obtenues auprès du Bumda, 634 000 unités ont été saisies de 2000 à 2009, tous supports confondus. Les autorités de l’organisme affirment que le nombre de saisies a doublé en 2010 et a atteint le rythme de croisière d’une par semaine.
Les sorties de saisie nécessitent la participation de plusieurs acteurs, notamment celle des forces policières. Avec une équipe du Bumda, ils se rendent dans les marchés simultanément pour empêcher les pirates de déplacer la marchandise et leur filer entre les doigts.
» La méthode consiste à gérer le marché de façon générale. On saisit tout, le tri est effectué au bureau et les supports légaux sont remis aux commerçants », précise la chef du service communication et relations publiques du Bumda, Aïda Koné.
Les autocollants numérotés, que l’on retrouve sur les supports enregistrés auprès du Bumda, servent à identifier les copies légales. Selon Aïda Koné, depuis la mise en place du système, les « stickers » résistent toujours à la contrefaçon, les pirates n’ayant pas réussi à les reproduire.
Chez Mali Musique, on explique que le succès de la lutte contre le piratage revient à une question de moyens. Boubacar Traoré affirme qu’en 2005, l’entreprise a décidé de prendre les choses en main et est allée dans les marchés avec des artistes et des policiers pour procéder elle-même à la saisie d’œuvres piratées.
Des actions onéreuses, puisqu’il a fallu payer tous les gens impliqués, y compris la police. Selon lui, la facture pour 2005 s’est chiffré à 20 millions de F CFA. Une année féconde en actions également du côté du Bumda, qui a enregistré le plus grand nombre de supports saisis de la décennie, à 231 000. Mali Musique n’a pas répété l’expérience depuis, faute de moyens.
Au Bumda, Aïda Koné réplique que les frais de l’initiative de Mali Musique ont été remboursés, et que des saisies impliquant les artistes peuvent mettre la vie de ceux-ci en danger, puisqu’ils s’exposent à des représailles de la part des marchands de cassettes et disques compacts piratés qui tentent de défendre leur gagne-pain.
» Nous ne sommes pas contre l’idée des efforts collaboratifs, s’ils investissent dans la lutte et coopèrent avec nous. Il faut que les activités s’inscrivent dans un cadre légal, il faut une synergie de l’action », réagit Aïda Koné.
Pascal Raiche-Nogue
(stagiaire)