Lors de la cérémonie de présentation du projet de réformes politiques pour la consolidation de la démocratie au Mali, le président de la République s’est proposé de soumettre un projet de loi constitutionnelle à l’approbation du peuple par la voie d’un référendum qu’il compte organiser au cours du « dernier trimestre de cette année 2010 », c’est-à-dire dans la période octobre-novembre-décembre 2010.
Cette annonce témoigne clairement de la volonté politique du président de la République de lever désormais toute équivoque quant à la réalisation de son projet de réforme constitutionnelle promise au peuple malien. Ce vœu présidentiel va toutefois devoir faire avec un certain nombre de contraintes à intégrer sur lesquelles nous voudrions, à travers ces lignes, attirer l’attention.
La période indiquée pour la tenue du référendum constitutionnel coïncide exactement avec celle de la révision annuelle des listes électorales. C’est la loi n°06-044 du 04 septembre 2006 portant loi électorale qui l’indique à l’alinéa 1er de son article 39 ainsi formulé : « Les listes électorales font l’objet d’une révision annuelle du 1er octobre au 31 décembre de chaque année ». Comment va-t-on alors concilier l’exécution de ces opérations de révision annuelle des listes électorales avec les préparatifs et l’exécution du référendum ?
De notre point de vue, il paraît ardu de tenir simultanément les deux opérations, compte tenu du fait qu’elles mobilisent exactement les mêmes acteurs : les politiques, les administratifs et la société civile notamment.
En effet, le référendum et la révision annuelle des listes électorales impliquent le Ministère chargé de l’Administration territoriale, la Délégation Générale aux Elections, la société civile et il n’est pas évident que ces mêmes acteurs pourraient s’occuper en même temps de la révision des listes électorales et de la gestion du référendum.
Il va donc falloir trancher : soit décaler la tenue du référendum constitutionnel vers début 2011, soit sacrifié la révision des listes électorales au titre de cette année 2010. Face à une telle alternative, le choix ne devrait aller que vers la solution respectueuse des impératifs que sont la recherche de l’efficacité et le respect de la légalité. L’efficacité conseille de ne pas conduire en simultanée les deux opérations.
La légalité oblige de réaliser la révision annuelle des listes électorales afin de ne pas commettre ce que nous avons vécu sous le règne du président Alpha Oumar Konaré au cours duquel entre 1992 et 1997, en violation flagrante de la loi électorale, il n’a été procédé à aucune révision annuelle des listes électorales. Si le gouvernement devait surseoir à la révision annuelle des listes électorales, il devrait au préalable procéder, même à titre exceptionnel, à une modification de la loi électorale.
La légalité obligeant de réviser les listes électorales à la période fixée et l’efficacité conseillant de ne pas conduire les deux opérations à la fois, il serait souhaitable de repousser vers début 2011 au plus tôt, l’organisation du référendum constitutionnel. Pour autant, il subsisterait des interrogations en ce qui concerne les modalités de supervision et de suivi des opérations référendaires par la Commission Electorale Nationale Indépendante(CENI).
Quelle date pour la mise en œuvre de la CENI ?
Car les opérations référendaires ne pourraient régulièrement se tenir sans la CENI. Procéder autrement reviendrait à exposer les résultats du futur référendum à une censure générale du juge constitutionnel. Aux termes de la législation en vigueur, c’est la CENI qui assure la supervision et le suivi des opérations référendaires au même titre que pour la présidentielle, les élections générales législatives et communales.
Cela ressort de l’alinéa 2 de l’article 3 de la loi n°06-044 du 04 septembre 2006 portant loi électorale ainsi libellé : « La CENI est chargée de la supervision et du suivi de l’élection présidentielle, des élections générales législatives et communales et des opérations référendaires ». Il découle de cette disposition légale en vigueur, qu’on ne saurait organiser des opérations référendaires sans en faire assurer la supervision et le suivi par la CENI.
L’intervention de la CENI dans les opérations référendaire étant de principe, il reste toutefois à en convenir des modalités pratiques, en particulier le délai de mise en place de la structure. Plus prosaïquement, à partir de quand sera mise en place la CENI devant superviser et suivre les opérations référendaires ? Question simple, mais dont la réponse paraît susciter quelques incertitudes lorsqu’on interroge la loi n°06-044 du 04 septembre 2006 portant loi électorale.
A l’alinéa 1er de son article 10, la loi électorale dispose que « les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante sont nommés par décret pris en Conseil des ministres avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année des élections générales ». Le dernier alinéa du même article précise qu’« en cas d’élections générales anticipées, les membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante sont nommés par décret pris en Conseil des ministres aussitôt après la convocation du collège électoral ».
En fait, la loi électorale prévoit deux hypothèses de mise en place de la CENI. La première hypothèse relative aux élections générales implique que soit pris le décret de nomination de ses membres avant le début des opérations de révision annuelle des listes électorales précédant l’année de ces élections. Ainsi par exemple, si des élections générales devaient se tenir en 2011, il aurait fallu qu’intervienne dès cette année et ce avant le mois d’octobre prochain, le décret de nomination des membres de la CENI.
La seconde hypothèse concerne le cas des élections générales anticipées qui, par définition, ne sont pas prévisibles. Dans ce cas de figure, le décret de nomination des membres de la CENI devant superviser de telles élections doit intervenir aussitôt après le décret portant convocation du collège électoral pour lesdites élections. Comme on peut le constater, la notion « d’opérations référendaires » est passée sous silence par l’article 10 de la loi électorale, si bien qu’on en vient à se poser un triple questionnement sur cette attitude du législateur.
A-t-il voulu exclure le cas des opérations référendaires ? A-t-il entendu inclure le cas des opérations référendaires dans la catégorie des élections générales ? A-t-il omis de traiter du cas des opérations référendaires ?
D’ores et déjà, le questionnement sur l’exclusion du cas des opérations référendaires est sans objet, puisque cela reviendrait à dire que les opérations référendaires ne sont pas concernées par la supervision et le suivi de la CENI.
L’alinéa 2 de l’article 3 de la loi n°06-044 du 04 septembre 2006 portant loi électorale s’oppose à une telle interprétation : « La CENI est chargée de la supervision et du suivi de l’élection présidentielle, des élections générales législatives et communales et des opérations référendaires ».
Reste les deux derniers questionnements : l’inclusion et l’omission. L’hypothèse de l’inclusion qui veut que la notion d’élections générales englobe les opérations référendaires, quoique séduisante de prime abord, est peu crédible, car l’alinéa 2 de l’article 3 de la loi électorale fait bien la distinction entre « les élections générales législatives et communales et les opérations référendaires ».
Au surplus, à la différence des élections générales dont les échéances sont fixées et connues d’avance, exception faites de celles qui sont anticipées, les scrutins référendaires constituent par définition des opérations ponctuelles imprévisibles. C’est pourquoi de notre point de vue, les modalités de délai de nomination des membres de la CENI prévues à l’alinéa 1er de l’article 10 de la loi électorale ne sont pas applicables aux opérations référendaires.
Mais comme nous savons d’autre part que les opérations référendaires sont tout de même soumises à la supervision et au suivi de la CENI, on est bien obligé , dans le silence sinon les incertitudes de la loi électorale, de se prononcer sur la date de nomination de ses membres. Sauf à priver de son effet utile l’alinéa 2 de l’article 3 de la loi électorale qui prescrit la supervision et le suivi par la CENI des opérations référendaires, il doit y avoir nécessairement une date de mise en place de la CENI en vue de la supervision du futur référendum constitutionnel.
A cet égard, étant donné les similitudes entre les élections générales anticipées et les opérations référendaires du point de vue de leur imprévisibilité et de leurs échéances qui ne sont ni fixées ni connues d’avance, on peut raisonnablement considérer mutatis mutandis, que les modalités de nomination des membres de la CENI telles que prévues à l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi électorale sont applicables au cas des opérations référendaires.
De cette interprétation, il ressort que le décret de nomination des membres de la CENI appelée à superviser les prochaines opérations référendaires doit intervenir aussitôt après la convocation du collège électoral en vue dudit scrutin.
La dernière hypothèse qui est celle de l’omission du cas du référendum mène à la même conclusion. A savoir qu’il faut assurer un effet utile à l’article l’alinéa 2 de l’article 3 de la loi électorale qui prescrit la supervision et le suivi des opérations référendaires par la CENI, en considérant que les modalités de nomination des membres de la CENI telles que prévues à l’alinéa 2 de l’article 10 de la loi électorale sont applicables au cas des opérations référendaires.
En somme, les membres de la CENI appelée à assurer la supervision et le suivi des opérations référendaires doivent être nommés aussitôt après le décret de convocation du collège électoral en vue du scrutin référendaire, ce décret, selon l’article 85 de la loi électorale , étant pris en conseil des Ministres et publié au Journal officiel 60 jours au moins avant la date des élections.
Conséquence : la CENI disposera de plus ou moins de temps pour son opérationnalité en fonction de l’application que fera le gouvernement de cette disposition. En tout état de cause, le délai dont elle disposera sera nettement et de loin insignifiant par rapport à celui qui est relatif à la présidentielle et aux élections générales législatives et communales. Dr FOMBA
Professeur de Droit