Bahanga, le chef rebelle dissident, continue se souffler le chaud et le froid : après avoir procédé unilatéralement à la libération, le samedi dernier, de 21 otages, toujours détenus entre les mains de ses hommes, voilà que le lendemain de cette détente, le même se fend dans un communiqué, annonçant la trêve entre l’Alliance touareg Nord-Mali pour le changement qu’il dirige et le gouvernement du Mali.
Où est la bonne foi chez ce chef dissident rebelle qui n’a pas à une première incohérence d’approche le concernant ?
La mauvaise nouvelle est venue après la bonne : 21 otages, toujours détenus entre les mains des hommes du chef dissident Bahanga, sont libérés, samedi dernier, et remis au médiateur algérien. Dès le lendemain, dimanche 17 août, le même Bahanga, qui n’est pas à une première contradiction, annonce la fin de la trêve entre l’Alliance touareg Nord Mali pour le changement et le gouvernement malien.
Tout y est : les rebelles, qui annoncent leur volonté de détente, avec la libération de ces 21 otages (il en reste encore une bonne soixantaine), durcissent le ton à l’intervalle d’une journée en décidant d’interrompre la trêve entre le mouvement rebelle et les rebelles. La Trêve ? La dernière en date, intervenue en juillet dernier, après de nombreuses autres violées les unes après les autres, avait été conçue lors des derniers pourparlers d’Alger où les deux émissaires, malien et rebelle, sous la supervision du médiateur algérien, s’étaient retrouvés à Alger en vue de donner la dernière main au processus de paix, décidément au point mort. C’était également le grand retour de l’Algérie dans ce dossier chaud après son retrait, matérialisé par sa colère après avoir estimé qu’elle faisait l’objet « d’attaques gratuites » de la part de certains journaux maliens sur la question très sensible de la rébellion armée.
L’Algérie, on le sait, a observé une période relativement longue en marge de ce dossier. Pendant ce temps, les hostilités gagnaient en intensité sur le terrain. Et le retour de ce pays, déjà fortement impliqué dans la résolution de la crise, avait été demandé par les Maliens, lesquels, au-delà du clivage, ont majoritairement souhaité l’implication algérienne dans la crise du nord Mali. Les Maliens, de ce fait, ne s’étaient pas trompés d’autant que dans le même temps, en Algérie même, l’ambassadeur américain transmettait aux autorités de ce pays le quitus des officiels américains, lesquels ont nettement préféré l’implication algérienne pour le règlement de ce dossier. C’est donc en prévision du grand retour de l’Algérie dans le dossier touareg que les deux protagonistes ont revu les conditions de participation en précisant, chacun en ce qui le concerne, le détail des préoccupations.
Si les deux parties étaient d’accord à inscrire leurs actions dans le cadre de l’Accord d’Alger du 4 juillet 2006, il n’empêche que des divergences subsistaient : les rebelles, eux, n’entendaient pas procéder à la libération des otages sans un examen minutieux des « nouvelles revendications » ; le gouvernement, quant à lui, n’envisageait aucun débat sans la libération préalable des otages. En bon médiateur, Alger réussit à sauver les apparences. Ce qui a permis aux parties de signer les termes d’une décision assortie d’une trêve. C’est cette trêve, qui a eu d’ailleurs du mal à se concrétiser, qui est aujourd’hui remise en cause par le chef rebelle dissident qui l’annonce sans états d’âme. En fait, au moment même où les négociateurs étaient encore réunis à Alger, il y a eu l’attaque violente de Tessalit au cours de laquelle des gendarmes maliens ont été enlevés par des ravisseurs. Si cette attaque a été condamnée par les négociateurs, y compris les émissaires rebelles, c’était en réalité du bout des lèvres, côté rébellion, en raison du fait que l’Alliance touareg Nord Mali pour le changement, elle, la revendiquait sans ambages, quelques jours après.
Le processus de paix est désormais au point mort. La trêve qui vient d’être interrompue n’a pas survécu à la surenchère rebelle. Bahanga, le chef rebelle dissident, est sur son terrain de prédilection, à savoir l’instrumentalisation du chantage. Dans le communiqué qui annonce la fin de la trêve, le rebelle dissident, qui sait souffler sur le chaud et le froid, met la pression sur le gouvernement en affirmant de façon péremptoire : « Considérant que l’Accord d’Alger a été dénoncé plusieurs fois par le gouvernement malien et que les rencontres tenues à Tripoli en avril 2008 et au mois de juillet 2008 à Alger ont échoué et que nous savons que continuer dans cette perspective serait remettre à des lendemains hypothétiques la paix et le développement dans ces régions, aggraver les souffrances du peuple touareg…». Il en profite d’ailleurs, comme à ses habitudes, pour annoncer de nouvelles revendications, à savoir un statut particulier pour les trois régions du Nord. Bahanga, lui, excelle dans la surenchère d’autant qu’il sait que la récente libération de 21 otages, sur le nombre total d’otages qu’il détient par dévers lui, n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan.
Sékouba SAMAKE
Encadré
ATMC -Gouvernement : fin de la trêve !
Après l’échec de la rencontre de Tripoli en Libye en avril 2008, on déplore un nouvel échec avec celui de la rencontre d’Alger de juillet 2008.
Considérant que l’accord d’Alger a été dénoncé plusieurs fois par le gouvernement malien et que les rencontres tenues à Tripoli en avril 2008 et au mois de juillet 2008 à Alger ont échoué et que nous savons que continuer dans cette perspective serait remettre à des lendemains hypothétiques la paix et le développement dans ces régions, aggraver les souffrances du peuple touareg qui ne demande qu’une prise en considération de ses préoccupations actuelles, de son environnement politique, socio-économique et culturel, l’Alliance Touareg Nord Mali pour le Changement ( ATNMC) réclame désormais un STATUT PARTICULIER pour les trois régions du Nord et déclare ce jour la fin de la trêve dont les conditions n’ont pas été remplies par le gouvernement malien.
Pour sortir de cette impasse qui dure depuis plus de deux ans, nous demandons une forte implication du Représentant de l’ONU à Dakar et/ou de l’Union européenne pour mener une réflexion sérieuse et approfondie sur le conflit touareg afin d’amener les deux parties autour d’une table de négociations, pour le retour de la confiance, et reprendre un véritable dialogue.
Alliance Touareg Nord Mali pour le Changement (ATNMC) Porte parole et Chargé des relations extérieures.