Editorial : Khadafi peut « vendre » l’Afrique

« Je vous provoquerais mais ce sera pour le bien de l’Afrique ». C’est par ces mots que Khadafi, le nouveau président de l’Union africaine se serait adressé à ses pairs qui avaient modérément apprécié son absence lors de la première séance de travail qu’il devait diriger. Monsieur prenait son thé sous sa tente plantée dans les jardins d’un hôtel de la capitale éthiopienne.

 

Khadafi président de l’Union africaine, il y’en a qui ont dû se nettoyer les oreilles pour être bien sûr qu’elles ne leur jouaient pas un mauvais tour et d’autres qui ont certainement dû se dire que mieux valait entendre ça que d’être sourd. Et pourtant c’est bien vrai. Ne serait-ce que parce que la roue à tourner jusqu’à lui. On peut, à juste raison, lui reprocher beaucoup de choses. Comme par exemple qu’il n’est pas un exemple de démocratie. Mais ils ne seraient pas nombreux les chefs d’Etat africains qui lui jetteraient la pierre. Comme par exemple qu’il chasse les Africains par grappes entières alors même qu’il se présente comme le chantre du panafricanisme et de l’intégration africaine. Mais sur ce terrain aussi, il y’en qui font comme lui ou pire que lui ; les exemples de pays africains se défoulant sur l’étranger pour exorciser les difficultés intérieures font légion. On pourrait lui reprocher sa mégalomanie. Ne vient-il pas de s’autoproclamer Roi des rois traditionnels africains. Sauf qu’à la différence de tous les autres, lui, il assume sa folie des grandeurs. Loin de nous l’idée de l’excuser, au contraire, nous avons eu à maintes reprises l’occasion de dénoncer toutes les dérives dont lui et certains parmi ses pairs africains se rendent coupables.

Mais essayons de positiver un tant soit peu son élection comme président de l’Union africaine. S’il y a une chose dont on peut être absolument sûr, c’est qu’il va y a voir du sport. On entendra parler de lui et par ricochet de l’Afrique. En effet, contrairement à bon nombre de présidents africains qui font la cour aux supposés grands de ce monde ; lui, on lui fait la cour. Et on ne lui dicte pas une loi. Les Suisses sont bien placés pour le savoir eux qui ont affaire à lui pour avoir maltraiter un de ses enfants. Avant les Suisses, on a vu la mobilisation du banc et de l’arrière banc de la République française pour l’accueillir comme il le souhaitait : tente plantée dans un grand palace parisien, circulation bloquée dans la capitale rien que pour céder le passage. On a pu apercevoir les grands de ce monde se presser sous sa tente ; qu’il s’agisse de Condelizza Rice l’américaine ou de Tony Blair le britannique ou encore de Kouchner le français. On a pu voir le tapis rouge déroulé à ses pieds à Bruxelles. Dans ces moments là, on n’a entendu aucune voix s’élever pour dire qu’il n’est pas un démocrate ou qu’il n’y a pas d’opposition chez ou encore qu’il expulse les Africains (Rama Yade, Secrétaire d’Etat français aux droits de l’Homme qui avait eu le courage de ses opinions en déclarant que la France n’était pas une paillasse sur laquelle Kadhafi viendrait s’essuyer les pieds avait été rabrouée par Nicolas Sarkozy). Parce qu’en ces temps là, on parle affaire ; et quand on parle affaire on évite les sujets qui fâchent. Personne ne voudrait s’attirer le courroux de quelqu’un qui est assis sur tapis de pétrole et de gaz sans oublier les autres richesses. Quand il y a des dizaines de milliards d’euros en jeu, on ne s’encombre pas de scrupules droit-de-l’hommistes.

Parce que c’est un mégalomane, il cherchera certainement à ce que lui, le président de l’Afrique, le Roi des rois traditionnels africains, soit accueillis avec les honneurs dû à son rang. C’est-à-dire,  à défaut de traiter d’égal à égal, qu’on le respecte parce que c’est lui, donc l’Afrique, qui détient les matières premières. Rien que pour cela, la présidence de Khadafi mériterait d’être suivie.

El Hadj Tiégoum Boubèye Maïga La Nouvelle République

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