Gestion calamiteuse, LA BOMBE FONCIERE

Il ne se passe pas un jour sans qu’un scandale foncier n’occupe la Une de la presse. Il ne se passe pas un vendredi sans que les imams n’interpellent les autorités sur les injustices dont sont victimes les plus humbles, spoliées à longueur de journée. La faute aux élus municipaux qui ont fait de la terre un vrai gisement à pétrole. La faute à la Justice qui rend des décisions qui frisent le déni. La faute à l’Etat qui a laissé pourrir la situation et qui veut sauver les meubles à travers l’organisation prochaine des états généraux sur le foncier.

 

 

 

« L’Etat vous attribue une parcelle, vous obtenez votre titre foncier. Le lendemain la même parcelle fait l’objet d’une nouvelle attribution. C’est le fait de l’Etat, le fait du prince, cela ne prête à aucune conséquence ni pour l’Etat, ni pour l’agent dont c’est la faute;

Vous avez votre titre foncier, l’Etat entame une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique sans plus. Il y fait faire des travaux de force, ne vous indemnise pas préalablement et vous envoie promener. De recours en recours, vous parvenez à la conclusion que le déni dont vous êtes victimes va au-delà du droit commun. Que peut autrement un simple individu face à la puissance publique, surtout quant la mauvaise foi des agents est là ! » Nous sommes à la rentrée des cours et tribunaux et le bâtonnier Me Seydou Maïga met les pieds dans le plat et un doigt sur la plaie de l’heure : il s’agit de la problématique foncière. A sa suite, le président de la République qui présidait la cérémonie reconnaissait les abus dont sont victimes de nombreux Maliens dont le seul tort est de ne pas disposer de moyens ou de bras longs pour les soutenir.

Mieux, le président de la République, quelques jours seulement après la rentrée des cours et tribunaux, a eu à donner des instructions fermes au gouverneur du District de Bamako pour qu’il mette fin aux agissements de certains maires qui s’adonnaient à une pure spoliation de terrains pour les revendre aux plus offrants. Mais c’est véritablement lors de la présentation des vœux que le président de la République allait être complètement soufflé par la charge sous forme de réquisitoire impitoyable des Ulémas. Le président du Haut conseil islamique du Mali a rapporté au président de la République le sort de près de 1000 femmes qui l’ont rapproché en pleurs parce qu’on venait de raser leurs concessions en plein hivernage, alors même qu’elles avaient le droit avec elles.

 

Gisement des maires.

La vente des terrains constitue une source lucrative pour les élus municipaux. Ne disposant pas de véritables ressources financières, les terrains sont une vraie mine pour les édiles. Ils vendent, les revendent, les retirent, les réattribuent comme bon leur semble à ceux dont les bourses sont généreuses. Qu’il y ait trois voire cinq titulaires pour une même parcelle ne représente qu’un souci mineur pour eux. Raison pour laquelle nombreux sont les maires à trainer devant les juges pour des malversations foncières.

A eux seuls, ils sont de véritables entreprises de spéculations. Ils signent les notifications et les lettres d’attribution à la pelle. Ils disposent de véritables circuits tant au Mali qu’à l’extérieur qui leur permettent d’écouler leurs produits, de se faire les poches et éventuellement de se constituer un trésor de guerre en vue des élections à venir.

La spéculation autour de la terre a transformé la question foncière en une véritable bombe qui pourrait éclater à n’importe quel moment. La colère monte de partout et personne ne sait quand elle éclatera. Face à toute cette pagaille autour du foncier et aux menaces réelles qu’elle fait peser sur la stabilité sociale, l’Etat est en train de préparer des états généraux. Il s’agira d’identifier les problème et de dégager un code de bonne conduite. Espérons que les résolutions seront appliquées. Sinon la bombe foncière est depuis longtemps amorcée.

 

Damouré Cissé

 

 

Encadré

Niamakoro ou la Cité du « démolition man »

Ils sont momentanément en sursis. Ils le savent. Tout comme ils savent que c’est à la force de leur détermination qu’ils ont pu obtenir une de répit dans la folie destructrice qui s’est abattue sur leur quartier depuis l’année dernière. Ils ont dû écrire à toutes les institutions de la République, rencontrer le ministre du Domaine et son homologue de la Justice. Ils ont dû expliquer une fois, dix fois, cent fois pour obtenir que l’Etat veuille s’intéresser enfin à leur détresse et voir celui qui fait office de démolisseur arrêter la destruction de maison. Il s’agit de ceux dont le seul tort est d’habiter à Niamakoro, dans une zone appartenant à Lahaou Fofana. Ayant acheté des terrains en toute bonne foi, ils ont y ont investi des centaines de millions de francs CFA pour se loger, eux et leurs familles. En effet, une évaluation faite de manière sommaire par les victimes a permis d’estimer à plus de 30 milliards les habitations qui se trouvent sous la menace de démolition. Tout allait bien jusqu’au jour où Lahaou s’est pointé avec des décisions de justice à la pelle. Primo, c’est lui le propriétaire. Secundo, il n’était pas au courant de la vente de ses terrains. Tertio, la justice l’autorise à casser les maisons qui sont situées sur son espace. Aussitôt dit aussitôt fait. Des chefs de familles ont assisté impuissant à la destruction de leur concession et du jour au lendemain se sont retrouvés à la rue, n’ayant que leurs yeux pour pleurer.

Aux dernières nouvelles, Lahaou Fofana aurait changé de stratégie. Il ne casse plus les maisons. Il joue avec ses victimes. C’est ainsi qu’il les fait expulser pour ensuite les faire revenir et enfin leur proposer de lui verser des sommes  exorbitantes pour espérer garder le terrain. Il est clair que si l’Etat ne fait rien, le démolisseur continuera son œuvre. Et rien ne garantit que ses victimes resteront les bras croisés.

 

D.C La Nouvelle République

 

Top