Construite entre les années 1975-1976 dans le cadre de la fructueuse coopération entre le Royaume d’Arabie-Saoudite et le Mali, la grande mosquée de Bamako où des milliers de fidèles musulmans convergent tous les vendredis pour y accomplir le rituel sacré du jour saint, est aujourd’hui prise dans une sorte de tenaille par une panoplie d’activités prohibées.
Ses alentours sont devenus les lieux de toutes sortes de travers sociaux : mendicité, prostitution, trafic de drogue, trafic d’enfants, exploitation économique des enfants et tant d’autres activités illicites. Situation, à laquelle assiste impuissant, le Comité de gestion de la mosquée. L’Aube a mené son enquête sur cette situation.
Bamako, à l’instar de certaines grandes métropoles d’Afrique, offre au randonneur nocturne des spectacles insolites qui tranchent avec les mœurs. Ce fut, en fin de semaine, mon cas. Au hasard d’une promenade nocturne, je me suis retrouvé face à un groupe d’individus, du côté de l’entrée principale de l’Assemblée nationale en m’acheminant vers la rue de la République à Bagadadji.
A ma droite, la façade nord de la mosquée, au pied de l’immeuble abritant les bureaux de la direction de la Grande mosquée. Là, sur les tables de marchands, sous des parasoleils grandement déployés et sous d’autres abris, des mineurs (filles et garçons) et des adultes (hommes et femmes) étaient entremêlés, vociférant ici et là, poussant parfois des gémissements mal dissimulés.
Mendicité qui tourne à la délinquance Que peuvent faire ici, toutes ces gens au comportement bizarre. Les propos et les injures qui fusaient sont d’une rare insolence.
Les petites filles qui tournaient en rond entre les petits groupes de garçons installés sur le petit périmètre, portent toutes des tenues très suggestives ne cachant ni leurs poitrines « naissantes » ni leurs parties fessières. Quant aux garçons dont l’âge varie entre 15 et 20 ans, à en juger par le caractère excentrique du style de leurs habillements ne semblent donner de garantie suffisante quant à leur moralité. Rien d’étonnant, en effet, puisque peu de temps avant la fin de l’observation des lieux, l’on saura plus tard que la grande majorité de ces jeunes sont des délinquants « fabriqués » par la rue.
Le randonneur, après avoir franchi le premier rang, découvre une allée qui sépare le bloc des artisans bijoutiers et la mosquée, côte ouest. Dans cette allée, appelée couloir de la mort par les initiés des lieux, sont tapis des petits dealers. Toutes les nuits, ceux ci écoulent, selon nos sources, d’importantes quantités de drogues (cannabis, cocaïne, chanvres indiens et des comprimés prohibés). Mais pour pouvoir s’approvisionner en drogue, le milieu vous exige un mot de passe.
Exemple : Tabatiyada (c’est le code utilisé pour demander la dose), Habi-lahabi (signifie qu’il y en a), Watabama (signifie qu’il n’y en a pas). La situation est d’autant plus grave, que tout ce drame humain est vécu en plein centre de Bamako, qui plus est, dans les alentours de la « Maison de Dieu » et au nez et à la barbe des agents de sécurité. Autre dérive sociale signalée, c’est la « location » par certaines mendiantes, des bébés ou enfants « jumeaux » pour fin de mendicité à travers la ville.
Du côté de la porte d’entrée de la mosquée, côté nord, le nombre pléthorique de tables de marchands donne le tournis avec des herboristes, réparateurs de radios & téléviseurs, coiffeurs-barbiers, marchands de vêtements, les marchands d’illusion (lanceurs de cauris, vendeurs de têtes et d’autres parties d’animaux séchés). Tout ce bazar est concentré dans une petite surface de moins de 300 mètres carrés.
Situation intolérable
Interrogés sur les circonstances de leur présence en ces lieux, certains occupants soutiennent qu’ils sont installés avec le consentement de la direction de la grande mosquée.
Mieux, ils affirment même qu’ils payent à cette dernière, une indemnité forfaitaire dont le montant n’est pas précisé. Approchée par nos soins, l’administration de la mosquée, par la voix de M.D, répond : « Le comité de gestion de la grande mosquée n’a pas autorisé toutes sortes de marchands à s’installer dans le domaine de la mosquée. Les personnes autorisées sont exclusivement celles dont les activités commerciales s’accommodent avec l’Islam. ». M.D poursuit : « Je vous assure que depuis plusieurs années, nous nous battons de toutes nos forces pour mettre fin à l’anarchie et à toutes les formes d’activités illicites qui se mènent autour de la mosquée. ».
Il s’agit notamment des personnes qui vendent des habits se prêtant mieux à la prière du musulman, les bonnets et autres accessoires nécessaires pour le musulman. En ce qui concerne les Haoussa installés aux alentours de la mosquée et dont l’activité consiste à raser barbes et cheveux, ils nous ont été recommandés par les familles Niaré et Touré, chefs coutumiers de la ville de Bamako.
A part ces catégories de marchands et les Haoussa, l’administration de la grande mosquée n’a autorisé personne à s’installer sur son domaine
Mais nos luttes n’ont pu jamais aboutir. Sachez que depuis les années 2004-2005, le Contrôleur général Niamé Kéïta, alors directeur régional de la police, nous avait aidés dans notre lutte contre le phénomène. Je dois reconnaître que l’action très dynamique de cet officier a contribué pour beaucoup à en réduire l’ampleur
En raison du fait que la grande mosquée soit située dans sa zone de compétence, le commissariat du 3ème Arrondissement a, depuis le 11 août dernier, commencé à prendre des mesures drastiques contre les délinquants qui s’adonnent, nuitamment, à des activités illicites dans l’espace de la mosquée. Ainsi, le Commissaire Coulibaly, nommé il y a peu de temps à la tête de ce commissariat est déterminé à déclarer une lutte farouche contre la cohorte d’individus qui écument les alentours de la mosquée.
Selon Ousmane Guindo, Adjudant chef de police en service au 3ème Arrondissement, il faut très rapidement mettre fin à la situation qui prévaut dans l’espace de la mosquée. Il s’agit, dit-il, d’une situation intolérable. Par exemple, lors de la dernière descente que nous avons menée sur les lieux, il y avait parmi les individus appréhendés, des mendiants, des filles mères et des délinquants mineurs, a conclu, Ousmane Guindo
ALPHA KABA DIAKITE