Le Mali était en fête lors de la biennale artistique et culturelle qui s’est déroulée dans la dernière décade à Kayes. Le jour de l’ouverture, sans doute quelque perturbé par l’attaque du camp de Nampala, le président de la République a fait appel à plusieurs reprises à notre devise : Un peuple, un but, une foi. C’est vrai que ceux qui animent la rébellion ont entre autre objectif de flatter le sentiment communautaire. Le piège est tellement grossier que même eux sont lassés d’y attendre.
Mais le fait est notre appartenance commune au Mali est de plus en plus ébranlée. Et pas seulement par Bahanga et sa cohorte de bandits. Ceux qui l’ébranlent sont aux premières loges de la République. Pire, par leurs faits, leurs gestes et leurs propos, ils détricotent la Nation. Et le plus grave, c’est qu’ils ne s’en rendent pas compte. Preuve s’il en est qu’ils sont bien en deçà de leurs charges et de ce que la Nation est en droit d’attendre d’eux.
La biennale artistique de Kayes a été l’occasion pour certains d’afficher leur communautarisme dans la presse. Tout le monde sait que c’est en tirant la diable par la queue que certaines régions ont pu boucler leurs frais de participations. Les régions dont le diable est parti à l’aventure ou celles dont le leur a obstinément caché la queue entre les pattes ont été contraintes de sonner la grande mobilisation. Une véritable quête a été organisée. Et le plus souvent ce sont les ressortissants des régions qui ont été sollicités. Solliciter les ressortissants d’une localité pour faire face à des besoins immédiats, c’est à la limite normale. Mais vouloir se glorifier d’avoir mis la main à la poche pour sa communauté, prendre des espaces publicitaires dans les journaux pour en parler, est non seulement choquant mais dangereux.
Les Maliens ont pu voir dans certains organes de presse relayés par des radios de la place la publicité que des ministres se sont offerte. « Le collectif des ministres de Kayes offre 11 millions », telle était l’annonce. C’est honteux. Pour eux dans la mesure où ceux qui se réclament de Kayes auraient pu aligner mieux que cela vu leur nombre. Au lieu de cela, ils préfèrent envoyer des miettes, se faire de la publicité à bon compte et dormir sur les fortunes qu’ils ont immensément accumulées en un temps record. En d’autres temps, 11 millions ,c’est à peine ce qu’il aurait fallu pour satisfaire les besoins en thé d’un seul des membres du collectif ; et en une seule journée s’il vous plait. Mais ce qui est inacceptable, c’est la gravité de leur comportement vis-à-vis de la République et de la Nation. Et dire que ces inconscients ne s’en rendent même pas compte. De mémoire de Maliens, c’est la première fois que des ministres de la République se réclament d’une région. Comme s’ils avaient été nommés au titre de ressortissant de telle région ou de telle localité. Pour ceux des Maliens qui ne connaîtraient pas ces héros des temps modernes, nous en nommons quelques uns : Hamed Diané Séméga, Hamet Niang, Sadio Gassama, Iba N’Diaye, Mme Sidibé Aminata Diallo, Mme Fatoumata Guindo etc. En étendant quelque peu la main, on pourrait être autour de 11. Ce qui voudrait dire que les membres du collectif des ministres de Kayes ont chacun allongé la somme de 1 million. Pathétique. Tant pour la forme que pour le fonds. Pathétique et dérisoire quand connaît la capacité des uns et des autres à se servir. Ne soyons pas surpris dès lors que d’autres ministres puissent s’organiser en collectif des ministres de telle région. Et comme nous serions obligés de comparer, on verrait alors quelle est la région qui dispose de plus de ressortissants dans le gouvernement par rapport aux autres ; et qui sait, peut-être qu’il se trouverait des gens pour demander un rééquilibrage entre les ressortissants des différentes régions de notre pays.
Celle attitude la part de ministres de la République est d’autant plus déplorable et condamnable qu’elle pourrait déteindre sur d’autres segments de notre société. Certains pourraient bien se dire « pourquoi pas nous dès l’instant que les ministres s’y sont mis ? ». Ainsi on pourrait avoir le collectif des DFA de telle région, le collectif des officiers supérieurs de telle autre région, le collectif des procureurs de telle région etc. Il y a donc lieu d’arrêter la dérive tant qu’il est encore temps.
A côté de ce comportement pour le moins indigne de ministres de la République, il y a tous ces autres ministres qui exaltent le fait communautaire. Histoire de montrer qu’ils sont proches de telle communauté. Et généralement, c’est au Nord qu’on les surprend en train de rencontrer la communauté arabe, ou la communauté tamasheq ou la communauté songhoï. Cela apporte un zeste d’exotisme pour des gens qui ne connaissent presque rien du Mali et qui n’ont ne sont allés après Mopti que très récemment. Or personne ne les voit à Kayes ou Sikasso ou à Ségou demander à rencontrer la communauté sarakolé, ou la communauté sénoufo, ou la communauté bamabara etc. Ils ignorent certainement la portée des actes qu’ils posent. Raison pour laquelle il faudrait les arrêter.
Elhadj Tiégoum Boubèye Maïga La Nouvelle République