A L’OUVERTURE DU FORUM ATT charge les enseignants

A la cérémonie d’ouverture du Forum national sur l’école le jeudi dernier, le président de la République a dans son discours déclaré «depuis des années, séminaires, colloques, nous soulignons les incohérences de notre système éducatif ; nous soulignons les succès obtenus en la matière par d’autres pays de la région sans pour autant en tirer pour nous même les enseignements…

 

Aujourd’hui, nous nous devons tous ensemble, d’approfondir le diagnostic, sans complaisance aucune de notre système éducatif, appréhender les causes profondes de la crise qu’il traverse, dégager une vision partagée de la mission de notre école face à l’avenir. En effet, qu’il s’agisse de la Réforme de 1962, du Séminaire national sur l’Education en 1978, des Etats Généraux en 1989, ou du Débat national de 1991, ces différentes concertations périodiques, autour de l’école ont permis d’impulser des orientations et réformes importantes …»

Le président ATT dira que : « Un système éducatif performant, c’est d’abord le respect des valeurs de base de l’école (éthique, déontologie, discipline, travail, mérite, réussite te responsabilité ».

Il a invité les acteurs de l’école notamment les enseignants, les parents et l’administration scolaire, à extirper du milieu scolaire  et universitaire les déviances comme la fraude, les notes octroyées indûment.

 Concernant la démission de la société civile, le président déclare : « Aucun parent, ne saurait être absout de l’obligation de répondre de ses devoirs de premier éducateur  des enfants, devoir auquel l’école ne saurait suppléer. »

 Et quant à la qualité de notre école : « Un système éducatif performant, c’est un enseignement de qualité qui répond d’abord aux besoins réels de main d’œuvre de notre économie et dont les produits sont compétitifs au plan interne et externe.

Un système éducatif performant, c’est offrir un cadre approprié, pour préparer à la citoyenneté et à la socialisation de nos enfants.

Un système éducatif performant, c’est aider et accompagner chaque enfant à poursuivre son parcours aussi loin que possible. C’est également donner à chaque Malienne, à chaque Malien, la chance de contribuer efficacement et à hauteur de ses compétences, au développement de notre pays.

Un système  éducatif performant, c’est aussi valoriser la fonction enseignante, c’est améliorer les conditions de vie de travail de l’enseignant y compris la formation contenue.

Un système éducatif performant, c’est une bonne articulation entre différents niveaux d’enseignement, c’est un système qui ne laisse personne sur le chemin, c’est créé des opportunités réelles d’insertion professionnelle, pour tous les sortants des différents ordres d’enseignement. »

Moustapha  GUITTEYE

 

 

Interview

le professeur Modibo Kane Cissé DU MIRIA

«En tant que professeur, je suis inquiet pour l’avenir de mon pays»

A l’occasion du Forum national sur l’éducation nous avons rencontré le professeur Modibo Kane Cissé, Secrétaire politique du MIRIA,  parti qui a dirigé  le ministère de l’Education nationale jusqu’au décès du professeur Mamadou Lamine Traoré, président du MIRIA.

 

L’Inter de Bamako : L’école malienne ne fonctionne pas depuis la chute du régime de l’UDPM. Elle a presque fermé ses portes pour ouvrir le chemin aux établissements privés.

Modibo Kane Cissé : En tant que professeur, je suis inquiet pour l’avenir de mon pays. Un peuple,  qui sait lire et écrire, échappe à l’analphabétisme et est capable de s’épanouir.

Dans le cas du Mali, la situation est inexplicable. Cela fait près de 20 ans sans école. En terme technique, cela veut dire qu’on ne forme pas de jeunes instruits qui vont assurer la relève de demain  dans l’administration publique. Un fait qui risque de maintenir notre pays dans la pauvreté.

A ce problème, s’ajoutent malheureusement les conséquences des politiques d’austérité du Fonds monétaire international (FMI), la corruption et le  clientélisme politique. Les politiques d’austérité n’avaient pas été balancées pour le développement du réseau d’entreprises privées. Ainsi, elles ont accru le gaspillage de ressources notamment du fait de la réduction des effectifs et du stoppage des recrutements à la fonction publique.

Un autre fait hérétique  qui frôle la catastrophe, c’est le phénomène des écoles privées. Au nom du libéralisme, la déréglementation tous azimuts débouchent sur la multiplication de petites écoles privées dont l’accès se fait à prix d’or. La plupart des diplômés subissent soit un chômage déguisé dans le secteur informel, soit l’exil voulu ou forcé en Occident, quelle perte de cerveaux!

 

L’Inter de Bamko : L’instruction est le premier des biens, dit-on. Un pays qui n’arrive pas offrir l’instruction à son peuple ne peut être que la dernière des Nations

Modibo Kane Cissé : La meilleure arme pour réussir dans la vie c’est une solide instruction. C’est même la seule porte de réussite pour ceux qui sont nés pauvres. Le Mali a non seulement besoin que ses meilleurs fils occupent les meilleures places, il a besoin que chacun à sa place s’acquitte le mieux possible de sa tâche. L’instruction est de plus en plus nécessaire.

De plus en plus, l’ouvrier qualifié est recherché; il convient par ailleurs de noter que la plupart des propriétaires actuels d’écoles privées sont des enseignants du supérieur ou du secondaire et certains fonctionnaires de la haute administration. Ils tirent aussi profit de cette dégradation organisée de l’enseignement public. La situation du pays est très difficile et complexe à tous les niveaux. Surtout sur le plan politique et le reste ne peut que suivre. Le clientélisme politico- ethnique facilité par le fanatisme et la corruption, fait que l’intérêt national de la nation et l’avenir du pays ne préoccupent personne.

Chaque homme politique tend absolument à se servir et à servir sa base ou les intérêts des siens. Cela se sent même à travers les différents débats officieux en dehors des institutions. C’est dommage que notre pays bascule dans l’ignorance par la faute des gens qui nous gouvernent.

 

L’Inter de Bamako : L’éducation, la maladie sans remède de tous les régimes, pourquoi?

Modibo Kane Cissé : Les politiques ont exporté leurs antagonismes dans les écoles et à l’université. La recrudescence de la violence politico- ethnique dans les établissements et milieux publics sont autant d’éléments qui ont contribué à la détérioration du climat social y compris le système éducatif. Il y a aussi la politisation de l’école par les démocrates impopulaires. Elle a commencé avec l’entrée de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM) au CTSP et a continué sous le régime Adema pour finir par prendre aujourd’hui des tournures inquiétantes. Il suffit d’être membre du bureau de l’AEEM pour se voir ouvrir toutes les portes des institutions de la République.

Combien sont-il à avoir reçu des bourses d’études à l’extérieur? Recrutés dans l’administration publique ou dans des organismes internationaux. Tant que l’Etat ne joue pas franc jeu avec les syndicats et l’AEEM, l’école malienne ne reprendra pas ses lettres de noblesse.

 

L’Inter de Bamako : Et le Forum national sur l’éducation ?

Modibo Kane Cissé : (rire) Il y a eu les Etats généraux sur l’éducation en 1992 bien avant le Forum. La tenue d’un Forum ne résout pas le problème posé. C’est une question de sous qui est posée au gouvernement. On refuse de payer à des enseignants des indemnités et aux étudiants de meilleures conditions d’études alors que de l’autre côté sans tapage on a accordé des indemnités aux gouverneurs, préfets, sous préfets et aux militaires. Où est donc l’égalité? Quand on fait la somme des indemnités accordées à la veille de la présidentielle de 2007 aux gouverneurs, préfets et sous préfets et officiers et caporaux de l’armée ça dépasse plus de 1 milliard par an alors que les enseignants ne demandent qu’une prime de logement. J’oubliai, il y a l’intransigeance manifeste des gouvernants par leur refus catégorique à régler pour de bon la question scolaire.

A mon avis, je crois que ce sont les autorités qui ont pris l’école en otage. Chaque fois qu’il y a eu une grève scolaire ça leur permet de désamorcer une crise sociale. De Alpha à ATT, rien n’a été réglé. Je parie aussi que rien de potable ne sortira des assises du Forum. Là où les professeurs Alpha et Adame Bâ ont échoué, difficilement un général d’armée peut réussir. Quand on cherche un remède à une plaie, on ne gratte pas les cicatrices.

Réalisée par Amy SANOGO

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