Le Bureau enregistre la prise en charge de ses recommandations et procède désormais à des vérifications de performance.
20 milliards de Fcfa de manque à gagner pour le Trésor public, c’est le constat fait par le Bureau du vérificateur général des services publics au terme de 21 missions de contrôle et de vérification. L’information a été donnée hier au président de la République par le patron de l’institution, Sidi Sosso Diarra. C’était à la faveur de la traditionnelle cérémonie officielle de remise du rapport annuel du Bureau du vérificateur général, cérémonie conforme aux dispositions législatives qui ont prévalu à la création du BVG. Tout comme pour les deux premières éditions, c’est la salle de banquets du palais de Koulouba qui a accueilli cette audience publique, en présence de plusieurs membres du gouvernement, des membres du cabinet du chef de l’État, de proches collaborateurs du Vérificateur général, des représentants de la famille judiciaire et de la société civile.
Le rapport ne pouvait mieux tomber qu’en ce moment où le gouvernement a déjà entamé les préparatifs des états généraux de la corruption. Le volumineux rapport de 800 pages et ses annexes constituent une note de synthèse de 33 rapports individuels portant sur des secteurs stratégiques, notamment les services de l’assiette et du recouvrement qui procurent au Trésor public l’essentiel de ses recettes, ainsi que le secteur de la sécurité alimentaire à travers les performances du Commissariat à la sécurité alimentaire, (concernant la disponibilité et l’accessibilité des denrées de première nécessité).
Le rapport s’intéresse aussi au secteur des mines, notamment à la taxation de l’or, métal qui vient en tête de nos produits d’exportation ; aux domaines de l’État, aux affaires foncières et au logement en raison des défis que pose l’urbanisation rapide et de l’importance des ressources publiques investies pour les relever ; au secteur hospitalier compte tenu de la place des établissements publics hospitaliers dans la stratégie nationale de couverture sanitaire.
L’OUTIL LE MOINS COÛTEUX : La particularité du rapport 2007 réside dans l’accent mis sur les vérifications de performance qui sont au nombre 14 en 2007, contre 4 seulement en 2006. Les résultats obtenus grâce à cette nouvelle approche sont encourageants et présagent d’une efficacité accrue des opérations du Bureau. En effet, la méthode utilisée est incontestablement pertinente, car elle évalue l’impact des investissements consentis pour améliorer le cadre et la qualité de vie des citoyens.
Le Végal a souligné que les résultats obtenus à travers cette innovation ont été acquis grâce à l’assistance canadienne. Cette dernière a outillé les vérificateurs d’un nouveau et solide savoir-faire à travers des formations effectuées sur place et des stages de longue durée au Canada. Ces formations ont permis aux vérificateurs de s’approprier des instruments d’évaluation des performances des administrations et de la gouvernance des ressources publiques mise à leur dispositions pour conduire les missions qui leurs sont confiées.
« Les vérifications effectuées par le Bureau dans les secteurs de la sécurité alimentaire, de la santé (la lutte contre le sida et le secteur hospitalier), ou du secteur social avec les importants programmes de renforcement de l’équité hommes-femmes et de la lutte contre l’excision, ont permis de faire des constats et des recommandations susceptibles d’améliorer l’efficacité des institutions, des projets et programmes déjà très méritoires au regard de résultats obtenus », a expliqué Sidi Sosso Diarra.
Les malversations financières portant sur les 20 milliards de Fcfa et citées dessus découlent pour une moitié de la corruption et pour l’autre de la fraude, donc recouvrable, a précisé Sidi Sosso Diarra. D’autre part, une étude indépendante a révélé que les recommandations formulées par le Bureau ont été mises œuvre à 80 % par les structures vérifiées. Le taux des recommandations jugées inapplicables par les structures vérifiées est, lui, inférieur à 5 %. Il apparaît également des conclusions de cette enquête que sur les 31 milliards de Fcfa, objet de saisine du Procureur en charge du pôle économique pour 2006, plus de 21 milliards de Fcfa ont été régularisés ou justifiés avant juin 2008.
Selon Sidi Sosso Diarra, les conclusions de l’étude confirment la thèse selon laquelle en matière de bonne gouvernance des ressources publiques l’outil le moins coûteux et le plus efficace réside dans la prévention. C’est à dire dans la mise en place et dans le respect des procédures de gestion et de contrôle internes. Le Végal a aussi exprimé sans détour ses inquiétudes sur l’avenir de son institution.
COURAGE ET PATIENCE : « J’ai des sujets de crainte, a-t-il dit, et ils sont liés aux subtiles campagnes de décrédibilisation du Bureau, aux contre-expertises de ses rapports, à l’interprétation que font certaines structures vérifiées de la notion du principe du contradictoire ». Sidi Sosso Diarra a insisté sur le fait qu’en trois ans d’existence, le Bureau a produit 74 rapports sectoriels annuels et 3 rapports annuels. En outre, le BVG dispose d’un personnel non seulement compétitif, mais bénéficiant également d’opportunités de formation continue.
Amadou Toumani Touré a prêté une oreille attentive à ce cri de cœur de Sidi Sosso Diarra avant d’assurer les vérificateurs de son soutien. Le président de la République a salué le travail abattu par Sidi Sosso Diarra et ses collaborateurs et au-delà par l’ensemble des services de contrôle de notre pays. Il a fait une mention pour les pôles économiques et financiers qui ont permis à l’État de recouvrer à ce jour 22, 129 milliards de Fcfa.
Amadou Toumani Touré n’a pas laissé passer l’occasion d’apaiser les inquiétudes exprimées par certains de nos compatriotes à propos du sort réservé aux rapports du Vérificateur général. Le chef de l’État a dit comprendre l’impatience souvent manifestée par l’opinion au sujet du rythme de traitement judiciaire des infractions économiques et financières, ainsi que les interrogations de bon nombre de nos compatriotes sur l’exploitation des rapports de contrôle. Mais, a-t-il expliqué, le respect des règles prescrites par la loi en matière de procédure ainsi que la complexité des dossiers expliquent pour une large part le présumé retard dont s’inquiète nos compatriotes.
Le chef de l’Etat a fait remarquer que les résultats de recouvrement obtenus par les services de contrôle et les pôles économiques et financiers constituent déjà la preuve de l’engagement résolu du gouvernement à lutter contre la corruption et les autres formes de délinquance économique et financière. Seulement, a averti le président Touré, ce combat qui sera mené avec détermination se fera avec le souci constant du respect en toute circonstance de la présomption d’innocence et des garanties fondamentales des droits de la défense.
Le président de la République a tenu à rappeler que c’est face à la persistance du phénomène de la corruption qu’il avait jugé nécessaire d’étoffer le dispositif de contrôle, tout en renforçant les structures existantes. La création du Bureau du vérificateur s’inscrit dans cette dynamique et constitue à cet égard un acte de courage. Car il faut du courage pour reconnaître ses défauts en vue de les corriger, a insisté le chef de l’État. Mais il faut aussi s’armer de patience, eu égard à la complexité des dossiers à instruire.
Pour le président de la République, il s’agit non pas de crier fort pour faire croire qu’on lutte contre la corruption, mais de conjuguer efficacité et sérénité pour obtenir les meilleurs résultats possibles.
A O. Diallo