Les bailleurs de fonds ont fait volte-face au projet de constitution d’un stock national de sécurité proposé par le Commissariat à la Sécurité alimentaire. Le stock disponible est évalué à 35 000 tonnes. Une quantité jugée insuffisante.
L’Etat a montré ses limites et la Commissaire à la Sécurité alimentaire qui s’est tournée vers les donateurs n’a bénéficié d’aucune adhésion à son projet. C’est un grand malaise qui est observé aujourd’hui et qui se généralise.
Entre l’initiative riz et le stock national de sécurité, les bailleurs de fonds ne se bousculent plus au portillon. Les raisons.
Lors d’une rencontre avec les journalistes, il y a quelques jours, Mme Lansry Nana Haïdara s’est montrée assez critique envers les bailleurs de fonds du Mali qui bloquent son projet de constitution d’un stock de sécurité alimentaire. «Il faudrait que l’ambassadeur de France soit d’accord pour qu’on augmente le stock national de sécurité alimentaire», a-t-elle ironisé.
Les propos de la Commissaire à la sécurité alimentaire traduisent un véritable malaise que les autorités maliennes vivent. «Cela nous gêne beaucoup, mais le gouvernement est en train de sensibiliser les bailleurs de fonds pour qu’ils acceptent d’augmenter le stock qui ne fait que 35 000 tonnes. C’est insuffisant», a poursuivi Mme Lansry. Mais les donateurs restent sourds à l’appel.
Pourquoi donc les bailleurs de fonds ont un droit de regard sur le stock national de sécurité alimentaire ? La raison est toute simple. C’est qu’ils ont initié ledit stock, à travers le Programme de Restructuration du Marché Céréalier (PRMC) depuis 1981.
C’était à la faveur de la souscription du pays au programme d’ajustement structurel. Et puisqu’ils veillent jalousement sur l’usage qu’on en fait, le Mali doit avoir l’aval de leurs représentants avant de distribuer le moindre kilo de céréales. Cette situation a poussé les autorités maliennes à créer un stock d’urgence totalement indépendant des bailleurs de fonds.
Plusieurs pays africains ont libéralisé le commerce des céréales au début des années 80 dans le cadre des programmes d’ajustement structurel, et plus récemment dans le cadre l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les mesures adoptées ont porté sur la libéralisation de la commercialisation intérieure par l’abolition des monopoles des offices céréaliers et la suppression des entraves légales aux activités du secteur privé.
La libéralisation des filières céréales africaines visait à accroître les prix offerts aux producteurs de céréales et à réduire les coûts des politiques d’intervention des Etats. Le postulat était que les politiques antérieures de fixation des prix et de monopolisation de la commercialisation des céréales par les Etats ont déprimé les prix à la production en faveur des consommateurs urbains.
Pour les bailleurs de fonds, une intervention à travers un stock élevé pourrait troubler les règles de ce jeu libéral. Ils estiment que les politiques d’intervention ont découragé l’investissement dans la production alimentaire et conduit à la situation des déficits de production des décennies 70 et 80.
Aujourd’hui, l’augmentation des prix à la production est considérée comme essentielle pour stimuler l’offre céréalière. La question qui se pose est donc de savoir comment la libéralisation des échanges des céréales peut affecter l’évolution des prix au producteur et par conséquent la production céréalière et la sécurité alimentaire.
Plusieurs analystes estiment que l’ouverture des marchés africains aux exportations subventionnées des pays du Nord ne permet pas un développement notable des filières céréales locales même si les prix bas permettent au plus grand nombre un accès à une alimentation bon marché.
Soumaila T. Diarra