LUTTE CONTRE LA DELINQUANCE FINANCIERE AU MALI, La volonté politique fait défaut

C’est demain mardi que s’ouvre au Centre international de conférences de Bamako la grande rencontre des intellectuels, des économistes, des hommes politiques et des financiers chevronnés sur la délinquance financière. Ce serait sous la haute présidence du président de la République, Amadou Toumani Touré.

 

L’objectif de ladite rencontre est de rechercher les mécanismes de la délinquance financière, les voies et moyens de la combattre et les hommes qui doivent accomplir cette mission que l’on pourrait qualifier de sacrée.

Qu’est- ce donc que la délinquance financière ? Qui sont les vrais auteurs de cette délinquance ? Le Mali ose- t- il se donner les moyens de combattre ce fléau qui ronge dangereusement notre tissu socio- économique national ? Qui sont les hommes capables de mener à bien ce combat ?

Autant de questions qu’il convient de se poser à la veille de ce forum dont l’issue est pratiquement incertaine.

Il faut dire que le mot délinquance provient du latin «linquiere» qui signifie laisser, delictum : délit. Au sens sociologique, la délinquance est l’ensemble des crimes et délits dont le taux, la nature, varient suivant les époques, les lieux, les classes.

Un délinquant, c’est donc une personne qui commet un délit, une faute punie par la loi. On peut donc dire que la délinquance financière est un ensemble de délits commis au plan financier par des délinquants, des déprédateurs du tissu financier et donc économique national. La délinquance financière est donc responsable de la déliquescence des richesses financières de l’Etat, de la perte des recettes de l’Etat.

Dans notre pays, la délinquance financière a lieu par le biais des dépenses publiques. Ces dépenses publiques sont entre autres, la création des hôpitaux, des dispensaires, des centres de santé communautaires, les infrastructures routières, scolaires et les matériels didactiques, le payement des encadreurs, l’organisation des examens et concours. Ces dépenses publiques sont classées en dépenses ordinaires, dépenses en capital, en prêts et avances, en dépenses exceptionnelles, électorales, en frais de contentieux (soumissionnaires ou organisateurs d’événements nationaux, frais de transport, carburant, etc.)

C’est par les dépenses publiques qu’intervient la surfacturation. Par exemple, lorsque l’Etat malien se propose de payer des crayons à un fournisseur par l’intermédiaire d’un fonctionnaire de l’Education nationale, il arrive que lesdits crayons soient payés par l’acquéreur au double des prix que l’on rencontre dans les boutiques.

Le vendeur a tout intérêt dans cette action parce qu’il gagnera beaucoup plus lorsqu’il vend les mêmes crayons à des revendeurs. Aussi, l’agent acquéreur de l’Etat trouve- t-il son compte.

Sur papier tout est «normal» pendant que les prix unitaires gonflent la tête. Par cette voie peu honorable, les agents véreux et délinquants de l’Etat se tapent des villas, des maisons à étages, des voitures, etc., sans laisser apparaître la moindre trace de malversations financières.

Les vrais auteurs de cette délinquance financière ne sont autres que ceux qui traitent avec les fournisseurs. Par le même canal, ces cadres malveillants de l’Etat reçoivent des dessous de table de la part de ceux là qui seront leurs complices de la surfacturation. Aussi et par ailleurs, lorsqu’une marchandise doit être dédouanée à 10 millions de nos francs, certains commerçants s’entendent avec un cadre de la douane pour ne payer que par exemple 6 millions. Sur ces 6 millions, l’agent de la douane établit un quitus de 4 millions avec une souche vérifiable.

L’agent empoche 2 millions de F CFA et verse dans les caisses de l’Etat la somme de 4 millions. Apparemment, tout va bien pendant que ces transactions ont constitué un manque à gagner pour l’Etat de 6 millions. Par des malversations de ce genre, les finances du Mali resteront à genou aussi longtemps qu’un véritable Kokadjè ne sera pas entrepris à l’avantage des contribuables maliens. C’est bien ce cri de cœur qui avait galvanisé les masses laborieuses du Mali dans leur combat contre l’apache régime du général Moussa Traoré.

La délinquance financière se fait donc dans notre pays à grande échelle sans que les autorités compétentes n’aient la moindre volonté de chercher à savoir comment et par quels moyens les maisons poussent au Mali comme des champignons. C’est donc dire que l’Etat malien est pauvre mais une poignée d’individus sont bougrement riches.

Aujourd’hui, le Mali compte bien de fonctionnaires milliardaires ? Ils sont nombreux. Cela ne souffre d’aucun doute quand on sait que les gens se connaissent bien au Mali.

Qu’est- ce qui ruine aussi les caisses de l’Etat au Mali ? Il y a en première ligne le train élevé de vie  de l’Etat, les primes de déplacement de cadres incapables de servir dignement notre pays.

Comment peut- on avancer au Mali quand les ministres roulent dans des voitures de luxe et cela au mépris du peuple laborieux de notre pays ?

La délinquance financière est donc tout simplement l’œuvre de ces hommes et de ces femmes qui nagent dans le miel pendant que l’écrasante majorité des Maliens végètent dans la misère crace.

Le grand problème du Mali, c’est avant tout l’impunité. Les délinquants financiers ne s’inquiètent pas un seul instant au Mali parce que convaincus qu’ils sont protégés. Même les séminaires au Mali sont des sources de pourboires.

Avec la déliquescence financière tous les efforts de développement seront vains. Pour redonner confiance aux services financiers du Mali, il faut absolument respecter le schéma de procédure des dépenses publiques. Il faut donc renforcer nécessairement les contrôles à priori et à fortiori, internes et externes. Cela exige de l’Etat la multiplication des services d’inspection, la dotation desdits services d’inspection en moyens humains et matériels pour faire face à leur mission.

Il est indéniable que l’obtention des résultats en la matière passe par la mise à la disposition de tous les intervenants, un instrument qui retrace les grands principes, les étapes, les responsabilités en matière de gestion des finances.

Le forum qui s’ouvre le 25-11-2008 sera vraisemblablement au forum de plus car la délinquance financière n’est nullement un phénomène nouveau chez nous. La réussite d’une telle mission exige de l’Etat un engagement ferme à défendre les intérêts supérieurs de notre peuple laborieux. Mais cette réussite n’est pas pour demain quand on sait que la volonté politique n’est nullement au rendez-vous.

Au lieu d’un autre forum, le Mali ferait mieux d’appliquer la loi en redonnant confiance au Contrôle général d’Etat par la nomination des hommes du changement.

Pour que le combat contre la délinquance financière ne soit pas une poudre aux yeux des Maliens, il faut des hommes crédibles, absolument dévoués à la cause de nos masses laborieuses.

Pour le moment, il faut dire que la volonté politique fait cruellement défaut au Mali.

Que Dieu nous sauve !

Fodé KEITA    

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