A la primature, le calme habituel des lieux s’est brutalement détérioré après que le PM a rencontré l’opposition avec qui des contradictions flagrantes ont apparu sur certains chiffres liés au déficit d’Etat. Quand l’opposition parle de près de 260 milliards d’impayés au trésor public, le PM, lui, rate sa réplique pour ne tabler que sur 75 milliards de francs CFA. Où est donc la vérité des chiffres. D’où la colère noire du PM qui a juré d’en tirer au clair.
Modibo SIDIBE, chef de gouvernement, ne se remettra pas décidément, de si tôt, de l’erreur de chiffres qu’il a monumentalement commise, lors de sa rencontre avec une forte délégation de l’opposition, venue à sa demande dans le cadre d’un dialogue républicain. C’était en fin de la semaine dernière dans le calme feutré des bureaux de la Primature. A l’occurrence, Tiébilé DRAME, leader du Parena, jusqu’alors président du FDR, et ses camarades du bloc oppositionnel ont présenté à leur interlocuteur un mémorandum en bonne et due forme qui contenait, nous a-t-on rapporté, des griefs de l’opposition concernant la gestion de certains dossiers sensibles.
L’opposition, qui avait apparemment préparé ces retrouvailles, a bien voulu sortir du cadre restreint des salamalecs et des bons procédés. En fait, l’heure est grave, entendons souvent dans ce milieu, pour se confiner à de stériles déclarations d’intention. Voilà pourquoi dès cette sortie à la Primature, les ténors de l’opposition, ainsi représentés, ont voulu faire les choses en grand. Un diagnostic complet et sans complaisance a été fait sur l’ensemble des choses qui fâchent : précarité sociale, initiative riz, école, rébellion armée au nord et crise des finances publiques.
A en croire les sources proches de la rencontre (les journalistes pour leur part ont été gentiment priés de quitter la salle après les salamalecs nourris), c’est sur la crise des finances que le débat a quelque peu achoppé. Ce n’était pas d’ailleurs la première fois que l’opposition s’en saisisse de la question. On le sait, en juin dernier, dans un communiqué de presse du Parena sur l’an I du second mandat d’ATT, ce parti s’en était fait en ces termes : « Sur la crise financière et de trésorerie, soit le chef de l’Etat n’est pas informé, soit il est très mal informé. Ainsi, le chiffre 80,5 milliards de FCFA annoncé comme dette intérieure de l’Etat est erroné. Le Parena se veut plus précis : la dette intérieure du pays était, en fin mai 2008, de 150 milliards de FCFA, dont 50 milliards dus aux société minières. Les 100 milliards restants, c’est ce que l’Etat doit à ces entrepreneurs qui s’écroulent, à ces commerçants qui ferment boutique, etc. C’est ce manque d’argent frais qui rend la vie si difficile. En plus de ces 150 milliards, l’Etat est endetté auprès de quelques banques de la place de soixante-dix milliards de francs (70.000.000.000) CFA ».
Aujourd’hui encore, et devant le PM en personne, en compagnie de ses principaux collaborateurs, l’opposition persiste et signe : l’Etat est super endetté, en ce sens que le trésor public saigne. La crise des finances est ainsi décrite par l’opposition : « A la fin du mois de mai 2008, le trésor public cumulait plus de 200 milliards de FCFA d’impayés. Entre la fin du mois de juin et à la mi-juillet, ce chiffre dépassait 260 milliards de nos francs. Si cette situation n’est pas maîtrisée, c’est toute l’économie nationale, y compris le système bancaire, qui risque d’être étouffé ». Le tableau dressé par l’opposition est implacable sur la crise des finances à laquelle l’Etat est confronté.
Si le PM, en réplique, est conscient de ce déficit financier, il n’en demeure pas moins qu’il soit porté à le convertir à la baisse. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait, devant ses interlocuteurs de l’opposition, en estimant tout de go que le trésor cumulait en tout, pour la période visée, seulement quelques 75 milliards de francs d’impayés. Nouvelle contradiction dans les chiffres, tels qu’ils sont libellés selon qu’il s’agit des sources officielles ou de l’opposition. Il y a quelques mois, c’était le chef de l’Etat, ATT lui-même, qui contredisait le déficit financier annoncé par l’opposition, s’agissant des impayés au niveau du trésor ; aujourd’hui encore, c’est le tour du chef du gouvernement, Modibo SIDIBE, de prendre quelques libertés avec le déficit financier cumulé au niveau du trésor public. Comme la réponse du berger à la bergère : l’opposition avance ses chiffres, en termes d’arriérés impayés au Trésor qui se chiffrent à près de 260 milliards de nos francs ; le PM, lui, qui n’est pas de cet avis, proteste (comme du reste tous les autres points soulevés par l’opposition), et maintient les impayés au niveau du trésor, en cette période ciblée, à 75 milliards de FCFA.
Manifestement, il y a mal donne : les chiffres avancés par l’opposition sont jugés trop élevés par le PM qui, documents à l’appui, s’évertue à banaliser la polémique. L’opposition, de son côté, comme elle avait insisté s’agissant du premier anniversaire de l’an I du second mandat d’ATT, n’est pas d’humeur à renoncer sur ses chiffres qui lui paraissent plus fondés. Elle insiste et met la pression sur le PM à propos duquel elle se dit qu’il n’a pas la situation en mains concernant au moins ce chapitre pourtant capital pour la santé économique du pays. En fait, le PM, s’il a voulu montrer à ses interlocuteurs qu’il n’est pas en déphasage avec le vécu quotidien des dossiers, ne détient pas les bons chiffres sur ce déficit financier du trésor public. D’ailleurs, il s’en rendra compte dès le troisième jour de sa rencontre avec l’opposition, à savoir le lundi suivant, où dans le secret de son cabinet, le PM, contre toute attente, découvrira la réalité des chiffres. En début de semaine, Modibo SIDIBE sera briefé par des conseillers qui lui ont apporté les chiffres réactualisés de ce déficit. L’homme est tombé des nues. Séance tenante, il a convoqué un mini conseil de guerre à l’issue duquel il a éclaté sa colère. « Comment est-ce possible que je me sois rendu ridicule vis-à-vis de l’opposition de cette manière ? Des têtes vont tomber… », a-t-il menacé. Passera-t-il à l’acte ? En tout état de cause, en l’espèce, comme on le voit, la faute (l’enfer), c’est bien les autres. Ce qui est d’ailleurs marrant d’autant qu’en pareille circonstance, compte de la solennité de l’événement, le PM, qui sait le sens véritable donné à ce rendez-vous avec l’opposition, aurait pu simplement se munir des plus simples précautions, en demandant à ses services techniques le point détaillé et actualisé sur certains dossiers chauds de l’Etat. Il ne l’a pas fait. Et cela, quelle que soit la sanction encourue, à tort ou à raison, par les subalternes, se paye cash avec des interlocuteurs futés et tatillons comme les ténors du bloc de l’opposition.
Affaire à suivre donc !
Par Sékouba SAMAKE
Source: Info Matin