Pour le parti du 22 août, la fête du cinquantenaire est le festival de la HONTE, la honte à la puissance CINQ, le CinqHONTEnaire.
Pour le parti du 22 août, l’événement important qui aura marqué les 50 dernières années de notre histoire est la réconciliation des deux premiers partis politiques du Mali : US-RDA et PSP. 50 années de construction nationale ou de destruction nationale ? Pour ATT et ses amis, c’est la bombance, la fête du Cinquantenaire. Pour Sadi et la gauche du Mouvement démocratique, c’est la descente en enfer, la destruction de l’économie nationale et de la société, mue en parti en politique, le PDES (l’air des temps !).
Pour le parti du 22 août, c’est le festival de la HONTE, la honte à la puissance CINQ, le CinqHONTEnaire (expression empruntée à Daouda Dougoumalé Cissé de l’Ensup) pour dénoncer les vecteurs de la honte : le gouvernement, l’Assemblée nationale, les administrations, les syndicats et l’école, … de la Honte, cinq dinosaures contre le peuple meurtri du Mali. C’est dans cette atmosphère de confusion idéologique et de corruption généralisée que les frères ennemis ont accepté « une réconciliation instiguée par Amadou Toumani Touré » (Aube n°236 du jeudi 1er avril 2010). Quelle est donc la signification politique de cet acte qualifié de portée historique ?
– Pour ATT, en le réussissant il a réussi un coup de maître, dorer son mandat et préparer sa stratégie en vue des élections de 2012 et du contrôle politique de l’appareil d’Etat après 2012.
– Le PSP et le RDA n’ont aucun intérêt à attirer les foudres de ATT, au contraire, ils ont tout intérêt à être du côté de ATT qui a déjà tout prévu en confiant le ministère des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine à l’un et l’organisation du cinquantenaire à l’autre. Qui dit que ATT n’est pas un Génie politique ?
– Le parti du 22 août s’interroge : en signant la réconciliation le 30 mars 2010, les responsables actuels du RDA et du PSP veulent signifier la fermeture du débat idéologique, du choix de l’option politique, de la clarification des rapports entre le parti et les forces rétrogrades de notre société, entre le parti et l’impérialisme français et ses laquais de l’intérieur ? Si pour UM-RDA cette signature signifie la fin des idéologies, alors quelle réponse donnera-t-elle à cette question fondamentale du secrétaire politique de l’US-RDA, Bocar Moussa Diarra : « comment expliquer à nos enfants que nous avons été unis dans l’esclavage et divisé dans la liberté ? » (Aube, n°236 du jeudi 1er avril 2010). Comment expliquer aux générations futures cette affirmation du président du PSP, Oumar Hammadoun Dicko : « rendons hommages à nos héros d’hier, pères fondateurs du parti. Car, l’histoire nous a donné raison ». De quelle histoire et de quelle raison s’agit-il ? En prônant la fin des idéologies, l’US-RDA et le PSP optent pour le slogan « Kana n’a nta fò, n fana t’i ta fò » (traduction : « ne me critique, je ne te critiquerai pas »).
Pour le parti du 22 août, le professeur Makan Moussa Sissoko, dans son article du 15 avril 2010, a évacué la question du pourquoi de la division RDA-PSP et des intérêts en jeu, bref monsieur Sissoko a soigneusement évité l’analyse de classes des forces en présence et de leur rapport avec l’impérialisme français. Aussi la confusion devient totale lorsqu’il affirme sur la même page, « la vérité est que le Mali a été dirigé de 1957 à 1991 par l’Union soudanaise RDA, tout le reste n’est que mensonge… Le coup d’Etat de 1968 a été réalisé par une partie de l’US-RDA contre une autre partie » (Indépendant N°2446 du jeudi 25 avril 2010). Si Moussa Traoré pouvait parler. Si les artisans du Mouvement démocratique pouvaient parler. Si le dossier de la lutte clandestine pouvait être lu, alors monsieur Sissoko serait réduit au silence.
Le parti du 22 août se sent interpellé lorsque monsieur déclare : « la révolution du 22 août 1967 a mis au grand jour les contradictions internes de l’Union soudanaise. Elle a abouti à l’élimination de tous les cadres disposant d’une base électorale… Les vaincus de 1967 se sont organisés pour prendre le pouvoir en 1968 avec l’aide d’une partie de l’armée nationale… Les vaincus de 1968 ont participé à la victoire de 1991 ». (Indépendant n°2446, du jeudi, 25 avril 2010). Aussi le parti du 22 août se doit de réagir en faisant une analyse de la situation politique du Mali et des raisons de la révolution active.
22 août du pourquoi au comment de la révolution active
Pour comprendre les raisons et les enjeux de la révolution du 22 août, il faut une analyse objective de la situation géopolitique internationale et une lecture cohérente et globale des événements politiques du Mali des années 60 ; à savoir :
– le choix politique opéré par le Mali le 22 septembre 1960 : la voie socialiste de développement :
– le Mali pays continental entouré d’Etats ayant choisi la voie capitaliste du développement (sauf la Guinée) ; des Etats hostiles au Mali et réputés dans le refoulement des Maliens existant sur leur territoire ;
– la guerre froide entre deux blocs : le camp capitaliste sous la direction des Etats-Unis et le bloc des pays socialistes dirigé par l’Union soviétique ;
– le révisionnisme ou la « fissure » politique et idéologique au sein des partis communistes ;
– l’épineuse question de l’indentification et de l’élimination des opportunistes au sein de la direction du parti par le déclanchement de la révolution culturelle et prolétarienne (version chinoise) ;
-les différents coups d’Etat organisés et financés par l’impérialisme français et américain contre les Etats ayant opté pour la voie socialiste de développement (cas du Ghana et de l’Algérie).
Il n’est pas inutile de rappeler que c’est à l’annonce du coup d’Etat du Ghana contre le régime progressiste du président Kwamé Nkrumah que l’Assemblée nationale du Mali a mis en place, le 1er mars 1966, un comité de défense des acquis du peuple, dénommé Comité national de défense de la révolution (CNDR), placé sous la direction du président Modibo Kéita.
Face à l’intensification des menées subversives de l’impérialisme et de ses laquais recrutés au sein de la direction même du parti et parmi les hauts cadres de l’Etat que le bureau politique de l’US-RDA fut dissous le 22 août 1967. Le CNDR prendra alors la direction de la révolution active dont le fer de lance fut la jeunesse de l’US-RDA.
Le 22 août marque donc le déclenchement de la révolution active par la jeunesse du parti. Les opérations Taxis (en septembre-octobre 1967) et Villas (en novembre 1967) annoncèrent la couleur de la révolution. L’objectif visé est de liquider la direction du parti et de l’administration d’Etat, les cadres corrompus, les valets de l’impérialisme, les vendus, les « salopards de la neuvième catégorie » avec comme devise « la contre-révolution ne passera pas ! ». Aussi le 22 août peut être considéré comme la version malienne de la Révolution culturelle et prolétarienne.
Le 22 août, c’est aussi une tentative de mise en pratique du slogan de la Révolution active :
« A la phase aigue de la lutte révolutionnaire, il faut éviter les déclarations sans effets, l’action sans continuité, les prises de position spectaculaires, sinon, ceux faisant l’objet de vos attaques, une fois leur panique estompée se recherchent, s’unissent et agissent promptement sans hésiter contre vous ».
Et lorsque, à Koulikoro, la jeunesse de l’US-RDA applaudissait et saluait le discours du président Modibo Kéita par des cris :
« La contre-révolution ne passera pas ».
L’impérialisme et ses laquais avaient fini leur sale besogne, le coup d’Etat était consommé. La révolution du 22 août fut vaincue mais non détruite dans son essence.
23 ans plus tard, la jeunesse de la Révolution de 1967 porta haut le drapeau du soulèvement populaire qui mit fin à la dictature du général-président Moussa Traoré.
20 ans de multipartisme intégral ont montré ses limites dans l’accomplissement des objectifs des associations politiques et du soulèvement populaire de mars 1991. La Révolution de mars 1991 a été récupérée par la frange réactionnaire du mouvement démocratique et l’armée qui considère « le privé comme étant le moteur du développement ». La révolution du 22 août, en s’inscrivant en faux contre un tel choix politique, se doit alors d’organiser la jeunesse autour des idéaux de la Révolution culturelle et prolétarienne.
Mamadou Lamine Kanouté
(Militant du 22 août)