Retour d’ex-insurgés dans l’Armée, DE QUI SE MOQUE-T-ON ?

L’image a certainement dû échapper à la vigilance de nombreux téléspectateurs, le mercredi soir et jours suivants. Un groupe de 140 combattants Idnanes, ayant pris la posture de campeurs ou de pique-niqueurs que d’insurgés repentis, jurant qu’on ne les reprendra plus en train de fricoter avec Bahanga et que cette fois-ci « c’est promis juré », ils regagnent la mère patrie pour de bon. C’était à l’occasion des rencontres intercommunautaires qui se sont déroulées les 19, 20 et 21 janvier à Ersane dans le cercle de Bourem.

 

Pour parler trivialement, ça sentait le « foutage » de gueule pour ne pas dire un grossier montage. En effet, on a pu reconnaître, malgré son apparition furtive et l’immense turban qui recouvrait sa tête, Ag Ouffène. Pour ceux qui ne se rappellerait plus de lui (ce qui serait normal vu que la question de l’insécurité est hélas tombée dans le domaine des faits divers), c’est le monsieur qui dirigeait un projet à Kidal et qui un beau matin s’est tiré avec le véhicule de service et le coffre qui contenait la somme de 10 millions, non sans avoir tiré le coup de feu. Et pour mieux masquer sa forfaiture, il était allé jouer les fanfarons sur les antennes de RFI, déclarant le pourquoi de son acte et déversant au passage toute sa haine sur les autorités en place. Et le voilà qui, profitant du laxisme ambiant, revient gaillardement à la tête d’une bande de transis, probablement fatigués et enrhumés, parler de patrie et de patriotisme. Sous tout autre ciel que le Mali, on l’aurait proprement cravaché à défaut de l’alpaguer comme cela se devrait dans une République. En ne le faisant pas et en lui déroulant le tapis rouge, on ouvre la porte à d’autres comme lui qui seraient tentés de faire la même chose pour ensuite conduire des jeunes ramassés dans la brousse pour les présenter comme des insurgés ayant eu le remord.

Il paraît que l’Histoire repasse toujours les plats. Seulement voilà, il semble aussi que quand l’Histoire se met à bégayer, « c’est la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce ». Dans cette histoire de l’insécurité au Nord, l’Histoire a bégayé sous forme de tragédie. Et maintenant, elle est en train de bégayer à nouveau, mais cette fois-ci sous forme de farce. En effet, on a vu à l’occasion du retour des « 140 combattants Idnanes », un simulacre de flamme de la paix au cours de laquelle « 120 armes ont été incinérées » afin dit-on de « brûler Satan qui aurait tendance à résister à la lapidation ». On serait un tantinet mesquin qu’on demanderait pourquoi 120 armes alors qu’ils sont 140 combattants ? Mais passons parce que les vraies préoccupations sont ailleurs. En effet, il est gênant de stigmatiser toute une communauté en procédant par une sorte de désolidarisation ethnique. Aujourd’hui ce sont les Idnanes, demain on dira aux Ifoghas, aux Chamanamasses, aux Imgades, etc. que si l’insécurité persiste, c’est la faute à leurs enfants. Histoire de leur mettre la pression dessus et exiger d’eux des résultats là où l’Etat a échoué.

Avec l’affaire des « 140 combattants Idnanes », on a pu voir des cadres de l’Etat déclarant qu’ils ont répondu à l’appel du président de la République fait à partir de Kéniéba, après l’attaque de Nampala, où il sommait presque les leaders, cadres, chefs de fraction et notabilités de ces communautés de se bouger un peu en faveur de la paix. Personne n’est dupe. Il se murmure déjà qu’ils verraient d’un bon œil une reconnaissance sous forme de promotion administrative, surtout par ces temps de rumeurs persistantes de remaniement ministériel. On a également pu voir le consul libyen, Moussa El Koni, se féliciter du retour des combattants et réaffirmé l’engagement de son pays à aider le Mali dans la recherche de la paix. Ce qui n’a pas manqué d’alimenter la controverse sur le rôle véritable de la Libye dans la pagaille qui perdure dans le Nord de notre pays. « Là où il y a les Libyens, il y a du désordre et de l’argent à ramasser » affirment les plus sévères. « Ce sont eux qui sont à l’origine de la reprise et de la recrudescence de l’insécurité, ils savent comment éteindre le feu » (bolo min yé shi do mo là, o dé bi sé ka bo) tentent d’expliquer les plus compréhensifs.

Une chose demeure certaine, tant que l’Etat continuera à refuser d’appliquer les lois de la République à tous ses enfants, il y aura toujours des gens pour se moquer de lui. Et comme l’Histoire a tendance à repasser les plats, il en y aura toujours pour savoir en profiter.

 

Bassaro Touré La Nouvelle République

 

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