Face à des grévistes qui dénoncent de fortes inégalités de salaires et de traitement, le transporteur argue un manque de moyens pour satisfaire les exigences de ses agents.
Le personnel d’Air France à Bamako est en grève illimitée depuis mardi car un différend oppose le comité syndical à la direction locale ainsi qu’à la direction régionale basée à Dakar. Les grévistes s’estiment victimes d’une « injustice » et dans un document remis à la direction depuis février 2009, réclament la satisfaction de quatre revendications majeures : la révision de la valeur de leur point indiciaire de 987,78 à 1030, l’alignement de leur avancement catégoriel sur la délégation locale de Dakar, la révision de la prime de panier ou repas de 1500 à 4000 Fcfa et l’alignement de la prime locale annuelle de 90 000 à 400 000 Fcfa. La révision de l’accord d’établissement de 2004 qui lie la compagnie au personnel fait également partie des points de revendication. Mercredi, les négociations entre les deux parties ont débuté sous l’égide de l’UNTM. Mais elles n’ont pas abouti. Depuis, c’est le blocage. « Nous dénonçons avec vigueur les termes de l’accord d’établissement signé en 2004. Lors de sa signature, la direction régionale des ressources humaines avait affirmé et soutenu que l’accord de Bamako était identique à celui de Dakar. 5 ans après, nous avons découvert la supercherie et le leurre dont nous sommes victimes », explique la secrétaire générale du bureau syndical de Air France Bamako, Mme Diallo Augustine Sangaré. Les agents de Bamako, déplore-t-elle, ne bénéficient pas de conditions similaires à celles accordées à leurs collègues du Sénégal aussi bien sur le déroulement de leur carrière, le régime indemnitaire, les primes que sur les avantages sociaux. « Le personnel malien, compte tenu de son effectif réduit souffre de conditions de travail difficiles à l’heure où les exigences des passagers deviennent de plus en plus grandes », souligne la syndicaliste. « Pour une obligation de résultats identiques à nos collègues du Sénégal et pour une fréquence de 7 vols hebdomadaires, exactement comme au Sénégal, l’effectif du personnel malien ne compte que 29 personnes pour 144 au Sénégal. Les prestations de services existantes ne sauraient en aucun cas justifier ce type de traitement à notre égard. Nous sommes tout simplement victimes de mépris et de discrimination », dénonce Mme Diallo Augustine Sangaré. Dans le détail, les inégalités pointées par les grévistes par rapport au statut en vigueur au Sénégal, touchent d’abord la grille salariale. La valeur du point qui est de 1030 à Dakar, tombe à 970 à Bamako. Les agents de Dakar bénéficient d’un 14è mois tandis que ceux de Bamako ne perçoivent rien. La prime de panier ou de repas est de 4 000 Fcfa à Dakar et de 1500 à Bamako. Une prime locale annuelle étant allouée à tout agent Air France, elle se chiffre à 400 000 Fcfa à Dakar et à 90 000 à Bamako. Tandis qu’à Bamako, on n’a droit à aucune indemnité de départ à la retraite, celle-ci s’élève à un million de Fcfa à Dakar. A ces écarts pécuniaires conséquents, s’ajoutent des inégalités de traitement « injustifiées », indique le personnel bamakois du transporteur. Deux ans, constate-t-il ainsi, suffisent à un agent d’Air France à Dakar pour passer de la catégorie A à la catégorie B. Il en faut 4 voire 6 ans à son homologue malien à poste et compétence identiques. Chez le voisin sénégalais, notent aussi les grévistes, l’agent d’Air France a droit à un jour de congé spécial lorsque son enfant ou son conjoint est hospitalisé. Dans le même cas de figure, celui de Bamako doit puiser sur ses congés réguliers. « Nous sommes des employés de la compagnie Air France au même titre que nos collègues sénégalais, nous avons les mêmes obligations de pré requis et de résultats, nous ne sommes les seuls qui devions supporter la crise. Nous demandons réparation », a résumé Mme Diallo. « Le problème du personnel de Air France est très complexe. La Guinée, le Sénégal, la Mauritanie et le Mali relèvent d’une même direction. Nous avons des agents qui sont recrutés sur les mêmes critères et avec les mêmes diplômes mais qui ont une différence salariale qui va du simple au quintuple », constate Yaya Mallé de l’UNTM qui estime qu’Air France a signé des accords pays discriminatoires. « On dit à travail égal, salaire égal. Mais les agents de Bamako sont très lésés par rapport à leurs collègues de Dakar pour le même rendement. Nous n’avons pas dit d’aligner tout de suite nos camarades sur Dakar, mais compte tenu de l’écart trop grand, nous avons souhaité qu’Air France fasse un effort », précise Yaya Mallé. Les proposions faites jusque là par la compagnie sont « insignifiantes » au regard des objectifs du personnel, juge-t-il. » Quand la direction locale de Air France va jusqu’à dire qu’il a une relation particulière avec Dakar, cela témoigne de son mépris pour notre pays. C’est très grave. Pire, Air France a fait venir du personnel étranger pour expédier, pendant la grève, les affaires courantes. Cela est une violation des dispositions des conventions », accuse le syndicaliste. Tout en reconnaissant la légitimité des revendications des grévistes, le directeur régional pour l’Afrique de l’ouest d’Air France, Jean Raul Tauzin, assure que sa compagnie n’a pas les moyens de faire face à la charge des revendications en raison de facteurs endogènes et exogènes. « Nous n’avons pas les recettes pour continuer de progresser. Il faut donc que nous soyons vigilants sur les coûts. Nous sentons un rebond mais cela est insuffisant face à la progression des coûts », argumente notre interlocuteur. « L’alignement n’est pas une référence. Car chaque pays à ses réalités et spécificités. Nous nous positionnons par rapport à la situation intérieure du pays », précise Jean Raul Tauzin qui souhaite le report des négociations à octobre, vu le niveau des exigences du comité syndical. En attendant, le service offert par le transporteur a baissé en qualité et son image est écornée dans une opinion sensible aux arguments des grévistes. Affaire assurément à suivre, surtout par des clients sérieusement inquiets de la situation.
par Baye Coulibaly