Il s’est installé dans nos habitudes alimentaires mais en cette période de Ramadan il se fait rare et cher. Jamais le poisson de mer n’a connu autant de succès dans notre pays que ces derniers temps. Moins cher que le poisson d’eau douce localement pêché, il est aussi apprécié pour sa saveur succulente.
En l’absence de toute statistique fiable en la matière, on constate que le marché bamakois absorbe une très grande quantité de poissons de mer. De nos jours, ce commerce a franchi les limites de la capitale pour gagner les capitales régionales où le maquereau ou le chinchard se consomment en grande quantité avec « l’atiéké », ce couscous de manioc venu de Côte d’Ivoire. Et la multiplication de poissonneries, pour la plupart artisanales, atteste de l’engouement de nos concitoyens pour les produits de mer. Ces poissonniers importent la marchandise du Sénégal, de Mauritanie, du Maroc et même de Tanzanie via la Côte d’Ivoire. Malgré ce long périple, ces poissons sont vendus à des prix très abordables. Le kilogramme de poisson se négociant entre 600 et 1000 Fcfa. Dans les différents marchés des quartiers populaires de la capitale, les femmes en vendent au détail. C’est un négoce qui explose littéralement et ce particulièrement en ce mois de Ramadan où la demande est très forte.
DIVERSES VARIETES TRES APPRECIÉES. « Nous n’avons rien à envier aux pays côtiers. Dans notre pays, on trouve toutes les variétés de poissons et fruits de mer. Des dorades aux sardines en passant par les poulpes, les calamars et même de petits squales dont la chair est très appréciée quand elle est servie avec le riz, assure un cordon bleu d’un grand hôtel de place rencontré au rayon poissons et fruits de mer d’un grand supermarché de la place. Un peu plus loin de là, chez le poissonnier Malimag (Société d’importation de poisson), c’est aussi la période des bonnes affaires. Cet opérateur est spécialisé dans l’importation, la distribution et la vente en gros des produits de mer. Selon Youssouf Cissé, le gérant, la société importe principalement du Sénégal et de Mauritanie. « Le poisson et les fruits de mer, c’est notre affaire. On en importe pendant toute l’année en fonction des variétés disponibles chez nos fournisseurs. Par exemple, actuellement nous n’avons que des dorades. Mais pendant la période de grande pêche, nous importons du mérou, de la dorade, du chinchard, de la baudroie, des limandes, des roussettes, des seiches, des soles, des poulpes et des calamars, énumère-t-il. De son point de vue, le chinchard et la dorade sont les espèces les plus appréciées dans notre pays. « Ces deux types de poisson constituent l’essentiel des importations de la société. Ils ont un excellent goût, semblable à celui des silures et des poissons d’eau douce », explique Youssouf Cissé qui estime que la consommation de poisson dans nos villes rivalise actuellement avec celle de la viande surtout pendant la période du Ramadan. Pour s’en convaincre, il suffit de faire le tour des poissonneries aux heures de vente. « Les Maliens commencent franchement à aimer les produits de mer. Les clients deviennent très exigeants. Ce qui fait qu’on ne se permet plus d’importer n’importe quoi. Pendant cette période, chaque jour, je peux vendre entre 50 à 70 kg, souligne Moussa Diallo, le gérant d’une poissonnerie à Kalabancoura, un quartier excentré de la capitale.
LES PRIX PRENNENT L’ASCENSEUR. Comparé au poisson d’eau douce ou à la viande de bœuf, le poisson de mer est bon marché. Il se vend chez le grossiste entre 700 à 1000 Fcfa. Dans les marchés, les détaillantes le découpent en petits morceaux qui sont ensuite cédés à 100 voire 50 francs Fcfa aux clients peu argentés. Malheureusement depuis quelque temps, ce produit connaît un renchérissement sans précédent. La raison invoquée dans les poissonneries visitées est la forte demande. En effet, explique l’importateur Alassane Diallo, la saison des pluies est la période des prises maigres pour les pêcheurs et le poisson devient une denrée rare en mer (comme dans les fleuves). « Actuellement, les côtes dakaroises sont moins poissonneuses. Nous nous rabattons sur la Mauritanie. Mais cette période est aussi la période de reproduction des ressources halieutiques. À ces facteurs vient s’ajouter la forte demande de la période du Ramadan. Dès lors les prix flambent. C’est cette réalité que vit notre pays actuellement », explicite Alassane Diallo. Cet importateur cède son poisson entre 900 et 1100 Fcfa le kg selon les variétés. Le même produit se négocie au petit marché entre 1250 à 1300 Fcfa/kg. Même son de cloche à la grande société importatrice Malimag. Mais son gérant, Youssouf Cissé, relativise la pénurie actuelle et préfère parler seulement de manque de certaines espèces de poisson. « Ici, nous n’avons que des dorades rouges, roses et grises. Les autres variétés sont introuvables dans les pays de ravitaillement. La semaine passée, par exemple, il n’y avait pas un seul poisson de mer sur le marché bamakois. Nos camions sont rentrés en milieu de semaine avec une quantité appréciable de dorades que nous vendons à 1100 Fcfa », indique-t-il. Si les importateurs se frottent les mains, les clients, eux, sont désemparés. « On ne sait plus à quel saint se vouer. Le poisson d’eau douce est inabordable, et le prix du poisson congelé n’arrête pas de grimper », nous lance une ménagère rencontrée dans la poissonnerie de Malimag. Sous un autre hangar, des jeunes pèsent du poisson frais à 1300 Fcfa le kilogramme. Jadis inconnu dans notre environnement sahélien et continental, le poisson de mer s’est installé dans les habitudes culinaires. Son commerce engendre, par conséquent, beaucoup de petits métiers. C’est le cas des dépeceurs de poissons. Installés généralement à côté ou même dans les poissonneries et munis de tranchants écailleurs, ils écaillent, dépècent et lavent le poisson à raison de 50 ou 100 francs le kilogramme. Fata Koné, une dépeceuse interrogée dans une poissonnerie déplore la rareté du poisson. Ce manque influe négativement sur son petit job qui lui permettait d’arrondir ces maigres gains journaliers. « Les rares clients qui viennent préfèrent faire ce travail eux-mêmes à la maison. Je ne gagne presque plus rien. Alors que mes charges familiales augmentent avec le Ramadan », se lamente-t-elle. En attendant le retour à la normale, notre interlocutrice devra se serrer la ceinture et les amateurs de poissons de mer se contenter des rares variétés qui leur sont proposées.