«Notre constitution est claire, elle sera respectée. Je ne serai pas là en 2012 ; comment est-ce qu’on peut être pressé à ce que je parte ?» Ces propos d’ATT créent la confusion et peuvent être interprétés par des éminents juristes. Au delà de cette dernière sortie du président de la République par rapport à ce sujet, sur lequel personne ne reviendra plus, des maliens ont-ils des raisons légitime de porter des doutes sur les dires de ATT ?
Certains disent avoir à l’esprit comme si c’était tout juste hier, cette phrase lancée par le président de la République, comme une insulte à la face des candidats à l’élection présidentielle : «Seul un fou ou un idiot chercherait à être président du Mali».
Nous étions en 1992 ; mais qu’est ce qui a pu se passer entre 1992 et 2002 pour que le général Amadou Toumani Touré se lance à la conquête du pouvoir. On me dira qu’en 2002, ce sont des hommes et des femmes regroupés au sein d’un rassemblement appelé Mouvement Citoyen, qui ont lancé depuis Sikasso un appel au général Amadou Toumani Touré afin qu’il soit candidat. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cette fois-ci ce sont des femmes de divers horizons qui ont demandé au président ATT de se présenter à sa propre succession en 2007 ; elles s’obligent même à payer la caution de dix millions de francs CFA à la place du candidat. Comme il n’y a jamais deux sans trois, attendons de voir.
Cependant, il faut reconnaître que la question d’un troisième mandat sera possible avec la création d’un Sénat. Quand cette nouvelle structure verra le jour, l’Assemblée Nationale et le Sénat formeront le Congrès, instance habilitée à sanctionner une révision constitutionnelle sans passer par un referendum.
Ce faisant les nouveaux sénateurs accorderont sans doute un troisième mandat au général ATT pour diront-ils le permettre de parachever les nombreux chantiers qu’il a commencés. Déjà les prémices de ce troisième mandat sont perceptibles à travers certaines banderoles à l’intérieur du pays «ATT le bâtisseur».
Autre chose qui plaide en sa faveur pour un troisième mandat, voire s’éterniser au pouvoir : le fait de maintenir le général Kafougouna Koné au ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales montre que le général ATT n’est pas prêt à faire ses valises en 2012.
Amy SANOGO
REFORMES POLITIQUES
Le Sénat pour son 3è mandat
D’abord qui est l’homme des reformes institutionnelles ? Né le 4 novembre 1948 à Mopti Amadou Toumani Touré a connu une enfance difficile. Il fit des études à Mopti qui le conduiront à l’Ecole normale secondaire de Badalabougou, avant d’être incorporé dans l’armée avec l’appui de feu Kissima Doukara. Déclaré inapte au recrutement, Amadou Toumani Touré intégra l’armée grâce à l’intervention du docteur Macalou. Après l’Ecole interarmes de Kati (EMIA) où il fut officier de 1969 à 1972, ATT fut promu lieutenant.
En 1978, il devint capitaine et suit plusieurs formations dans les grandes écoles militaires, notamment en France.
En 1984, il devient commandant de la garde présidentielle. Sur intervention d’un opérateur économique, ressortissant de Mopti, auprès du président Moussa Traoré, ATT devient le commandant du bataillon Para de Djikoroni.
Il se caractérise par :
– la confiscation de la démocratie par lui et son clan et l’irrespect des règles démocratiques élémentaires ;
– Le culte de la personnalité, le système de pensée unique, l’impunité comme mode de gestion du pouvoir ;
-L’affaiblissement de l’Etat au profit d’individus, l’affairisme, la corruption et la compromission ;
– Le régionalisme et la culture de l’informel dans la gestion des affaires publiques.
En 2002, plusieurs facteurs ont favorisé le retour du général ATT dans la course à la magistrature suprême. Il s’agit entre autres des manœuvres politiciennes opérées par le président sortant Alpha Oumar Konaré ayant mis à ses ordres la Cour Constitutionnelle et l’intervention de la France.
Pour briguer la magistrature suprême, le général ATT, au lieu de démissionner de l’armée a opté en septembre 2001 pour une retraite anticipée. Ce qui constitue une entorse à la loi électorale No 00-058 du 30 août qui, stipule en son article 131 «Tout membre des Forces armées ou de sécurité qui désire être candidat aux fonctions de président de la République doit démissionner six mois avant l’ouverture de la campagne».
Comme pour éviter la focalisation sur la légalité ou l’illégalité de la candidature d’ATT, le président Alpha Oumar Konaré favorisa la multiplicité des candidatures (24) qu’il justifia du reste par l’idée qu’il s’agissait d’une fête nationale, banalisant du coup ces élections.
Comment ATT a été élu président ?
Le Mali bénéficie d’une incroyable insolente stabilité politique qui confine à l’ennui. Le second mandat du président Alpha Oumar Konaré arrivait à son terme en avril 2002, ce dernier ne se représentera pas, respectant une clause constitutionnelle qui limite à deux le mandat du président. Mais c’est aussi que l’histoire de la vie politique est importante pour tenter de comprendre le présent, non seulement «Alpha ne se présente pas, mais il n’appuie ni ne soutient aucun présumé dauphin». Et Alpha a laissé faire avec un malin plaisir. Les militants et autres cadres de l’ADEMA s’entredéchirer face à la pléthore de postulants à l’investiture du parti.
A Bamako ou dans le Mali profond, l’homme de la rue a vite fait d’ironiser cette attitude du président sortant : «Alpha ferait tout pour que la présidence revienne à ATT». Comme si dès 2002, les deux hommes avaient passé un deal. Le militaire ATT laissant le civil Alpha prendre le pouvoir à l’issue de la transition, à charge pour ce dernier de le lui remettre dix ans plus tard.
Sans aucun parti politique, tout juste une association, de soutien dénommée Mouvement Citoyen, il va affronter une kyrielle de vieux briscards de la politique, et non des moindres. Au total 24 candidats sont en lice pour cette présidentielle inédite ou l’on retrouve, un ancien chef d’Eta (ATT), un ancien Premier ministre, Ibrahim Boubacar Kéita, mais aussi Soumaila Cissé candidat officiel de l’ADEMA.
Au premier tour de cette présidentielle, disputée le 28 avril 2002, ATT arriva en tête avec 28, 7% des voix. Il devance Soumaila Cissé 21,32% candidat de l’ADEMA, IBK 21% des suffrages tient la troisième position. Après avoir décrié la candidature d’ATT, arguant le retour des militaires au pouvoir, IBK appelle finalement ses électeurs à voter pour le général au second tour après avoir menacé de faire bouger le pays lors d’un meeting au Stade du 26 Mars où tous les membres de la coalition «Espoir 2002» étaient venus dénoncer les fraudes du premier tour. C’est à la suite d’un voyage éclair à Libreville où il a rencontré le président Bongo que IBK a changé d’avis, cessé de menacer d’empêcher le second tour et appelé à voter pour ATT.
Plus surprenant encore c’est le soutien de Choguel Maiga à ATT, le tombeur de Moussa Traoré dont il revendique l’héritage. C’est donc un président sans parti, sans majorité parlementaire qui a accédé au pouvoir dans un pays désespérément pauvre et dont un enfant sur deux ne sait ni lire ni écrire, où le gouvernement est devenu une association d’affairistes.
Fin politicien ATT durant son premier mandat n’a jamais affiché sa préférence pour un parti politique.
En 2007, 44 partis politiques appelés ADP (Alliance Pour la Démocratie et le Progrès) soutiennent ATT pour un second mandat. Qu’à cela ne tienne, le Président de la cour constitutionnelle, en fin de mandat, déclarait : «la plupart des candidats se sont installés dans la fraude».
Pourquoi des reformes institutionnelles ? Des mobiles réels sous tendent la révision de la Constitution, entre autres : la création d’une Cour des Comptes et la mise en place d’un sénat. Ainsi notre pays sera doté des deux institutions (le Sénat et l’Assemblée Nationale) qui composeront le Congrès, instance habilitée à sanctionner une révision constitutionnelle sans passer par un quelconque référendum.
En clair, avec ce nouveau dispositif construit d’une manière habile et vicieuse par les experts du CARI, les Maliens assisteront à la troisième phase ; en fait une majorité du Congrès qui lancera le troisième appel au président de la République pour être candidat à sa propre succession sans violer la constitution. Dès lors le passage à un referendum est sans objet.
D’après Adame Bah Konaré c’est ça l’os de la parole de tout ce tintamarre du groupe d’experts Daba Diawara CARI (Comité d’Appui aux Reformes Institutionnelles). Faut-il croire aux récents propos du général à la retraite Amadou Toumani Touré ?
A cet effet relisons un argument de taille des services de renseignements français sur ATT «l’homme est indécis et ne tient pas parole». Notre confrère Saouti Haïdara n’a t-il pas écrit dans un de ses éditoriaux : ATT a toujours fait le contraire de ce qu’il dit. Ces deux assertions suffisent à douter du bien fondé du président Amadou Toumani Touré presser d’aller cultiver son champ à Mopti.
S’il avait même dit qu’il était presser d’aller s’occuper de son pâturage c’était encore mieux mais un champ à Mopti c’est du n’importe quoi.
Amy SANOGO
REFORMES POLITIQUES
Mythes ou réalités ?
Les plus hautes autorités avancent allègrement dans les sillons, que L’Inter de Bamako pointait du doigt depuis de longs mois, à l’issue de la cérémonie de remise, ce 20 avril 2010, d’une copie du projet définitif produite par la commission dirigée par Daba DIAWARA.
Le chemin pour y aboutir a été long, très long et parfois incertain, puisqu’il faut rappeler que la lettre de mission du président de la République, qui instruisait cette œuvre, a été remise le 28 février 2008 à l’ancien ministre Daba DIAWARA, soit depuis 26 mois.
Cependant, le mérite est que, la révision de la Constitution du 25 février 1992 se concrétisera, très certainement, sous le régime du président Amadou Toumani Touré, alors que le régime du président Alpha Oumar Konaré n’a pas réussi à aboutir à la mise en œuvre du même projet, bien que son opportunité s’est toujours fait sentir.
Il ne serait pas être inutile de rappeler que la première initiative de révision a été lancée par le président Alpha Oumar Konaré et elle devrait être consacrée par référendum le 23 décembre 2001 ; c’est-à-dire 6 mois avant la fin de son second mandat prévue pour le 8 juin 2002.
Le Président Alpha Oumar KONARE, malgré sa grande expérience politique et sa dextérité stratégique, n’a pu poser les entames de son projet par manque d’adhésion. Cette adhésion ne venant ni de sa famille politique, ni de ses camarades de lutte encore moins de l’opposition politique, le président a été contraint de renoncer à ses ambitions, bien que le projet de Constitution était prêt et la date du référendum retenue.
Le Président Amadou Toumani Touré vient donc d’annoncer, solennellement, qu’il compte organiser un référendum au cours du dernier trimestre 2010 et que les réformes visent à corriger les lacunes et les insuffisances révélées après bientôt deux décennies de pratique institutionnelle. En plus de la Constitution, qui sera révisée, poursuit-il, de nombreux textes législatifs et règlementaires seront revus et corrigés. Voila que le serpent de mer se dévoile.
Quant à l’ancien ministre Daba Diawara, il soulignera que la mise en œuvre de ces réformes, qui s’étalera sur la période de 2010-2011, nécessitera une révision constitutionnelle, la modification de 30 textes législatifs et règlementaires et l’édiction de neuf (9) nouvelles lois.
Voici, un exercice auquel un intellectuel ne devrait pas se livrer, à savoir distraire le peuple auquel il appartient.
Tout ce, qui intéresse les plus hautes autorités et qui justifie d’ailleurs sa mission, n’est rien d’autre que la révision de la Constitution du 25 févier 1992, afin de doter notre pays d’un Parlement constitué de deux chambres : l’Assemblée nationale et le Sénat, convoqués en Congrès, instance habilitée à sanctionner une révision constitutionnelle sans passer par un référendum.
En fait, que nous réserve ce serpent de mer ?
L’attente est différente pour chacune des chapelles qui animent la vie politique de notre pays.
Les intellectuels, désintéressés comme dans leur habitude, voient non seulement des mobiles réels qui sous tendent ce projet de révision constitutionnelle, mais ils espèrent certainement qu’il parachèvera l’architecture institutionnelle mise en place en 1992.
Ensuite, il y a ceux qui espèrent tirer un profit personnel et immédiat de cette révision, entre autres : les laudateurs, qui tirent profit du régime actuel et qui souhaitent sa pérennisation et les membres du Haut Conseil des Collectivités appelés Conseillers nationaux, qui espèrent monter de grade en devenant sénateurs. Il y a surtout l’initiateur de la reforme que l’opinion nationale soupçonne de vouloir tirer un profit certain, mais non déclaré ni formalisé, c’est-à-dire un piège pour tenter de s’éterniser au pouvoir.
A notre rédaction, nous pensons que les intellectuels resteront sur leur fin, car la mise en place des Institutions, précédemment prévues dans la Constitution de 1992, n’est toujours pas achevée, en ce qui concerne notamment la Haute Cour de Justice.
Si, la commission «Daba DIAWARA» avait relevé, entre autres lacunes, le fait, que la Haute Cour de Justice, prévue par la Constitution du 26 février 1992, n’a toujours pas été mise en place, elle aurait été à hauteur de souhait, car une chose est de créer des Institutions et une autre est de les installer et de les voir fonctionner.
Pour ce qui concerne les membres du Haut Conseil des Collectivités, donc les Conseillers nationaux, ils devraient avoir la lucidité de savoir que la création du Sénat ne transforme pas ipso facto leur mandat actuel en mandat de Sénateurs.
La mise en place effective du sénat ne peut intervenir qu’avec les élections municipales de 2014, où le peuple souverain élira cette fois-ci des sénateurs.
Les plus Hautes Autorités ne pourraient décréter Sénateurs, les membres du Haut Conseil des Collectivités et ceux-ci ne peuvent pas non plus, s’autoproclamer Sénateurs. Dans tous les cas de figure, chacun desdits scénarios n’est et ne saurait être qu’un coup de force constitutionnel.
Dans le pire des cas, la solution pouvait venir d’une élection des sénateurs avec la dissolution anticipée du Haut Conseil des Collectivités. A ce niveau la Constitution du 25 février 1992 bouche les issues.
TITRE XII : Du haut conseil des collectivités
Article 100 : Le Haut Conseil des Collectivités a son siège à Bamako. Il peut être transféré en tout autre lieu en cas de besoin.
Le Haut Conseil des Collectivités ne peut être dissout.
On voit bien que le doute, qui empoisonne l’opinion nationale par rapport à un troisième mandat que le Président de la République veut, d’une manière subtile, obtenir par l’association des deux chambres du Parlement, reste non opérationnel dans la mesure où le Sénat ne peut être mis en place préalablement aux élections qui auront lieu à la fin du mandat des Conseillers nationaux en 2014.
L’intelligence humaine étant sans limite surtout lorsque les intérêts vitaux sont en cause, les thuriféraires du régime peuvent envisager un dernier scénario, qui consisterait à prolonger le mandat des députés et du Président de la République jusqu’en 2014 pour le faire coïncider avec la fin du mandat du Haut Conseil des Collectivités. Ceci en vue de permettre au Congrès ainsi constitué la relecture de tout article désiré. Cependant, sur quelle base juridique ce scénario peut-il être envisagé ? Wait and See.
C’est dans ce contexte, que la prise en compte de la notion de temps devient primordiale et c’est ce même temps qui a fortement manqué au Président Alpha Oumar KONARE, puisque ce dernier n’a pas pu mener à terme seulement les réflexions liées à la même réforme.
Et comme disait le poète : «le temps est la chose la plus longue et la plus courte, la plus négligée et la plus regrettée…»
En fait, toutes ces tentatives, de formulation et de reformulation des textes fondamentaux de la Nation, trahissent un désir et une volonté secrète mais indicible de nos dirigeants successifs, que L’INTER de Bamako résume en ces termes : «La conquête du pouvoir est certes difficile, sa gestion est sans nul doute plus sérieuse, mais savoir renoncer au pouvoir est souvent très compliqué ; et tout le mérite réside dans cette dernière réussite.»
Safounè KOUMBA
MISE AU POINT
A propos de l’avant-projet de réforme constitutionnelle du Dr Soumana Sako
Dans une interview radiodiffusée dans la matinée de ce 23 avril 2010, Monsieur Daba Diawara, Président du Comité d’Appui aux Réformes Constitutionnelles (CARI), qui fut mon camarade, du Lycée Askia Mohamed, ministre dans mon gouvernement sous la Transition et pour qui j’ai par ailleurs beaucoup d’estime, affirme, entre autres, avoir consulté tous les anciens Premiers Ministres du Mali, laissant ainsi sous-entendre que ceux-ci seraient tous d’accord avec l’avant-projet de réforme constitutionnelle élaboré par le CARI.
A ce sujet, je tiens à faire la mise au point ci-après:
1. Je n’ai été consulté ni par Monsieur Daba Diawara, ni par aucun membre du CARI;
2. Fruit de la Révolution du 26 mars 1991, la Constitution de la IIIème République a été débattue et approuvée par la Conférence Nationale de juillet-août 1991 avant d’être adoptée par un référendum populaire le 12 janvier 1992. A l’opposé, il apparaît clairement que, loin de découler d’une quelconque volonté populaire, d’une quelconque évaluation objective et participative de la pratique institutionnelle et politique vécue de juin 1992 à 2008, date de la mise en branle de la réforme envisagée ou d’un besoin réel ressenti et exprimé par la classe politique, l’actuel projet de réforme est issu d’un processus unilatéral et anti-démocratique dont les vrais mobiles sont devenus aujourd’hui subitement inavouables quoique clairs comme de l’eau de roche aux yeux de tous et de chacun.
3. Compte tenu des décennies de luttes multiformes et de sacrifices de tous genres consentis par les forces de progrès, toute réforme constitutionnelle devrait s’inscrire dans le sens d’un approfondissement et d’un élargissement de la démocratie et de la participation populaire à la gestion et au contrôle des affaires publiques en vue de rechercher des solutions concrètes et durables aux problèmes concrets des Maliens et du Mali d’aujourd’hui et de demain. Or, à l’inverse, l’avant-projet proposé par le CARI revient, à maints égards, à entériner les graves entorses à la Constitution intervenues au fil des ans, à bafouer les droits humains, à accentuer les dérives monarchistes et patrimoniales de la pratique institutionnelle, à saper la légitimité populaire comme seul fondement durable de tout régime républicain et à rendre encore plus onéreux et plus inefficace le fonctionnement de l’appareil d’Etat dans un pays classé 178ème sur 182 selon l’indice du développement humain du PNUD et où l’avancée du désert et de l’insécurité représentent le danger réel et grave que l’on sait;
4. L’actuel avant-projet de réforme ne répond pas aux causes réelles de la perte manifeste de confiance du Peuple malien dans les institutions de la République et dans la plupart les hommes et des femmes chargés de les animer, à savoir : la fraude électorale et l’achat des consciences, le détournement du suffrage universel vers des formes pernicieuses de suffrage censitaire encourageant l’obscurantisme et se nourrissant de la pauvreté et de l’analphabétisme de la grande majorité de nos concitoyens, la corruption, le népotisme et le clientélisme, le manque de transparence, l’impunité et l’irresponsabilité dans la gestion des affaires et des ressources publiques, l’avarie de la justice, le détournement des médias de l’Etat de leur rôle de service public ouvert à l’expression libre, équitable et plurielle de tous les courants d’opinion, la manipulation alimentaire d’une bonne partie de la presse privée par les services spéciaux et les puissances d’argent, l’instrumentalisation d’une frange importante de la société civile et d’un grand nombre de partis politiques comme groupements d’intérêt économique et officines de placement de cadres de moins en moins compétents et de moins en moins soucieux de l’intérêt général, l’affaiblissement de l’administration publique en raison de pratiques de recrutement, de nomination et de promotion non conformes aux critères d’égalité des citoyens devant le service public, de compétence professionnelle et d’intégrité, l’institutionnalisation d’une culture de la médiocrité et de la flagornerie qui n’a rien à envier aux pires moments de l’Etat-CMLN, la mise en danger de l’Ecole en tant que vecteur républicain de mobilité sociale, de formation moderne et d’éducation civique et morale, la paralysie de l’autorité de l’Etat ainsi que sa dérive vers une forme de Protectorat au service d’intérêts étrangers en lieu et place d’un instrument de souveraineté sur l’ensemble du territoire national et de promotion du progrès économique et culturel du Peuple et de la justice sociale.
5. Qui plus est, l’avant-projet de réforme constitutionnelle aggrave les risques de blocages des institutions et met dangereusement en cause leur durabilité ainsi que la sécurité même de la République.
6. En tant que l’un des acteurs de la Transition Démocratique et, partant, l’un des garants moraux des valeurs et des idéaux de Mars 1991, je me réserve le droit de revenir, le moment venu, plus en détail encore sur ces aspects graves des réformes élaborées par le CARI, voire, de proposer une alternative plus crédible au Peuple malien.
Fait à Hararé, le 23 avril 2010
Soumana Sako, Ancien Premier Ministre, Chef du Gouvernement de Transition de la République du Mali
Tel : (263) 11286082
DECLARATION DE L’ADJ SUR LE PROJET DE REVISION CONSTITUTIONNELLE
Nous, maliennes et maliens de l’intérieur et de l’extérieur, de divers horizons socio politiques,
– Soucieux de la démocratie, de la paix et de la stabilité ;
– Considérant que toute question portant sur la Constitution, particulièrement sa révision concerne toutes les maliennes et tous les maliens et requiert la participation ainsi que l’adhésion de la très grande majorité ;
– Considérant en effet que la Constitution de 1992 a été adoptée par l’ensemble du Peuple Malien par référendum et à la suite d’une Conférence nationale qui a vu la participation de toutes les couches socio-économiques, professionnelles et politiques ;
– Considérant qu’elle n’a pas dans son application été source de crises ou de conflits ouverts entre les différentes institutions de la République avec pour conséquence l’altération ou le blocage du fonctionnement régulier et normal de l’Etat nécessitant sa relecture ;
– Considérant en outre qu’une Constitution ne vaut que par le comportement des acteurs politiques ;
– Considérant que le Peuple du Mali est plutôt préoccupé par les injustices sociales, les difficultés de l’école, la dégradation quotidienne de ses conditions de vie, la mauvaise distribution de la justice, la mauvaise qualité et l’inaccessibilité de la santé, le chômage des jeunes ainsi que les fléaux que sont l’insécurité, la drogue et la corruption, toutes choses faisant du Mali un pays non prévisible ;
– Considérant à cet égard qu’une révision ou une relecture devrait être avant tout axée sur des propositions de réformes profondes devant aboutir à une plus grande mobilité sociale garantissant un accès équitable des citoyens à la Santé, à l’Education, à l’Emploi, à la Justice, à la sécurité, à la propriété foncière
– Constatant que ces impératifs majeurs n’apparaissent nullement dans le Rapport Daba qui constitue le document de base du projet de relecture ;
– Attendu par ailleurs que la révision faisait partie des chantiers que l’actuel Président de la République a présentés avant son élection en 2002 ;
– Attendu que entre 2002 et 2007 le temps et les moyens n’ont pas manqué pour réaliser les modifications appelées à être soumises aux maliennes et aux maliens ;
– Affirmons notre attachement à la Constitution ;
– Estimons que sa relecture ou sa révision n’est aujourd’hui pas opportune, nécessaire et ou vitale ;
– Estimons que cette révision devrait faire l’objet d’un vrai débat national (en lieu et place d’un conciliabule entre « experts ») en vue d’aboutir à de vraies réformes susceptibles de consolider la démocratie et non à des replâtrages destinés à créer ou renforcer des situations de rente tout en entretenant une illusion démocratique ;
– Disons que la Constitution doit demeurer intacte et intangible à l’heure actuelle, jusqu’à satisfaction des préalables ci-dessus cités ;
– Appelons par conséquent le Président de la République à surseoir à toute initiative ou démarche tendant à une modification de la Constitution ;
– Appelons les maliennes et les maliens à œuvrer en vue de la préservation de la Constitution de 1992 et à préparer l’avènement d’une Constitution qui aille réellement au-delà du formalisme démocratique.
Bamako le 14 avril 2010
Le Directoire de l’ADJ