Le choix d’ériger le monument du Cinquantenaire sur une plate-forme avançant dans le fleuve Niger continue de susciter la réprobation d’une partie de l’opinion (lire l’Essor du 11 août).Ce sentiment a suscité une conférence de presse organisée jeudi par le regroupement du Seco-ONG et le Forum des organisations de la société civile. La rencontre avec les journalistes qui s’est déroulée à la cantine de l’École normale supérieure située juste en face du chantier du monument, était animée par Hamidou Diarra, le président du Forum des organisations de la société civile, Barou Mamadou Coulibaly du Seco-ONG et Sékou Diarra, le président de la Coalition des alternatives africaines, dette et développement (CAD-Mali). « Oui au Cinquantenaire, mais non à la perturbation écologique du fleuve », pouvait-on lire sur une banderole déployée pour l’occasion.
On l’aura compris, pour ces organisations, la construction du monument du Cinquantenaire à l’emplacement choisi aura des conséquences néfastes sur fleuve. Introduisant la rencontre, Hamidou Diarra a rappelé le rôle des organisations de la société civile d’analyser les politiques de développement, de renforcer les capacités et d’accompagner l’État dans ses missions. La construction de ce monument constituant, de son point de vue, un problème environnemental pour notre pays, il lui apparaissait normal que les animateurs de la société civile critiquent ce choix de l’État.
Barou Mamadou Coulibaly a réfuté le manque d’espace avancé parfois pour justifier la construction du monument dans le fleuve. « L’État doit être le premier protecteur de l’environnement en général et du fleuve Niger en particulier, un cours d’eau vital pour notre pays », a-t-il estimé. « Combien d’agriculteurs et même de citadins vivent de ce fleuve ? », a renchéri Sékou Diarra avant d’appeler à la mobilisation contre l’édification du monument sur le site actuel. Mais au-delà du monument du Cinquantenaire, les organisateurs de la conférence de presse entendaient dénoncer toutes les autres constructions empiétant sur le fleuve (hôtels, maisons d’habitation etc…).
Le Mali, ont-ils rappelé, a signé et ratifié plus d’une trentaine de conventions, accords et traités internationaux relatifs à l’environnement, dont la convention sur la lutte contre la désertification, la convention sur la diversité biologique, la convention sur les changements climatiques, la convention africaine sur la conservation de la nature et des ressources naturelles. Au plan national, l’article 15 de la Constitution stipule que « toute personne a droit à un environnement sain ».
La protection, la défense de l’environnement et la promotion de la qualité de la vie s’imposent donc comme un devoir pour tous et pour l’État. Le cadre politique de cette obligation est donné par la Politique nationale de protection de l’environnement adoptée par le gouvernement en 1998. Sékou Diarra a élargi son argumentation en énumérant plusieurs facteurs menaçant les 9 pays du bassin du fleuve Niger : feux de brousse, déforestation, ensablement, érosion, pollution minière, chimique, industrielle et atmosphérique, chasse, pêche anarchique, végétaux envahissants, forte croissance démographique, changements climatiques. Précisons que les 9 pays du bassin fleuve Niger sont le Bénin, le Burkina-Faso, le Cameroun, la Côte-d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le Nigeria et le Tchad.
Dans un article consacré à ce chantier monumental (l’Essor du 11 août), nous avions fait part aux techniciens travaillant sur le site, des appréhensions soulevées dans le public par l’empiètement des aménagements sur le fleuve. Un technicien supérieur du génie rural, Seydou Sagara, tout en jugeant « très normale » l’inquiétude du public, avait assuré que les travaux étaient menés après une étude approfondie au double plan environnemental et hydraulique.
Les relevés topographiques effectués en amont attestent que le projet n’entame en rien l’écoulement normal du fleuve, avait-il soutenu. Tout au contraire, poursuivra-t-il, pour satisfaire la beauté visuelle du fleuve le long de son passage bamakois, il est souhaitable d’aménager les deux littoraux afin de rétrécir le lit.
La compression du volume de l’eau permet alors de relever le niveau de l’eau, comme c’est le cas dans certaines villes européennes, avait-il précisé. A l’évidence, ces explications n’ont pas convaincu tout le monde et la polémique semble partie pour durer.
Sidi Yaya Wagué