Au Mali, selon les experts de la santé cités par IRIN, la majorité des cas de paludisme n’en sont pas. Car, du fait de ces mauvais diagnostics, ont-ils soutenu, il se crée une résistance aux médicaments antipaludiques et les maladies dont sont véritablement atteints les patients ne sont pas traitées.
« Au Mali, quand les gens sont malades, le médecin leur dit généralement qu’ils ont attrapé le paludisme, qu’ils se soient fait dépister ou non », a expliqué Fatou FAYE, chercheuse et formatrice en maladies contagieuses au centre Charles Mérieux, un laboratoire médical privé français de Bamako. « Les patients achètent alors leurs médicaments anti-paludiques dans la rue et développent une résistance aux traitements », a-t-elle déploré. Cela signifie, selon les recherches menées par le docteur Imelda BATES dans le cadre du Projet de connaissance sur le paludisme (Malaria Knowledge Project – MKP) de la Liverpool University School of Tropical Medicine, que les patients passent à côté d’autres causes de maladies qui génèrent également de la fièvre, telles que la pneumonie ou la méningite. Et cela peut aggraver, a-t-il soutenu, l’état des malades, voire entraîner la mort. Aussi, selon le MKP, l’écart entre les cas réels et les cas supposés a atteint un niveau « choquant » dans toute l’Afrique. Car, au Mali, le paludisme est diagnostiqué à l’aide d’un équipement onéreux. Or, la plupart des centres de santé, en particulier dans les régions rurales, n’ont pas les moyens de se l’offrir ou n’ont pas le personnel qualifié nécessaire pour le faire fonctionner, selon Michel Van Herp, un épidémiologiste de l’ONG Médecins sans frontières (MSF) Belgique. Dès lors, la plupart des médecins font des « suppositions » fondées sur des « soupçons », a-t-il expliqué. Ce qui, de son point de vue, donne lieu à un traitement excessif des cas de paludisme. En outre, selon M. George DAKONO (coordinateur du projet national de lutte contre le paludisme) et Mme FAYE citée plus haut, la plupart des personnes qui souffrent de fièvre au Mali ne se rendent pas du tout dans les centres de santé, soit parce qu’elles vivent trop loin, soit parce qu’elles ne veulent pas payer jusque 0,95 dollar la consultation. Au lieu de cela, font-ils remarquer, elles posent leur propre diagnostic et se soignent elles-mêmes. Aussi, selon MKP, chez les enfants, jusque 70 pour cent des cas de maladies fiévreuses sont-ils diagnostiqués et traités au domicile du malade.
« Le Mali a besoin de laboratoires plus nombreux et mieux équipés pour lutter contre les mauvais diagnostics de masse », selon Mme FAYE. Car, pour Valentina Buj, responsable de projet sanitaire à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le frottis sanguin en laboratoire est « l’étalon-or » en matière de diagnostic du paludisme. « Mais la majorité des 82 laboratoires publics du pays n’ont ni les équipements ni les techniciens qualifiés qu’il faut pour diagnostiquer le paludisme », a déclaré Mme FAYE à IRIN. Cependant, pour M. Van HERP de MSF, les laboratoires ne sont pas la solution pour améliorer le diagnostic du paludisme dans les régions rurales du Mali où les centres de santé et les laboratoires sont peu nombreux et éloignés les uns des autres. « Plutôt que d’acheter du matériel plus coûteux et de dispenser des formations en profondeur, ce qui est difficile à faire en milieu rural, nous avons besoin de kits de test pour le paludisme qui soient simples et basse technologie », a-t-il déclaré à IRIN. « Le test prend 15 minutes pour donner des résultats et cela prend une demi-journée de former un travailleur de la santé communautaire à son utilisation. C’est le seul moyen de diagnostiquer les populations à domicile », a-t-il expliqué. Le test est simple, selon les explications qu’il a données : si la personne a contracté le paludisme, les produits chimiques du test réagissent à un produit secrété dans son sang par le parasite responsable du paludisme et, 15 minutes plus tard, une bande rouge apparaît. « Dans les régions où MSF a distribué ces tests, le nombre de patients atteints de paludisme venus se faire soigner contre cette maladie est passé d’un sur quatre à 100 pour cent », a-t-on révélé. Mais déployer ces kits à l’échelle nationale est un défi au Mali, préviennent les promoteurs de cette technique. Mes kits devant avoir, en effet, une longue durée de conservation et exigeant des systèmes de distribution sophistiqués, d’autant plus que leurs résultats ne sont pas fiables lorsque la température excède 30 degrés Celsius, c’est-à-dire la température moyenne au Mali. « Cette technologie doit encore être perfectionnée », selon Mme BUJ. MSF a néanmoins annoncé qu’il prévoyait de déployer son programme, dans le cadre duquel 80 000 personnes sont dépistées, à l’heure actuelle, dans les régions sujettes au paludisme, à travers le pays, avec l’aide du gouvernement malien.
Selon les mêmes sources médicales, c’est pour pallier en partie ces problèmes que la Fondation Charles Mérieux a ouvert un laboratoire à Bamako pour diagnostiquer le paludisme ainsi que d’autres maladies contagieuses, pour former les techniciens des centres de santé du pays à utiliser l’équipement diagnostique et à diriger un laboratoire, et, grâce à une aide financière accordée par l’Union européenne, pour équiper les laboratoires du pays. L’objectif étant de reproduire les normes appliquées dans les laboratoires français. « Nous voulons faire en sorte qu’ils puissent diagnostiquer eux-mêmes correctement la majorité des maladies sur lesquelles ils tombent », a indiqué Mme FAYE.
Par Seydina Oumar DIARRA-SOD