Après l’Algérie qui n’est pas près de trahir sa conviction que le Mali ne mouille pas le kaki dans la traque d’Al Qaïda, c’est à présent l’Union européenne d’exprimer de fortes inquiétudes en émettant le souhait d’agir de toute urgence dans la région du Sahel. Une alerte que le Gouvernement de notre pays ne s’explique pas du tout, s’il n’en est pas simplement offusqué.
Sans s’y accommoder véritablement, les Maliens commençaient à s’habituer aux attaques en règle de l’Algérie, notamment de sa presse, contre les autorités de notre pays. Cette virulence et ce déchaînement, aux allures d’un réel défoulement, se fondent sur l’appréciation que notre pays ne fait pas suffisamment dans la lutte contre Al Qaïda au Maghreb (AQMI). Pire, notre pays est accusé d’offrir l’hospitalité à ces bandes terroristes et de signer des compromis avec elles. La médiation malienne dans la libération des différents otages reste et restera longtemps en travers des gorges algériennes, comme la preuve la plus irréfutable de la compromission malienne avec AQMI.
Diagnostic erroné et tendancieux
Mais à ce niveau, il y a à dire et à redire. Ne serait-ce qu’en intégrant l’histoire régionale de ces bandes terroristes et leurs principaux animateurs. A cet égard, il convient simplement de rappeler que c’est à partir de l’Algérie que ces tueurs barbus ont investi le désert de notre pays et que les principaux chefs d’AQMI, jusque-là connus, ne sont point des Maliens, mais bien des Algériens. Cette mise au point s’avère indispensable pour ne pas verser dans l’accusation gratuite et stérile au moment même où il s’impose de faire front commun contre Al Qaïda.
Le chantage et la surenchère montent en puissance et en pression lorsque c’est l’Union européenne qui décide de s’y mêler. En effet, réunis à Bruxelles, ces jours-ci, les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont exprimé leur vive préoccupation face à la recrudescence des activités d’AQMI au Sahel et plus particulièrement au Mali et en Mauritanie. Ils mettent en garde contre le risque de voir la région Sahel devenir « un refuge pour les réseaux terroristes ». Mais il ressort également que le Mali et la Mauritanie sont particulièrement ciblés comme étant les pays où se multiplient les actions d’Aqmi dans la zone sahélienne.
« Les événements récents donnent à penser que la région risque de devenir un refuge pour les réseaux terroristes et leurs activités », soutiennent les 27 ministres des Affaires étrangères de l’UE depuis Bruxelles où ils étaient en conclave. Les mêmes ministres estiment que cette situation constitue « une menace sérieuse avant tout pour la région du Sahel et sa population, mais aussi pour d’autres régions, y compris l’Europe ». Ceci justifiant cela, ils expriment le souhait des Gouvernements européens « d’agir de toute urgence » pour renforcer les capacités des Etats de la région. L’UE souhaite notamment promouvoir
le développement et la gouvernance ; mais aussi la lutte contre le trafic des armes et de drogue et la traite des êtres humains.
Un procès inique
A l’analyse de ce verdict des ministres européens, différents constats s’imposent à l’évidence. En parlant d’insécurité dans le Sahel, seuls le Mali et la Mauritanie, dans une moindre mesure, sont mis en avant comme les maillons faibles d’un système dont il faut nécessairement reprendre le contrôle. Ce qui est curieux lorsqu’on sait que le grand voisin du Mali est celui-là même qui a engendré ces tueurs fous. Et ils sont toujours sur son sol malgré toutes les insinuations tendancieuses visant à faire du Mali une base arrière. Autrement, il serait difficile, voire impossible, de soutenir que c’est seulement du Mali que les barbus lancent des assauts contre des positions algériennes. Ce, en parcourant plusieurs kilomètres sans être interceptés par les forces algériennes.
Autre constat, et non des moindres, les ministres européens s’offrent le luxe et le droit de décréter un regain d’activité terroriste au Mali et en Mauritanie. Ce constat retient d’autant plus l’attention que la réalité du terrain est presque exactement le contraire de la préoccupation européenne. Au Mali, il n’y a jamais eu que deux accrochages avec les forces de sécurité et le dernier remonte à plusieurs mois. Avec le renforcement du dispositif sécuritaire, c’est le calme depuis de nombreux mois. Le dernier attentat en Mauritanie ne date pas non plus d’hier pour justifier une préoccupation soudaine. Un arbitrage extérieur conforte d’ailleurs la relative sérénité par rapport au développement des « réseaux terroristes ». Et pour cause, il y a seulement quelques jours, lors d’une mission en Algérie, c’est la Secrétaire d’Etat adjointe de la Défense des USA qui soutenait que, depuis au moins une années, AQMI ne recrutait pratiquement plus, ajoutant que l’organisation n’était pas au mieux de sa forme en ce moment.
Manœuvre planifiée
Sur quoi se fonde alors cette agitation subite des Occidentaux ? De toute évidence, sur rien. En tout cas, sur très peu d’éléments objectifs. Aussi, est-on fondé à croire une manœuvre délibérée visant à mettre notre pays au banc des Nations pour fricoter avec des terroristes. Ce qui est aussi loin d’être fortuit lorsqu’on sait qu’une telle accusation est la porte ouverte à tous les interventionnismes. Les Européens ne sont-ils pas en quête d’alibi pour renforcer leur présence dans la bande sahélienne, notamment depuis que les Etats-Unis y ont commencé à prendre quelques repères ? La récente visite de haut niveau d’officiers français, et la conséquence immédiate de causer la brouille entre les pays du Sahel qui étaient sur le point de constituer un front commun contre Al Qaïda, en dit assez long sur les velléités européennes par rapport à cet espace et à notre pays en particulier.
Fidèle à sa ligne de défense, le Mali continue à encaisser silencieusement. Seul un ministre de la République, pour des raisons précises, tente de mettre les points sur les « i ». Depuis plusieurs jours, en effet, le ministre de l’Artisanat et du tourisme, N’Diaye BAH, ne cesse de faire feu de tout bois en dénonçant l’attitude de pays, souvent amis du nôtre, qui le placent sur une liste rouge pour déficit de sécurité. Le ministre est d’autant plus interloqué par cette indexation qu’il est convaincu que nulle part ailleurs, le risque zéro n’existe en matière de sécurité. Pour l’anecdote, il faut rappeler que même l’homme le plus gardé du monde, le président BUSH, a été la cible d’attaque à la chaussure dont il s’est tiré seulement grâce à son réflexe. C’est dire que le risque zéro en matière sécuritaire n’existe nulle part. Et le Mali ne saurait être particulièrement blâmable sur la question. A moins qu’on ne veuille le transformer en exécutant de basses besognes… C’est là le véritable piège pour notre pays.
Par Bertin DAKOUO