La générale professionnelle de « Bama Saba » est une création toute simple qui a exigé un génie artistique exceptionnel. A travers un parcours rapide de la vie de trois jeunes maliens, Blonba et Bama Saba, en utilisant le Kotéba et le Hip Hop, croquent à pleines dents les problèmes, les fantasmes et les espoirs de la jeunesse. Le KotéRap a émerveillé les spectateurs, le vendredi 4 juin 2010 à Blonba.
Le vendredi 4 juin 2010, Blonba a donné l’occasion aux Bamakois d’apprécier un autre pan du talent des rappeurs maliens : Ramsès de Tata Pound, Lassy King Massassi et Amkoullel. Dans un spectacle de KotéRap, les trois pionniers du rap malien ont uni leur génie pour faire la chronique de la société bamakoise. Dans une parfaite maîtrise du son et de la lumière, Lassy King Massassi, dans le rôle de « Bamanan Number One », Ramsès du groupe Tata Pound dans le rôle de « Damarifa » et Amkoullel, dans celui de « Mc Nono Kènè », dans une comédie musicale, utilisent les ressorts comiques du Kotéba pour se moquer des tares de la société malienne comme le fait les « kotédew » dans les villages bamanan. Transformer pour la circonstance en personnages de fiction, les trois artistes ne s’éloignent pas de ce qu’ils connaissent le mieux : le Rap. Connu pour être un genre musical qui ne va pas avec le dos de la cuillère, le Rap est mis à contribution pour porter la révolte et les préoccupations de la jeunesse qui n’a plus d’école et qui s’accroche à l’immigration comme un naufragé s’accrocherait à un nénuphar, pour fuir la misère provoquée par le manque d’emploi et surtout par les différentes politiques imposées par les institutions financières internationales. Dans ce KotéRap, Ramsès, un studieux venu droit de la brousse (VDB), King, un villageois buté et Amkoullel, un gosse de riches, racontent leurs aventures en chansons et en dialogues.
King Massassi ou « Bamanan Number One » est un jeune villageois accroché aux traditions bamanan, mais inefficace dans ses études. Ramsès ou plutôt « Damarifa », le VDB, a un désir et une grande capacité d’apprendre. Mais pour survivre, il va mendier sous les ordres d’un marabout ou se livrer à des petits boulots. Amkoullel, alias « MC Nono Kènè » est fils de riches qui croit que la société lui appartient et que tout lui est permis. Malgré des origines diverses, nos acteurs, chacun de son côté et à sa façon, vit la plupart des problèmes que connaît la société malienne cinquante ans après l’indépendance. Ce sont : une école dégradée qui peine à jouer son rôle éducatif, une vie politique où l’espérance démocratique est contrecarrée par la corruption et le népotisme, le sentiment que l’avenir des jeunes est ailleurs, notamment dans l’émigration. Le spectacle fait alterner les chansons de Rap avec des dialogues de Kotéba.
La langue française pour les dialogues et le bamanan pour les chansons, sont utilisées avec beaucoup de merveilles par les artistes. Dans un Rap à faire danser la salle, on retrouvera des chansons en bamanan pleines de sens qui précèdent ou qui viennent donner d’autres dimensions au dialogue. La séquence « Bamba Saba Mali Safari » qui va suivre un dialogue qui plante le décor va s’achever par un refrain plein de sens : « Personne n’a le choix de ses parents ». Immédiatement ce que l’on peut considérer comme acte II sera consacré aux problèmes de l’école malienne. Cette séquence avec un dialogue où les filtres bamanan, l’argent et les connaissances livresques vont s’affronter pour la conquête du bac, sera amplifié par le refrain : « l’école lieu d’instruction, l’école lieu de débauche, l’école lieu de désespoir ». La colonisation, la démocratie et les élections tronquées et trichées, seront le plat de résistance de l’acte III qui aura comme dessert les refrains : « Ils sont venus pour développer, la misère veut nous tuer » et « Rien n’a changé ici. L’obscurantisme est en train de gagner du terrain et la pauvreté s’accroît de jour en jour ». Dans l’acte IV, les connaissances livresques vont remporter le combat du bac face aux filtres bamanan et à l’argent. Mais, les relations du fils du riche vont lui donner le bac.
Avec le bac, les portes de la France s’ouvrent pour « Mc Nono Kènè » et pour « Damarifa ». Sans bac et sans argent « Mc Bamanan Number One » va choisir la voie terrestre pour regagner la France. Et pour matérialiser cela, les artistes ne trouveront pas mieux que le refrain : « Moi, je quitte le pays pour aller m’enrichir à l’extérieur ». Mais, comme dans un monde mondialisé et déréglementé, rien n’est plus évident, nos trois larrons malgré des parcours différents vont vivre les affres de la France et chanteront à chœur des refrains comme : « L’aventure ne connaît pas la dignité d’un individu » et « L’aventurier ne raconte pas toute sa misère. Il ne dit pas tout ses secrets ». Une prise de conscience va les aider à prendre la judicieuse décision de retourner au pays et cette décision ne peut être que chanter par : « Je retourne au pays… ».
Assane Koné