Au Mali, la corruption tire plus sa source des interconnexions sociales que d’une volontaire course à l’appât du gain.
Selon le président du Comité préparatoire des Etats généraux sur la et corruption et la délinquance financière, Modibo Kéïta, les Etats généraux sur la corruption et la délinquance financière auront lieu en octobre prochain. Le nombre de participants attendus lors de ces concertations régionales est de 200 personnes.
La participation est ouverte à toutes les composantes de la société malienne. La configuration des représentations s’effectue suivant un quota alloué à chaque composante : 38 % pour la société civile, 30 % pour les représentants de l’Administration, 25 % pour les opérateurs économiques, 5 % pour les partenaires sociaux et 2 % pour les partenaires techniques et financiers.
Il est bien que l’on se penche sur la corruption qui gangrène dangereusement notre société. Mais, l’on fera un faux diagnostic en omettant « nos valeurs sociales », qui constituent aujourd’hui de véritables freins à l’application d’une orthodoxie à quoi que ce soit.
Quelqu’un est-il convoqué devant le juge ? Il faut savoir qui est son beau-père, quel griot a fait les démarches pour son mariage, derrière quel imam il prie, pour aller régler le problème à ce niveau. Au mépris du droit et des textes, on ne voit que sa personne, l’obligeant à violer son serment. « Tu ne feras pas seul le Mali ». D’ailleurs, celui qui refusera ces multiples intermédiaires, ces raccourcis nuisibles se verra vite jeté de l’opprobre, traité d’asociale…
« Ce qui rend la corruption, ou même la simple médiocrité des élites, si funeste, c’est la solidarité qui lie entre eux tous leurs membres, corrompus ou non corrompus, dans la défense du prestige commun », disait Georges Bernanos.
Rien ne se règle par la loi et la règle
Ces aspects sont valables à tous les niveaux. Au Mali, rien ne se règle par la loi et les règles : ni les conflits, ni les promotions, ni les sanctions, ni les jugements… Et ces leviers « sociaux » sont tellement maîtrisés par de petits malins qu’ils n’ont jamais peur d’enfreindre la loi, sachant qu’ils trouveront toujours quelqu’un pour aller, nuitamment, plaider leur cause.
De plus, des vieux et des personnes que la société a établis et reconnus comme habilités et habiles pour les négociations en ont fait une profession, une affaire des plus rentables. Souvent, sans être commis, on les voit intervenir, entre deux « camarades politiques qui ne partagent plus la même vision » ; pour faire libérer un délinquant notoire ; pour empêcher l’exécution d’une grosse de justice, pour qu’un PDG d’un service public consente un prêt à son frère, pour faire recruter ou avancer un cancre… L’on se serait conformé si, en compensation, « ces leviers sociaux » marchaient réellement pour régler de vrais problèmes.
Il n’a jamais été utilisé pour un sursaut national pourtant salutaire aujourd’hui. Jamais ils n’ont réussi à faire arrêter la rébellion, à calmer les syndicats, à instaurer un dialogue social entre l’Etat et des acteurs de la société civile, à amener une vraie paix sociale. Ils sont devenus des instruments galvaudés, factices, juste bons pour servir des intérêts au détriment du plus grand nombre. Aujourd’hui le Mali manque de tout : école, main-d’œuvre, santé, infrastructure… quelles réponses a-t-on trouvé ? « Ça ira ».
C’est donc un défi qui est là pour la commission : faire en sorte qu’au-delà de la palabre stérile, au-delà du déjà entendu, l’on parle sérieusement de ce que nous faisons nous-mêmes pour entretenir et perpétuer cette corruption. Sinon, si c’est juste de texte et de structure qu’il s’agit, nous sommes bien pourvu. Malgré tout, le mal persiste et prolifère. ce sera encore… la corruption morale cette fois-ci.
Pour finir méditez cette pensée de Shakespeare : « Si les empires, les grades, les places ne s’obtenaient pas par la corruption, si les honneurs purs n’étaient achetés qu’au prix du mérite, que de gens qui sont nus seraient couverts, que de gens qui commandent seraient commandés ».