Après un long silence embarrassant suite à la découverte d’un Boeing « crashé » dans la région de Gao, les autorités maliennes semblent aujourd’hui jubiler avec « la découverte de l’immatriculation » sur la carcasse du cargo incendié par les narcotrafiquants. En fait de découverte, qu’ont-elles exactement ?
Selon des sources officielles, les enquêteurs auraient découvert sur la carcasse de l’avion le numéro d’immatriculation : QB-312. Un pas important, selon elles, pour identifier le pays de provenance et éventuellement le plan de vol du Boeing.
Mais ne faudrait-il pas mettre un petit bémol à cet enthousiasme un peu démesuré. En effet, e deux choses, l’une : soit le n°QB-312 du bœing 747 de la drogue, dont l’épave a été découverte à Tarkint, dans la région de Gao, est une fausse immatriculation pour un avion clandestin ; soit les enquêteurs ont mal noté le numéro en question. Car le n°QB-312 n’est pas répertorié dans le registre international pour la reconnaissance des aéronefs civils et il ne correspond aux coordonnées d’aucun pays.
Si la thèse de l’erreur matérielle se confirme, le Q pourrait bien avoir été confondu avec le O. Auquel cas, le numéro correct serait : OB-312. Ce numéro est celui du Pérou dans le registre de reconnaissance des aéronefs civils. Mais, il est à noter que le Pérou n’est pas le seul pays à avoir le O sur les registres. Les autres pays avec O sont : OD, pour le Liban ; OE, pour l’Autriche ; OH, pour la Finlande ; OK, pour Czech republic ; OM, pour la Slovaquie ; ON/OT, pour la Belgique (militaire) et OO, pour la Belgique (civile) ; OY, pour le Danemark.
Même si la piste de l’Amérique latine se confirme avec ce numéro, ce détail pourrait permettre d’écarter le Venezuela qui avait été accusé par l’ONU d’être le pays dont le bœing de Gao serait originaire. Car le numéro du Venezuela est le suivant : YV. « Nous sommes en train de vérifier si l’avion est effectivement parti du Venezuela. Mais le fait qu’il s’agisse d’un avion qui n’a pas d’immatriculation vénézuélienne, mais retrouvé en Afrique et sans que de la drogue ait été saisie, ne permet pas d’affirmer que l’avion venait du Venezuela », avait objecté M. Tareck El Aissami, ministre de l’Intérieur vénézuélien, s’exprimant à la télévision d’Etat VTV. Il réagissait ainsi au propos de M. Alexandre Schmidt, responsable régional de l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC), basé à Dakar, qui commentait l’affaire de ce cargo suspect. Ces dernières années, affirmait le responsable onusien, selon des responsables internationaux impliqués dans la lutte contre le commerce illicite, le trafic de drogue transitant par l’Afrique de l’Ouest, essentiellement de la cocaïne, était entre les mains des cartels colombiens passant par le Venezuela. Quid de la Colombie non plus dont le numéro est : HK.
Ce faux numéro ne permet pas non plus de remonter la filière des pays africains supposés impliqués dans le trafic de drogue avec l’Amérique Latine : J5/Guinée Bissau ; TZ/Mali ; 3C/Guinée Equatoriale ; 3X/Guinée Conakry; 6V/6W/Sénégal.
Idem pour les voisins du Nord et les pays du Maghreb : 5A/Libya ; 5T/Mauritania ; 5U/Niger ; 7T/Algeria ; XT/Burkina Faso.
Bref, tout indique que ce cargo est un avion clandestin dont l’immatriculation est fausse à dessein. En effet, nous apprend «BIA», Reconnaissance des aéronefs, animé par Jean Pierre BEZARD, l’immatriculation remonte au « Spotter », de l’anglais to spot (repérer, reconnaître) et de spotting (repérage et identification). A l’origine, indique-t-il, c’était pour la défense des côtes anglaises. Installés sur des collines dans de petits postes, avec jumelles et téléphone, rappelle-t-il, les «spotters» repéraient tous les avions qui passaient dans leurs secteurs et les signalaient au contrôle de l’espace aérien de la défense. En clair, le terme «spotte » signifie : reconnaître les silhouettes d’avions amis ou ennemis.
Mais, précise M. BEZARD, l’histoire des mmatriculations date des années 1920. En effet, avant 1919, raconte-t-il, les avions civils ne portaient aucune immatriculation officielle pour leur identification. Seuls, dans certains cas, note-t-il, les appareils d’écoles importantes portaient un numéro permettant de les reconnaître au sein de la flotte. Après la fin de la première guerre mondiale, poursuit-il, l’aviation civile, jusqu’alors embryonnaire, prend son essor. Très vite, selon lui, il devient nécessaire d’identifier à la fois le pays utilisateur et l’avion. Une commission internationale se réunit à Paris, en septembre/octobre 1919, révèle-t-il, pour statuer sur l’ensemble du problème.
Le 13 octobre 1919, nous enseigne M. BEZARD, une convention portant réglementation de la navigation aérienne est signée par de nombreux pays, avec cependant trois absents de marque : Allemagne, Etats-Unis et Russie. Cette convention fixe pour chaque pays, précise-t-il, sa propre marque d’identification des avions, composée par un ensemble de 5 lettres : la première étant l’indicatif de nationalité ; les quatre suivantes étant la marque d’immatriculation individuelle de l’avion. Cet ensemble de lettres doit être peint, aussi gros que possible, de chaque côté du fuselage, ainsi que dessus et dessous des ailes. Les codes OACI (réglementations internationales) entrent alors en vigueur attribuant à chaque pays un indicatif distinctif pour l’aviation civile et militaire.
Cependant, relève M. BEZARD, le système d’immatriculation utilisée depuis 1919 s’est très vite avéré difficile d’emploi. Le nombre des avions augmentant rapidement, il était trop limité, et il a été décidé de passer à une série logique F-A…F-ABAA, à partir de 1920 ; F-ACAA, à partir de 1921 ; F-ADAA, à partir de juin 1921 ; F-AEAA, à partir de mars 1922 ; F-AFAA, à partir de janvier 1923 ; F-AGAA, à partir de janvier
1924 ; F-AHAA, à partir de févier 1925 ; F-AIAA, à partir de janvier 1926 ; F-AJAA, à partir d’avril 1929 ; F-ALAA, à partir de 1931 ; F-AMAA, à partir de 1933 ; F-ANAA, à partir de juillet 1934 ; F-AOAA, à partir de 1936 ; F-APAA, à partir de 1936 ; F-AQAA, à partir de 1937 ; F-ARAA, à partir de 1938 ; F-ASAA, à partir de 1940. La série F-AK, réservée aux avions expérimentaux, a très vite été arrêtée.
On attribut des préfixes aux aéronefs suivant les missions à accomplir : Système US. A. (Attack 1926/1947) A.26 DOUGLAS Invader, A. (Tactical support 1962/….) A.10A Thunderbolt II; B. (Bombardier 1924/….) B.17 Flying Fortress ; C. (Transports 1925/….) C.47 DOUGLAS DC.3 ; E. (Electronic 1962/….) E.2 Hawkeye ; F. (Photographies 1930/1947), F.5 Lockheed Lightning, F. (Fighter (chasseur) de 1948/1962), F.100 Super Sabre, F.(Fighter (chasseur) de 1962/…) F.16 ; H. (Hélicoptères 1948/1962) H.47 Chinook
H. (Hélicoptères 1962/…) H.1 Iroquois ; P. (Pursuit (poursuite) 1925/1947) P.51 Mustang, P. (Patrol patrouilleur) 1962/…) P.3 Orion ; T. (Trainer (entraînement) 1948/….) T.33 Lockheed ; U. (Utility 1952/….) U.2 ; X. (Expérimental 1948/….) X.15.
Il existe aussi les numéros d’ordre : A.1 (Skyraider) premier avion d’attaque après 1962 ; A.10 dixième avion d’attaque après 1962 ; B.17 17ème bombardier après 1909 et avant 1961 B.1 1er bombardier après 1962 ; B.2 2ème bombardier après 1962.
La reconnaissance des aéronefs s’effectue également avec la lettre située après le chiffre F16A (première série monoplace), F16B (première série biplace), F16C (deuxième série monoplace), F16D (deuxième série biplace), etc.
Le numéro de série est enfin un signe distinctif : F111F.AF.Sérial 70-2418 ; RF101C.45.MC ; AF Serial 56-176. En décomposant, cela nous donne : 1) RF : reconnaissance fighter ; 2) 101 : 101ème fighter après 1929 et avant 1962 ; 3) C : troisième version de ce fighter ; 4) 45 : 45ème lot ; 5) MC : constructeur Mac Donnels Douglas ; 6) AF :US air force ; 7) 56-176 : 176ème avion commandé dans l’année 1956.
Comme quoi, les enquêteurs ont du pain sur la planche. Mais en s’acharnant sur de pauvres forgerons dès le départ, l’on peut être sûr que le Mali fait fausse route, à dessein.
Par Seydina Oumar DIARRA-SOD