A la faveur de la 14ème Edition de l’Espace d’interpellation démocratique (EID), la veuve de l’agent forestier TOGOLA interpellait le Gouvernement sur les circonstances supposées non élucidées de la mort de son mari, précédemment en service dans la circonscription de Fangasso, en 1988.
Dans son intervention publique, elle a fustigé l’inaction des autorités pour retrouver et punir « les auteurs » de la mort de son mari.
Il s’agit là d’une situation indéniablement tragique à laquelle nul ne saurait rester insensible. C’est donc tout naturellement que nous exprimons toute notre compassion à la veuve et à la famille du disparu.
Toutefois, c’est scandalisés que nous avons entendu la veuve se faire le relais d’accusations d’une extrême gravité. Dans sa mise en scène bien orchestrée pour émouvoir l’opinion publique sur son sort, elle n’a pas trouvé mieux que de faire porter la responsabilité de la mort de son mari à toute une ethnie, l’ethnie Bobo : « On m’a dit que les Bobos ont tué et mangé mon mari ». Elle déterre ainsi, pour les besoins de la cause, des clichés négatifs que l’on croyait à jamais révolus dans ce pays.
Tout en reconnaissant à la veuve TOGOLA le droit d’apitoyer l’opinion sur son sort, qui est loin d’être seul relatif à un cas de mort en mission commandée, nous nous réservons également le droit de nous ériger contre une si grotesque machination visant à vouer aux gémonies un groupe social qui s’est toujours distingué par son courage, son ardeur au travail et sa loyauté.
Ceci nous impose de déterrer la vraie version des faits à la suite de l’exhumation des ossements de son défunt mari par elle-même.
Contrairement aux allégations de la veuve TOGOLA, des investigations ont bel et bien été diligentées. Sur dénonciation propre, un jeune charretier, du nom de Kouana KAMATE, a été inculpé et condamné à une peine de prison qu’il ne purgera pas totalement parce qu’ayant trouvé la mort en détention. Suite, semble-t-il, à de nombreux sévices la même année de 1988. Selon la version de ce coupable auto-désigné, rapportée par des sources dignes de foi, l’agent dans sa tentative de barrer la route à sa charrette a effrayé le cheval qui, dans un violent élan, l’a écrasé dans sa course. C’est alors qu’il a caché le corps sous un buisson avant de se déclarer au chef de village de Bouané pour mettre un terme au déchaînement policier contre des populations qu’il savait innocentes. Le corps sera plus tard retrouvé à l’endroit qu’il a indiqué tout comme la moto de l’agent et même un poulet mort, accroché au guidon.
Au regard de tout ce qui précède, nous estimons être en présence d’un cas de mauvaise foi manifeste. Il s’agit d’une situation d’autant plus grave que le ministre de la Justice a nagé dans le sillage de la dame en ignorant la vérité historique et en ne levant pas l’équivoque quant à la responsabilité de tout un groupe ethnique. Cela est une caution implicite des contrevérités serinées sciemment pour des résultats bien connus. Aussi, interpellons-nous le Gouvernement sur des dérapages aussi blessants qui sont de nature à compromettre sérieusement la cœxistence pacifique et la paix sociale dans notre pays. Cette démission de l’autorité publique est d’autant plus préjudiciable à notre ethnie que dès le lendemain de cette affabulation, un article traitant les Bobos de cannibales et de sauvages faisait la Une du Net. Pire, il est honteusement d’un quotidien de la place où les journalistes vivent au quotidien avec un Bobo sans jamais avoir à s’inquiéter du jour où ils seront servis à la table de ce confrère.
C’est simplement honteux pour ce Gouvernement qui se démène ailleurs pour démentir une situation d’insécurité pourtant bien réelle et qui est incapable de circonscrire un mensonge qui a manifestement des résurgences dans l’imaginaire populaire et qui s’exporte désormais à l’échelle internationale. Le pays Bobo devient ainsi une jungle qu’il ne faut surtout pas fréquenter. Ce, au moment même où les initiatives visant à promouvoir le tourisme local se développent.
Face à des jugements de valeur hautement discriminatoires du genre, nous invitons simplement les uns et les autres à faire preuve de responsabilité. Le prix de la paix sociale, c’est aussi la reconnaissance et le respect de l’autre.
Par Blaise DENA
Conseiller communal,
Délégué du Cercle de Tominian à l’Assemblée régionale de Ségou
Bertin DAKOUO
Journaliste à Info-Matin