Pour quelques barbus très fâchés qui échappent à son contrôle, la Grande Algérie perd son contrôle, monte sur ses grands chevaux et laisse planer le spectre d’une intervention militaire étrangère au Nord-Mali. Prétexte : notre pays ne fait suffisamment pas montre de bonne volonté et d’engagement dans l’éradication des groupuscules sabaïsmes algériens.
L’enfer, c’est bien les autres, a dit Sartre. Sauf qu’il faudrait ajouter que celui du désert sahélo-saharien, des salafistes d’hier et AQMI d’aujourd’hui n’a et ne devrait rien avoir d’algérien. Et pour cause, comme le dit l’adage, la poutre on ne la voit que dans l’œil du voisin. Et, aux yeux de l’Algérie, ce voisin laxiste, passif, complice n’est autre que le Mali.
Dans un chapelet de récriminations, de complaintes et dénonciations qui trinquent avec la désobligeance et la calomnie, le coté Quotidien algérien El Watan, une fois de plus (et une fois de trop) s’attaque à notre pays. Opération de propagande mensongère commandée ou simple acharnement journalistique ? En tout cas, les accusations sont graves et méritent une réponse appropriée.
Le prétexte
Prenant prétexte de l’aide multilatérale dont notre pays a bénéficié cette année (estimée à plus de 2 milliards) dans le cadre de sa volonté, de son engagement et de son action d’enrayer le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, le journal charge le Mali et ses dirigeants. Egrenant toutes les aides militaires et logistiques obtenues dans ce cadres jusqu’au récent appui américain de la semaine dernière, El Watan estime que « le Mali n’est pas aussi isolé en matière de lutte contre le terrorisme qu’il le prétend. Pourtant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est dans ce pays que les groupes du GSPC trouvent le plus de facilité à évoluer en toute quiétude. »
Sans trop s’attarder sur les raisons et le contexte de la présence sur notre territoire des « bandits algériens » (qu’ils soient du GSPC ou d’AQMI) encore moins les données géostratégiques et sécuritaires de la bande sahélo-saharienne, de l’immensité désertique malien par rapport à l’étroitesse des moyens d’un pays continental sans manne pétrolière et gazière contrairement à l’Algérie, le quotidien algérien (qui sait jouer à la voie de son maître) laisse planer des doutes sur la volonté et l’engagement de notre pays à lutter contre le terrorisme et laisse entendre que le Mali joue plutôt un double jeu en laissant le GSPC se renforcer sur son territoire : « leur présence en nombre assez important (plus de 400) et les réseaux de soutien qu’ils ont réussi à tisser auprès des notables, officiels notamment ceux des tribus brébiches (arabes), celles-là mêmes que le régime de Bamako a utilisées pour combattre la rébellion touareg au nord, laissent supposer que, quelque part, il y a une volonté délibérée à laisser le GSPC renforcer sa présence dans cette région, tant que ses actes ne sont pas dirigés contre les intérêts du Mali. »
Saluant la Mauritanie et le Niger, (des bons voisins mais qui ne sont pas dans la même galaxie démocratique que le Mali), l’autoritaire Algérie est traumatisé par un « no man’s land » insécuritaire sahelo-saharien qu’il impute au seul Mali : « Qu’ils soient du groupe de Belmolkhtar ou de Abou Zeïd, les terroristes ont fini par créer une sorte de no man’s land où se regroupent tous les trafics possibles et imaginables, exposant la région à tous les dangers. Ce qui n’est pas le cas pour le nord du Niger ou celui de la Mauritanie où le GSPC a toujours trouvé des difficultés à s’y implanter, en dépit du fait que ce soit la même nature de terrain ».
Ce que l’Algérie ne dit pas
Ça y est, les Belmokhtar, les Abou Zeïd, les salafistes, les Benladiens, les trafics, les contrebandes… l’insécurité et le terrorisme. Mais ce que ne dit pas l’Algérie, si on prend tout ce qui est écrit dans El Watan comme vrai (dans l’hypothèse), c’est qu’il est tout aussi vrai, sinon encore plus vrai, de dire que tout ça c’est la faute de l’Algérie, tout ça est le fait de l’Algérie, tout ça est venu de l’Algérie. Ce que ne dit pas l’Algérie, c’est les Belmokhtar et les Abou Zeïd, le GSPC et AQMI sont des algériens qui nous sont venus de l’Algérie à travers la frontière étendue et poreuse. Ce que ne dit pas l’Algérie, c’est qu’elle pouvait éviter tout ça en contenant (et en éradiquant) « son » problème à l’intérieur de « ses » frontières suivant utilement l’adage qui dit que « au lieu d’en vouloir à son point de chute, il faudrait en vouloir à son point de trébuchement ». Parce que l’Algérie, plus que tout autre, sait que le Mali n’a ni rente pétrolière ni gazière pour faire face à lui tout seul à se serpent de mer qu’elle-même à du mal à combattre.
Aussi, ne procède-t-il pas de la politique de l’autruche et de la fuite en avant que d’accuser le seul Mali de l’insécurité, de la prolifération des bandes armées, du narcotrafic, de la contrebande ? De part et d’autre de la frontière commune, chacun a subi le phénomène et tente avec les moyens qui sont les siens d’y venir à bout. Mais, plus que le Mali, l’Algérie à un problème, un gros problème qui s’appelle les salafistes : hier Groupe salafiste pour la prédication et la Combat et Al Qaïda au Maghreb Islamique aujourd’hui. Ce gros problème, c’est aussi Belmokhtar et Abou Zeïd. Et ça, c’est le problème de l’Algérie. Ce n’est donc pas en accusant le Mali et en insultant dans ses journaux les autorités et notabilités maliennes que l’Algérie viendra au bout d’AQMI. « La passivité de Bamako face à cette situation a encouragé les terroristes d’Al Qaïda à mieux renforcer leurs capacités de frappe à travers des « opérations » de plus en plus organisées, notamment les prises d’otages qui n’ont d’autres objectifs que d’arracher le maximum de fonds servant à l’achat de l’armement et des moyens de communication de plus en plus sophistiqués. » Pure conjectures !
Argumentaire bancal
Comparaison n’est pas raison, AQMI n’a rien d’une bande de rebelles capricieux et versatiles comme ATNMC ou ADC et Belmokhtar et Abou Zeïd n’ont rien d’un Fagaga ou d’un Bahanga. Autant les groupes armés sont différents quant à leurs motivations, leurs ambitions, autant ils sont dissemblables quant à leurs moyens armés, financiers et logistiques et à la détermination des hommes qui les dirigent. Cela les stratèges algériens le savaient, mais leur intérêt était d’engager notre pays dans un engrenage qui nous enliserait (ça n’a pas manqué), nous amènerait à prendre nos « gentils » rebelles comme des terroristes algériens et donc à les combattre à la place de l’Algérie. C’est en quelque sorte jouer les fantassins de l’Algérie, faire son job à sa place.
« La passivité de Bamako face à cette situation a encouragé les terroristes d’Al Qaïda à mieux renforcer leurs capacités de frappe à travers des « opérations » de plus en plus organisées, notamment les prises d’otages qui n’ont d’autres objectifs que d’arracher le maximum de fonds servant à l’achat de l’armement et des moyens de communication de plus en plus sophistiqués.», croit savoir El Watan. Quelle désobligeance de la part de l’Algérie de prêter crédit et foi aux jérémiades d’un Hama Ag Sid’Ahmed, rompu, on le sait, à surenchère et à la manipulation, pour un Vieux de son âge qui au lieu de prêcher la paix sème toujours la pagaille. Que prouvent les révélations de Hama ou d’un négociateur d’otages floué et dribblé par les terroristes ? Rien d’autre sinon que l’Algérie est un peu trop susceptible, cède un peu trop facilement à la rumeur et se laisse un peu trop rapidement géré par la rumeur.
«Si le GSPC a réussi à s’implanter et à avoir des réseaux de soutien au nord du Mali », ce n’est ni parce « qu’il a bénéficié de la passivité, voire même de la complicité de certains responsables maliens » ni parce que le Mali ne fait pas preuve de bonne volonté dans la lutte contre le terrorisme, encore moins parce que les responsables maliens jouent avec le feu prenant ainsi « de voir le mal se propager et finir par échapper à leur contrôle », c’est parce, aussi simple que cela puisse paraître, le Mali à lui tout seul ni ne peut ni n’a les moyens matériels, logistiques, financiers de faire face à une nébuleuse terroriste de dimension sous-régionale, voire trans-régionale, comme Al Qaïda au Maghreb Islamique.
Le mérite du Mali
Impuissant, passif et laxiste, peut-être au goût de l’Algérie, mais responsable et souverain à l’intérieur de ses frontières. Reconnaissant certainement envers le Grand voisin algérien pour tous ses efforts dans le cadre de la paix au Nord, mais l’engagement sans faille du Mali dans la lutte contre le terrorisme (attesté et salué par la communauté internationale dont les USA, la France, l’Espagne…, l’Algérie), à notre humble avis de Malien outré par les attaques contre son pays, ne saurait se réduire exclusivement à une opération commando contre les « bandits algériens ».
Autrement « ce sont des puissances extra régionales, de plus en plus inquiètes pour la sécurité de leurs intérêts dans cette partie de l’Afrique qui s’impliqueront directement au nom de la guerre contre le terrorisme, comme cela est le cas dans de nombreuses pays au monde, à commencer par la Somalie ou encore l’Afghanistan »
La sécurité et la paix du monde passent à travers une coopération de toutes les nations contre le terrorisme. Le Mali y contribue avec détermination et loyauté. Ceux qui sont moins enclins à la critique facile le savent, le lui reconnaissent. Alors qu’on se rassure de l’autre coté de la frontière, « ces puissances extra régionales » savent que le Mali, tout pauvre qu’il est, est engagé résolument dans cette lutte, fait de son mieux et des propositions concrètes.
C’est le Mali, et aucun autre pays, qui a été le premier depuis 2007 à proposer «la nécessaire coopération en matière de lutte contre le terrorisme, et dont la première ébauche a été élaborée lors d’une conférence (entre les chefs des armées mauritanienne, malienne, nigérienne et algérienne) – à Tamanrasset, au mois d’août dernier ». Ce Mali qui propose et qui s’engage n’est pas de ceux qui traînent le pas, qui tergiversent et qui font preuve de passivité lorsqu’il s’agit s’entendre, de coopérer et de mettre en commun les moyens et les stratégies pour bouter hors de notre sous-région GSPC-AQMI, le terrorisme et toute menace terroriste. Jusqu’ici le Mali d’ATT n’attend-il pas toujours réponse à son offre pour une conférence régionale pour la paix, la sécurité et le développement ?
Par Sambi TOURE