Les Gaois marchent contre l’insécurité, Affrontements entre les jeunes et les policiers

Le samedi dernier, les populations de Gao ont organisé une grande marche de protestation contre l’insécurité ambiante et contre l’indifférence des autorités. La marche a dégénéré en affrontements entre policiers et jeunes ravivant la tension dans la Cité des Askia.

Depuis le premier jour de l’année, une forme d’insécurité jusque-là inconnue s’est installé à Gao consistant à jeter des grenades ou à les poser à des endroits fréquentés. Cela avait commencé par les grenades jetées dans les familles du député Assarid, du directeur général de l’ADN Aklini et de Azaz qui avaient occasionné la mort de deux personnes et blessures graves chez d’autres. Ensuite, il y a eu la grenade jetée sur un groupe de personne revenant de la prière du soir avec un bilan de un mort (un jeune écolier) et trois blessés graves. Enfin, c’était devenu comme un jeu : tantôt c’est devant l’ORTM, tantôt à l’Académie ou même au bord des routes et même devant les jardins d’enfants. Pendant que les populations ne savaient plus à quel saint se vouer hantées par la présence de ces engins mortels, du côté des autorités c’était le silence total. Laissées à leur sort, les populations ont décidé de protester contre l’indifférence des autorités. C’est pour cette raison qu’une grande marche a été organisée le samedi dernier à l’initiative du Conseil régional des jeunes. Informées, les autorités régionales ont refusé de donner leur accord pour la marche. Mais il ne s’est trouvé personne pour signifier l’interdiction alors même que le gouvernorat, la préfecture et la police avaient été informés. Ne se doutant de rien, les jeunes ont pris d’assaut le Stade kassé Kéita, lieu du rassemblement, dès 7 h. Ce sont des milliers de manifestants qui ont pris la direction du Gouvernorat où les organisateurs voulaient remettre une déclaration au directeur de cabinet. Sur les banderoles déployées, on pouvait lire : la paix, que la lumière soit faite, que les poseurs de grenades et leurs commanditaires soient démasqués et punis. Tout le long du parcours, la foule qui grossissait au fur et à mesure scandait « trop, c’est trop ». A quelques mètres du siège de l’Assemblée régionale, les marcheurs ont été stoppés par des éléments de la police avec à leurs côtés le deuxième adjoint au maire de Gao Bossou Albachar Touré. Celui-ci a déclaré aux organisateurs de la marche qu’ils étaient dans l’illégalité dans la mesure où elle n’a été autorisée ni par les élus ni par le gouverneur. Il a ensuite demandé aux policiers d’empêcher les marcheurs de poursuivre leur progression vers le Gouvernorat. Colère des manifestants qui l’ont traité de complice et d’irresponsable avant de le menacer de lynchage. Les policiers qui étaient déjà très tendus ont alors chargés les marcheurs qui ne comprenaient pas que ce soit sur leur parcours qu’on leur annonce une interdiction alors même qu’ils avaient introduit leur demande depuis le mercredi. Face à des jeunes remontés à bloc et qui refusaient d’obtempérer, les policiers ont commencé à lancer des gaz lacrymogènes. Il n’en fallait pas plus pour les jeunes s’organisent : jets de pierre, installation de barricades, pneus enflammés etc.

Journée d’intifada

Devant la dégradation de la situation, les commerçants ont fermé boutique. Les jeunes ont pris les rues poursuivis par les forces de l’ordre dont les projectiles atterrissaient souvent dans les familles. Gao ressemblait à un véritable champ de bataille rangée. La foule ne se contrôlait plus et certains manifestants voulaient organiser une expédition punitive aux domiciles du maire Bossou Touré et du commissaire de police. Ibrahim Omorou Touré, présidé du CRJ, a pu calmer la foule et la diriger sur le Stade Kassé Kéita aux environs de 11h30. Le bilan dressé à la suite des échauffourées traduit éloquemment la violence qui a suivi la marche : arrestation de 14 jeunes, un inspecteur de police et un gendarme grièvement blessés, le véhicule de la police « caillassé ». Malgré le sentiment de victoire, les jeunes exigeaient la libération immédiate de leurs camarades et ont menacé d’aller brûler le domicile du commissaire de police. Après avoir obtenu la libération de deux mineurs aux environs de 13h, les jeunes ont continué à exiger la libération de tous les autres. C’est tard dans la nuit, 23h, que tous les détenus ont été libérés.

Selon nos informations, c’est le procureur, malgré les pressions dont il était l’objet et les incessants coups de téléphone de Bamako, qui ordonné la libération de tous ceux qui avaient été arrêtés. La situation demeure toujours très tendue à Gao où les poseurs de grenade et/ou leurs commanditaires courent toujours.

Malick Maiga

Correspondant Gao La Nouvelle République

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