Enseignement secondaire: Quand les autorités sacrifient le public au profit du privé

Selon les autorités en charge de l’éducation, « l‘Etat et le secteur public n’ont pas les moyens de scolariser l’ensemble de la population scolaire… c’est pourquoi, le PRODEC prévoit le développement du secteur privé« .

 

A la date d’aujourd’hui, nous assistons effectivement à la prolifération des établissements privés. Mais en réalité, quels types d’écoles privées avons-nous?

Quelle est la vraie face de la plupart des promoteurs d’écoles privées? A qui profite cette privatisation presque anarchique? Quel rôle l’Etat doit jouer pour qu’on ait des écoles privées dignes de ce nom?

Depuis près de 20 ans, les autorités politiques et administratives maliennes manifestent peu de souci pour l’éducation de masse et de qualité. Chaque année, l’effectif des non orientés admis au DEF s’accroît: 12.000 en 2006-2007; 14.000 en 2007-2008. Il est prévu 16.000 en 2008-2009. Qu’est ce qui peut justifier une telle politique? Et pourtant, il y a des établissements publics qui n’ont jamais atteint leur réelle capacité d’accueil.

Dans le cadre de la scolarisation, l’apport des établissements privés est considérable. Les statistiques en la matière sont édifiantes. En 2007-2008, le nombre des lycées privés déclarés est de 180 contre 43 lycées publics. Nous disposons au niveau de l’enseignement technique et professionnel de134 établissements privés contre 14 au public. Mais qu’à cela ne tienne, l’arbre ne doit pas cacher la forêt.

La plupart des écoles privées de l’E.S.G.T.P. connaissent de sérieuses difficultés dans leur fonctionnement: infrastructures mal adaptées, insuffisances de professeurs permanents qualifiés, personnel administratif non qualifié, précarité des conditions de vie et de travail des quelques enseignants permanents (absence de plan de carrière, salaire dérisoire, impossibilité de former un syndicat, retard de salaire, etc.), rareté du contrôle pédagogique, insuffisance d’équipement (laboratoires, bibliothèques, infirmeries, salles informatique), etc. Dans le secondaire, les établissements privés reçoivent une aide budgétaire pour frais scolaires, proportionnelle au nombre d’élèves étatiques qu’ils accueillent. Ces frais sont de 80.000F CFA à 135.000F CFA par élève et par an.

Les salaires du personnel (permanent et vacataire) dépendent en majeure partie de ces frais que l’Etat ne paye d’ailleurs jamais à temps. Plus de 200 établissements privés ne se maintiennent et fonctionnent que grâce aux frais scolaires accordés par l’Etat. La plupart des promoteurs d’écoles privés sont de véritables commerçants. Ils ont leur complice au niveau du ministère de l’enseignement secondaire.

Les élèves étatiques mis à leur disposition sont des marchandises, un placement certain. Peu d’établissements privés sont soucieux de la qualité de l’enseignement dispensé. Rare sont ceux qui arrivent à se passer du soutien de l’Etat: dans certaines écoles, 95% de l’effectif sont envoyés par l’Etat. Quel type de privé avons-nous dans ce cas? Etablissements para – publics ou privés? Les établissements qui sont à 100% privé ne valent 30 sur toute l’étendue du territoire. Au Mali, l’émergence du privé dans le secteur de l’éducation va de pair avec le désengagement voire la démission de l’Etat, le bradage de l’école publique.

Quel avenir pour l’école publique?

Soucieux du devenir de l’école publique, nous demandons à l’Etat de ne pas sacrifier le public au profit du privé. Puisque l’Etat engloutit des milliards par an comme frais scolaire, il doit avoir alors un regard sur le privé par rapport à sa gestion, à son fonctionnement et à la qualité des services dispensés.

Une bonne palification soutenue par une réelle volonté politique permettra aux décideurs d’inverser l’option qui consiste à orienter 80% des effectifs au privé dans 5 ans.

En attendant de remettre la pendule à l’heure, l’Etat doit arrêter d’octroyer l’autorisation d’ouverture des écoles privées, refuser d’orienter les élèves dans les privés qui ne répondent pas aux normes et qui ne peuvent pas fonctionner sans les subventions de l’Etat. Nous exigeons l’intervention pleine et entière de l’Etat dans les secteurs vitaux tels que l’école que nous ne devons pas laisser aux mains des opérateurs économiques, préoccupés par la seule logique du profit. La liquidation de l’école publique, ça suffit!

N’golo Marc DEMBELE, Professeur de Philosophie au LBAB

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