Le président du Haut conseil islamique du Mali, l’imam Mahmoud DICKO, était, le week-end dernier, à la tête d’une forte délégation qui est allée à la rencontre des fidèles musulmans de la cité du Méguétan.
La délégation du Haut conseil islamique du Mali est arrivée à Koulikoro samedi peu après midi, avant de se rendre directement au domicile du président régional et chef de village, le patriarche Abdoulaye DIARRA âgé de 90 ans.
Le vice-président du HCIM de la région de Koulikoro, Bassidiki KANE, a souhaité la bienvenue à la délégation venue de Bamako ayant à sa tête le président national du HCIM, l’imam Mahmoud DICKO, qui avait à ses côtés les autres membres de son bureau : Bandiougou DOUCOURE, Ibrahim KONTAO, Mohamed TRAORE, Mamadou DIAMOUTENE, Oumar DIABY, Mamadou Tiéman TRAORE, Aboubacar CAMARA, Bamoussa TOURE, Cheick Ahmad TRAORE, Kalil CAMARA, Saïd SYLLA, Baber NYENYAO, Cheick Tidiane HAIDARA, Mohamed KIMBIRI, Modibo NIARE, Abdoulaye Ali DIALLO, etc. Mody SYLLA et Chérif Ousmane Madani HAIDARA étant absents pour des raisons bien déterminées. Quant à la jeunesse, elle était représentée plus tard au présidium par Moussa Boubacar BAH qui avait précédé ladite délégation à Koulikoro en compagnie de M. KIMBIRI pour aider aux préparatifs du meeting devrant avoir lieu dans la salle de spectacle Siramory DIABATE, dans l’après-midi.
En face, il y avait les membres du bureau régional de Koulikoro présidé par Abdoulaye DIARRA, comme indiqué plus haut, dont la présentation a été faite par le vice-président KANE : Madani SIDIBE, Boubacar DIAKITE, Boubacar KONTA, Tidiani SINGARE, Yacouba DIAKITE, Sidi Moctar TRAORE, Issa CISSE, etc. Les imams et érudits de la localité ne sont pas demeurés en reste non plus : Mamadou MARIKO, Abdramane MAIGA, Moussa GOITA, etc.
L’exception du Méguétan
Après ces présentations d’usage, le chef de village de Koulikoro et président du HCI régional, Abdoulaye DIARRA, a souhaité la bienvenue au bureau national du HCI conduit par Mahmoud DICKO. Le patriarche, par la voix de son vice-président KANE, a salué les efforts louables qui sont abattus par le HCI pour la paix dans le pays, mais aussi l’entente et l’entraide entre les musulmans. Aussi, a-t-il donné l’assurance que la communauté musulmane de Koulikoro reste fidèle aux valeurs de l’islam et aux enseignements de celui-ci. En conclusion, il a formulé des vœux pour le progrès de l’islam et l’unité des musulmans au Mali.
En réponse, le président DICKO s’est réjoui de la bonne entente qui existe à Koulikoro entre l’AMUPI, la ligue des imams et le bureau du HCIM, travaillant tous en synergie pour le progrès de l’islam et l’unité des musulmans maliens. Il a ensuite sollicité l’appui, l’accompagnement, les conseils et les bénédictions des sages et doyens de la communauté musulmane du pays pour le HCIM. Avant de terminer ce discours de prise de contact en attendant le meeting proprement dit, l’imam DICKO a évoqué les raisons de la présence du bureau national du HCIM à Koulikoro : les échanges d’idées sur le code des personnes et de la famille dont le sujet controversé avait mobilisé et continue de rassembler la communauté musulmane du Mali par-delà les clivages traditionnels, à travers les 8 capitales régionales du pays dont Koulikoro est la deuxième étape après celle de Kayes une semaine plutôt ; l’implantation et la structuration des démembrements du HCIM à l’échelle de la région, des cercles, des arrondissements et des communes ; le siège régional du HCIM, sa construction, son équipement et son fonctionnement ; le recensement de toutes les mosquées par échelons (village, commune, arrondissement, cercle et région), leur classification en mosquée ordinaire et de vendredi, le nombre des imams et leurs adresses complètes ; la circulation de l’information à l’horizontale comme à la verticale, du bureau national du HCIM à ses démembrements et vice-versa ; etc.
Mais avant d’aller au meeting dans l’après-midi à la salle Siramory DIABATE, la délégation a rendu une visite de courtoisie au gouverneur de la région à son domicile, Sounkalo BOUARE. C’était l’occasion pour le bureau régional d’expliquer au chef de l’exécutif régional les raisons de la présence à Koulikoro de la délégation du HCIM, en rapport principalement avec le code des personnes et de la famille. Mais la doléance concernant le siège régional du HCI n’a pas été oubliée non plus. En retour, M. BOUARE a assuré le HCI de l’accompagnement des autorités locales et nationales pour la paix et la sécurité dans le pays. Pour le siège, le gouverneur dit avoir pris bonne note en attendant d’être officiellement saisi de cette question.
Participation et non compromission
De chez le gouverneur de région, la délégation du HCIM s’est directement rendue à la salle de spectacle Siramory DIABATE qui était déjà noire de monde musulman, aux environs de 17h.
Après la présentation d’usage faite par le maître de cérémonie pour la circonstance, M. Mohamed KIMBIRI, l’on est entré dans le vif du sujet avec le secrétaire général du HCIM, M. Mamadou DIAMOUTENE.
Ce dernier, pour être bref, a fait la genèse du code des personnes et de la famille, de 2000 à 2009, avec certes la participation des délégués de l’AMUPI puis du HCIM. Mais M. DIAMOUTENE a tenu à lever toute équivoque sur le sujet : participation ne signifie pas caution ou acceptation. En effet, a-t-il expliqué, les délégués musulmans ont toujours rappelé et insisté sur les préoccupations qui ont fait l’unanimité au sein de cette communauté, de Kayes à Kidal en passant par Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao, avec le même langage en matière de mariage, de filiation et d’héritage : la valorisation du mariage religieux avec un effet juridique en droit civil, le rejet de l’adoption/filiation, l’héritage suivant la religion ou la coutume de chaque Malien, le refus de la légitimation de l’enfant naturel et l’égalité de ses droits avec l’enfant légitime, l’homme conforté dans son rôle de chef de famille avec toutes les conséquences y afférentes en termes de responsabilité et de charges principales, le maintien du devoir d’obéissance de la femme envers son mari, etc.
Face à l’impossibilité de se faire entendre au niveau de la synthèse nationale sur le sujet, a révélé M. DIAMOUTENE, les musulmans ont porté, en 2002, leurs divergences au niveau de l’ancien chef d’Etat, le président Alpha Oumar KONARE, qui a purement et simplement renoncé au projet. La même démarche, a-t-il poursuivi, a été entreprise auprès du président ATT en 2009. Ce dernier, aux dires du SG du HCIM, avait promis de ne laisser passer dans le code des personnes et de la famille aucun aspect qui soit en porte-à-faux avec les valeurs de l’islam et les us et coutumes du pays. En outre, peu avant le vote de la loi portant code de la famille, le 3 août 2009, a insisté M. DIAMOUTENE, le HCIM avait répondu à une série de questions de l’Assemblée nationale où il a signifié son désaccord avec un certain nombre d’articles incriminés.
Malgré toutes ces réserves et observations, a regretté le SG du HCIM, le code des personnes et de la famille a été adopté par les députés avec 117 voix pour, 5 contre et 4 abstention.
Voilà ce qui a réellement motivé la vive protestation de la communauté musulmane du pays, dans la paix, la concorde et la sérénité, de Kayes à Kidal en passant par Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao. En effet, a-t-il rappelé, les musulmans se sont levés comme un seul homme pour défendre les valeurs de l’islam et les us et coutumes du pays qui sont d’ailleurs en phase, sur ces questions, avec les préceptes de l’islam.
Pour se résumer, M. DIAMOUTENE s’est focalisé sur certains points qui fâchent dans le code des personnes et de la famille : le mariage jugé laïc dans un pays de croyants et de tradition ; le même droit accordé à l’enfant légitime et à l’enfant naturel en matière d’héritage ; l’obligation faite à la femme de contribuer aux charges du ménage, dont le non respect constitue un motif de divorce ; le fait pour les conjoints d’avoir un domicile distinct et le privilège pour le conjoint survivant de ne quitter le domicile qu’après remariage ou décès ; le devoir d’obéissance de la femme envers son mari supprimé, alors que l’ancien code le prévoyait ; l’héritage d’inspiration occidentale axé sur le principe de la parité entre l’homme et la femme, l’enfant légitime et l’enfant naturel ; la filiation adoptive ; le droit pour l’enfant naturel de faire une réclamation de paternité devant la justice ; l’interdiction d’atteinte au corps humain avec l’excision et la peine de mort en ligne de mire ; le pouvoir de conciliation entre conjoints dévolu au maire, en refusant d’y inclure les imams et chefs de quartier ou de village ; etc.
L’islam, l’unité et la citoyenneté
Pour clore le meeting aux environs de 18h10, le président DICKO a commencé par rendre hommage aux musulmans de Koulikoro pour la chaleur et l’enthousiasme de l’accueil qui a été réservé à la délégation du HCIM qu’il a l’honneur et le privilège de conduire dans le cité du Méguétan, dans la paix et l’unité. Car, a-t-il prêché, c’est une exigence de Dieu et de son prophète Mahomet que d’œuvrer pour le progrès de l’islam et l’unité des musulmans.
En rentrant dans le vif du sujet, l’imam DICKO a soutenu que le premier des codes est celui de Dieu. Si celui des hommes est en désaccord avec le code de Dieu, les musulmans le refusent. C’est ce qui s’est passé avec le code des personnes et de la famille, a martelé le président du HCIM. Car celui-ci est en déphasage sur certains points avec les valeurs islamiques et les us et coutumes du Mali, a-t-il relevé. Le peuple malien avait pourtant placé sa confiance dans les députés et les membres du gouvernement pour agir dans ses intérêts, en conformité avec l’islam et notre danbe (us et coutumes), a déclaré l’imam DICKO. Mais à l’arrivée, a-t-il noté avec amertume, le peuple a été trahi.
Toutefois, le président Mahmoud DICKO a rendu hommage à ATT pour n’avoir pas promulgué la loi votée par les députés, préservant du même coup la paix et la concorde sociale dans le pays ; mais aussi, pour sa promesse d’apporter des correctifs à tous les articles incriminés par la communauté musulmane.
L’imam DICKO a également rendu hommage aux députés pour leur humilité d’avoir accepté la relecture du code qu’ils ont voté le 3 août 2009.
Par-delà le code, le président du HCIM a insisté le devoir qui incombe aux musulmans de travailler à la moralisation de la société malienne qui est gangrenée par la corruption, l’injustice, la pauvreté et la mauvaise santé des populations. « Ce sont des choses qu’il faut corriger et arrêter, car c’est inacceptable », a-t-il martelé. « Il faut avoir le courage de dénoncer pour pouvoir changer soit par ses bras soit par sa langue comme l’enseignent les hadiths du prophète Mahomet », a-t-il insisté.
Pour Mahmoud DICKO, ce combat n’est pas seulement une affaire des dirigeants ; mais c’est aussi celle des populations elles-mêmes qui ont l’obligation de payer leurs impôts et taxes. Selon M. DICKO, il faut certes réclamer ses droits, mais il faut au préalable s’acquitter de ses devoirs civiques en se corrigeant soi-même : être débout pour la laïcité et la justice et ne pas se montrer démobilisé sur le terrain de la citoyenneté.
En terminant, le président DICKO est revenu et a insisté sur la cohésion des musulmans au-delà de leurs clivages, surtout lorsque l’essentiel est en cause comme c’est le cas avec cette affaire de code des personnes et de la famille : c’est le tronc même de l’arbre qui est scié par les initiateurs de ce code dit satanique. Aussi, prêche-t-il le respect et la considération des uns envers les autres, notamment à l’endroit des chefs de village, des chefs religieux et autres imams qui sont les véritables gardiens du temple islamique et ancestral.
« Un musulman n’est pas ennemi d’un autre musulman, c’est Satan l’ennemi commun », a conclu le président DICKO.
Par Seydina Oumar DIARRA-SOD
Envoyé spécial