«Tant que je serai président de la République, je n’accepterai pas une régularisation globale de ceux qui n’ont pas de papiers, je ne l’accepterai jamais parce que c’est contraire à l’idée que je me fais des valeurs de la République», telle est la réplique, la semaine dernière, du Président Sarkozy au Parti socialiste qui avait plaidé pour une régularisation massive des sans-papiers en France. Un veto qui intervient après l’annonce, quelques jours, par les ministres Xavier Darcos (Travail) et Eric Besson (Immigration) de la préparation d’un projet de loi visant à renforcer les sanctions contre les entreprises employant des sans papiers.
Avec l’approche des régionales françaises, l’immigration, sujet de prédilection de tous les scrutins électoraux, fait monter les enchères. Aussi, régulière ou non, l’immigration prend une place centrale dans le débat. Et les partis politiques français se mobilisent et jouent la carte de l’immigration pour tenter de gagner du terrain sur leurs adversaires. Profitant d’un de ces déplacements dans la région parisienne, le Président Nicolas SARKOZY, a catégoriquement écarté, le mardi 24 novembre dernier, toute idée de « régularisation globale » des sans-papiers vivant sur le territoire français. Par cette déclaration, il marque son désaccord avec le parti socialiste qui avait plaidé pour une régularisation en vrac. Pour le chef de l’Etat, la France ne peut pas accueillir toutes les misères du monde. «Tant que je serai président de la République, je n’accepterai pas une régularisation globale de ceux qui n’ont pas de papiers, je ne l’accepterai jamais parce que c’est contraire à l’idée que je me fais des valeurs de la République», a-t-il répliqué. Avant d’ajouter : «la France est généreuse». «Mais de là à régulariser tout le monde, ce serait une erreur tragique et c’est la raison pour laquelle nous ne le ferons pas», a-t-il balayé d’un revers de la main la proposition socialiste. Prenant pour contre-exemple l’expérimentation, «à trois reprises» en France, de régularisations: «ça a conduit à ce que les réseaux de trafiquants criminels sur la pauvreté des gens et le malheur des gens, se disent: « envoyons les malheureux en France, ils régularisent, et donc un jour ils seront amenés à régulariser »», a-t-il estimé. «Chaque fois qu’on a régularisé massivement, on a abouti au contraire de l’effet recherché», a-t-il conclu. Cette sortie du premier responsable de l’Elysée intervient deux jours seulement après l’annonce d’Eric Besson, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’identité nationale et du Développement solidaire, et Xavier Darcos, ministre du Travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, de la volonté du gouvernement, à travers un projet de loi, de renforcer les sanctions contre les entreprises employant des étrangers sans titre de séjour. Effet d’annonce ou volonté réelle ? En tout cas, cette mesure existait déjà dans l’arsenal juridique français, notamment le code du travail, dont l’article L8251-1 interdit toute personne directement ou par personne interposée, d’embaucher, de conserver à son service ou d’employer, pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Pourquoi et maintenant cette fermeté et l’intransigeance affichées à l’égard des employeurs de sans-papiers ? Pourtant ceux au profit de qui le président Français refuse une régularisation sont des personnes qui travaillent, paient leurs impôts et les charges sociales. Est-ce à dire que ces sans-papiers sont clandestins aux yeux du ministère de l’Intérieur mais parfaitement réguliers aux yeux du ministère des Finances et des affaires sociales ? En décidant d’arrimée la question des sans-papiers à celle de l’immigration, en général, les autorités françaises ne font ni plus ni moins que d’entretenir un amalgame qui ne dit son nom. Sinon en quoi régulariser des étrangers, entrés régulièrement en France, ayant leur vie dans l’Hexagone, depuis de nombreuses années, travaillant, payant leurs cotisations sociales, voire leurs impôts, mais mis « hors la loi » du fait de règles administratives, serait-il une entorse « aux valeurs de la République » ? Celles-ci ne commandent-elles pas, au contraire, de rendre justice à des hommes et des femmes présents sur le sol français depuis cinq ans, dix ans, avec des enfants nés en France ? Sans compter qu’ils contribuent à des pans entiers de l’économie du pays, comme la restauration, le textile, la construction, le nettoyage, etc. Et que beaucoup d’entre eux travaillent avec un vrai contrat de travail et sont déclarés. Mais Hélas ! Au lieu de cette reconnaissance nationale, le Président Sarkozy a fait de l’immigration irrégulière et la chasse aux sans-papiers, un combat personnel comme si lui-même n’était pas un fils d’immigré. Alors ministre de l’Intérieur, il met en place en février 2006, une circulaire engageant une véritable chasse aux sans-papiers dans les quartiers immigrés, métros, gares, foyers de migrants… Jusque dans les blocs opératoires d’hôpitaux. Depuis l’application de cette circulaire, des dizaines et des dizaines de rafles de sans-papiers ont eu lieu, saturant les camps de rétention, amplifiant considérablement les expulsions du territoire, notamment par l’intermédiaire de la délivrance des laissez-passer consulaires et la collaboration de compagnies d’aviation telles qu’Air France. Quid également de l’application d’un décret de la loi Sarkozy de juillet 2006 sur le « travail illégal » enjoignant les employeurs à licencier les travailleurs sans-papiers embauchés dans leurs entreprises. Depuis, des centaines et des centaines de travailleurs sans-papiers ont été licenciés, ayant pour conséquences de tarir les envois d’argent au pays et de mettre à la charge des communautés ces travailleurs qui s’enfoncent dans la précarité, alors qu’ils cotisaient et payaient leurs impôts en France, depuis des années.
En tout cas, pour notre part, nous pensons que ce n’est pas en chantonnant qu’il ne régularisera jamais massivement les sans-papiers que M. Sarkozy fait avancer le débat. Il se doit de changer de fusil d’épaule, en trouvant les voies et moyens facilitant l’obtention des documents administratifs à nos frères qui ne cherchent que leur gagne-pain, afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Le tout dans le respect des droits et de la dignité des personnes.
Par Mohamed D. DIAWARA