Annoncées pour novembre prochain, les états généraux sur la corruption suscitent les commentaires les plus divergents. Ce forum vient-il à point nommé ? Va-t-il combler les attentes des populations au regard des conséquences graves que la pratique a sur le développement, l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations ? Ce sont toutes ces interrogations qui exigent des réponses appropriées. Mais, d’ores et déjà, nombreux sont les sceptiques qui infirment la pertinence de cette assise. Et ceci, à juste titre.
De l’indépendance du Mali à ce jour, tous les pouvoirs qui se sont succédés à la tête de l’Etat, ont, chacun à sa façon, lutté contre la pratique de la corruption. Les différents résultats ont été plus ou moins probants, mais toujours en deçà des attentes. Ainsi, sous la première République, il a été initié ce qu’on a appelé « l’opération taxi ». C’était une action dirigée contre les administrateurs véreux. C’est à ce moment, compte tenu de la nature du régime, que la lutte contre la corruption devrait être plus efficace. Tant, la corruption n’était pas profondément enracinée dans nos mœurs.
Sous la deuxième République, les efforts ont été multipliés à cause de l’ampleur qu’avait la corruption. D’où la création de la commission nationale de lutte contre l’enrichissement illicite.
Consécutivement à cela, plusieurs cadres ont été jugés et condamnés. Là aussi, la corruption n’a pu être éradiquée, les détournements de deniers publics étaient le lot quotidien. C’est sous la deuxième République pourtant que les autorités sont allées plus loin. A la fin de ce régime, les populations avaient nourri beaucoup d’espoir que, l’ouverture démocratique allait permettre de réduire de manière significative, les inégalités.
Cela devrait passer par une meilleure gestion des ressources publiques qui n’est envisageable qu’à travers une croisade impitoyable contre la corruption et la délinquance financières, donc contre les « sangsues » et autres administrateurs indélicats. Ainsi, de l’ouverture démocratique à ce jour, on ne peut soutenir que les attentes ont été comblées en terme de lutte contre la corruption et la délinquance financière.
Ainsi, sous le pouvoir ADEMA, il y a eu beaucoup de scandales financiers.
C’est ce qui justifie la croisade menée par l’ancien président Alpha Oumar Konaré contre la corruption. Il s’agissait, en particulier, de la lutte contre la délinquance financière. Des arrestations ont été opérées, mais à l’issue des procès des présumés délinquants financiers, il a été prononcé des non lieux. Comme pour convaincre l’opinion publique nationale et internationale que parfois, on accuse sans preuve des citoyens, attentant du coup à leur honneur. Chacun a son avis sur des cas similaires qui, en son temps, avaient défrayé la chronique. Ainsi, dans ce cas également, la montagne a accouché d’une souris.
Avec l’arrivée d’ATT aux affaires, on a beaucoup compté sur un renversement de tendances. Est-ce le cas aujourd’hui ?
Il est difficile de le dire, pourtant, avec la création par le président Touré, du Bureau du Vérificateur Général (BVG), les structures de contrôle de la gestion des ressources publiques sont plus que jamais renforcées. Mais, après le caractère dissuasif du début, la situation n’est pas reluisante. A cela, plusieurs explications dont le doute entretenu autour du contenu des rapports du Vérificateur Général et l’impossibilité de créer un cadre efficient pour vérifier la pertinence ou non desdits documents.
En effet, la justice traîne les pieds à interpeller sur la base des dossiers les présumés corrompus ou délinquants financiers. Aujourd’hui, nombreux sont les concitoyens qui ne parviennent pas à comprendre pourquoi le bureau du Végal a été créé, une structure pourtant budgétivore. C’est pourquoi, il n’est pas rare d’entendre dire que cette institution en est une de trop ! Mais, le président de la République a le temps de donner plus de lisibilité au BVG. Il ne tient qu’à lui, pour que la machine judiciaire soit mise en marche. Ce n’est que de cette manière que tous peuvent être rassurés de l’opportunité de la création de cette structure d’inspiration canadienne au Mali. Mais d’ici là, il est question de l’organisation des états généreux sur la corruption. Quel sera le sens de l’organisation d’un tel forum aujourd’hui ?
Pour beaucoup de concitoyens, ces états généraux sont une manière d’animer la galerie. Sinon, pourquoi ne pas chercher d’abord à tirer au clair les dossiers issus du rapport du Végal.
Il faut craindre que les états généraux ne soient un espace de défoulement entre défenseurs et détracteurs du BVG. Cela va-t-il faire avancer la lutte contre la corruption et la délinquance financière ?
Amadou DIAKITÉ Le Pouce