A cause de la chaleur, dans certains quartiers de Bamako, la pénurie d’eau bat son plein et bouleverse les habitudes. Dans le quartier populaire de Sabalibougou, des femmes en quête de pitance poussent des charrettes remplies de bidons d’eau qu’elles vendent. Un métier traditionnellement dévolu aux hommes.
Pendant toute la journée, des centaines de personnes dévalent les pistes escarpées qui conduisent à une fontaine située au pied d’une mosquée de Sabalibougou, à Bamako. Dans la foule, on distingue la silhouette frêle de Farima Mara, une femme âgée de la quarantaine. En cette période de chaleur, elle gagne de quoi vivre en remplissant d’eau des bidons de 20 litres qu’elle transporte ensuite sur un poussepousse afin de les vendre.
La montée de la chaleur depuis plusieurs mois fait monter la demande d’eau dans ces quartiers. Mais vendre de l’eau dans des bidons de 20 à 30 litres est un travail pénible qui marche plutôt bien dans les quartiers pauvres de la capitale, généralement mal ravitaillés par la société nationale d’eau et d’énergie. « C’est un travail ingrat que je fais, mais avec la montée de la chaleur, il arrive que je gagne 1000 F CFA par jour. Dès fois c’est le contraire. Par exemple, je n’ai rien vendu de toute la journée d’hier », a-t-elle déploré.
Malgré cette l’importance de la demande, les femmes qui font la corvée d’eau connaissent des hauts et des bas. En effet, plusieurs personnes s’investissent dans le créneau. « Il y a beaucoup d’autres femmes qui font ce travail. Moi-même, j’ai deux poussepousses pour faire face à la demande », a poursuivi la vendeuse d’eau.
Par ailleurs, ces femmes rencontrent de nombreuses difficultés. Il y a d’abord la concurrence des hommes qui font traditionnellement ce travail.
Mais le plus grand problème est la pénurie d’eau qui frappe actuellement les quartiers périphériques de Bamako, une situation saisonnière dont les habitants des quartiers périphériques de la ville semblent désormais s’accommoder. « Chaque année, nous sommes confrontés au problème d’eau en période de forte chaleur. C’est vraiment embêtant », a commenté Mamadou Dembélé, un mécanicien habitant Sabalibougou.
Ce manque d’eau est un coup dur non seulement pour les habitants de ces quartiers, mais aussi pour toute la chaîne du commerce de détail de l’eau. « Il y a des fontaines partout dans le quartier. Le problème, c’est que dans la journée elles ne reçoivent pas d’eau », a déclaré Koura Soukou, la gérante de la fontaine à laquelle se ravitaille Farima.
Contrairement aux autres, cette fontaine reçoit plus d’eau, étant donné qu’elle est proche de la fontaine centrale qui dessert les autres. Malgré ce léger avantage, la gérante se plaint elle aussi. « Cette fontaine a deux têtes de robinet. Pourtant les clients font la queue puisque le débit est faible. Alors, nous sommes obligés d’utiliser une seule tête », a -t-elle affirmé.
Les fontaines appartiennent à des particuliers qui fixent le prix de l’eau à la pompe. Ainsi, Koura a reçu l’ordre de remplir les bidons de 20 litres à 10 F CFA alors que d’autres le font à 15 FCFA. Cette remise est due à la proximité de la centrale. Cependant, il arrive que la centrale elle-même soit totalement privée d’eau dans la journée.
La chaleur qui s’abat actuellement sur la ville met les nerfs des populations à rude épreuve. Et la rupture constante de l’approvisionnement des fontaines en eau est quelquefois source de mécontentements que la gérante de la fontaine tente de maîtriser. « La première personne à se présenter devant la fontaine peut venir avec une trentaine de bidons. Pour que les gens ne perdent pas patience, nous essayons de les ménager en remplissant seulement dix des 30 bidons de sorte que les autres clients ne puissent pas attendre trop », a raconté Koura.
En tout cas, la corvée d’eau des femmes de Sabalibougou fait des mécontents jusque dans les foyers. Selon Sékouba Coulibaly, un habitant du quartier, les femmes sont parfois obligées de faire la queue devant les fontaines jusqu’aux environs de 1 heure du matin. Ce qui ne plait pas aux hommes.
Soumaïla T. Diarra