Contrairement à ce qu’on veut faire croire à l’opinion, l’écart financier qui existe entre les vérifications financières du Vérificateur général (Végal) de 2006 et celles de 2007 ne constitue nullement une performance, car les 20 milliards de F CFA sont aussi ahurissants que les 103.
Le 3e rapport annuel 2007 du Végal a été présenté et remis au président de la République, le 31 juillet 2008. Ensuite, ce fut le tour du Premier ministre le 1er août et trois jours après celui du président de l’Assemblée nationale. Pour sacrifier à une tradition, Sidi Sosso Diarra, a animé une conférence de presse le 5 août au cours de laquelle il a expliqué la philosophie qui sous-tend le rapport annuel 2007 à savoir : les performances de vérification des structures comme le Commissariat à la sécurité alimentaire, les hôpitaux publics et le Haut conseil national de lutte contre le Sida.
En faisant une juxtaposition des chiffres, l’on s’aperçoit que de 2004 à 2005, les 10 missions de contrôle portant sur le recouvrement et le versement des taxes et des droits de douanes effectuées par le Végal ont mis à nu un manque à gagner de 15 milliards de F CFA pour le trésor public malien. Les vérifications financières de 2006 touchant 26 structures ont fait état d’une perte de 103 milliards de F CFA.
Par contre, de 2006 à 2007, les 24 missions dont 17 de vérifications financières et 7 de vérifications intégrées, ont fait état d’un manque à gagner pour l’Etat de plus de 20 milliards de F CFA sur lesquels 9,5 milliards F CFA sont proposés au recouvrement puisque résultant de la fraude et de la mauvaise gestion.
Pris comme tel, il ne fait l’objet d’aucun doute qu’il existe un grand écart entre les chiffres des deux premiers rapport du Végal et ceux du dernier. Mais de là à dire qu’il y a eu une baisse considérable de la dilapidation des ressources publiques et la mettre à l’actif des performances, des avancées des vérifications financières, il y a des réserves qu’on ne peut pas s’empêcher d’émettre.
L’amalgame des chiffres
L’amalgame des chiffres ne doit pas nous faire perdre de vue que le manque de respect pour les deniers publics n’a pas reculé pour ne pas dire qu’il a de beaux jours devant lui au Mali.
Contrairement à ce qu’on veut faire comprendre au peuple, l’écart qui existe entre les vérifications financières de 2006 et celles de l’année dernière ne constituent point un progrès d’autant que les 20 milliards détournés sont aussi graves que les 103 milliards de F CFA. Ne dit-on pas « qui a volé un œuf volera un bœuf ? ».
De la manière dont les fossoyeurs de l’Etat ont pu s’accaparer de ce montant qu’on tente de minimiser alors qu’il est scandaleux, ils feront pire le jour où ils auront l’occasion de détourner plus. Peu importe la somme, un détournement est un détournement. Il n’y a donc pas lieu pour les dirigeants de tomber dans l’auto-satisfaction. Ils doivent se ressaisir pour voir la réalité en face.
Le caractère outrageux de la perte des 20 milliards de F CFA pour l’Etat découle plus du fait que le contrôle financier n’a porté que sur des structures légères de l’Etat comme les hôpitaux qui sont loin d’avoir la même dotation budgétaire que les DAF, les départements ministériels, la douane etc. Et c’est d’ailleurs au niveau de ces administrations que de graves irrégularités et dysfonctionnements avaient été signalés dans le passé.
Mais qui pouvait imaginer que dans des « petites structures » qui sont censées ne pas disposer de ressources financières suffisantes, qu’il pouvait y avoir de détournements des milliards de F CFA ? Et à quel résultat devons-nous, nous attendre si les « vaches laitières » de l’Etat comme la douane, les DAF avaient été encore passées à la manivelle ? Assurément, la saignée financière serait davantage exorbitante.
C’est dire que la dilapidation de l’économique nationale est systémique et endémique dans notre pays puisqu’il est difficile de parler de résultas probants en matière de lutte contre la corruption. Le phénomène s’est érigé en règle et il se porte comme un charme dans la mesure où il gangrène toutes les structures de l’Etat qu’elles soient grandes ou petites, publiques ou privées.
Si c’est le chiffre « maquillé » des 20 milliards qui a valu à l’institution du Végal, la visite du président de la République pour constater de visu leurs conditions de travail, il y a lieu de ne pas se leurrer, la lutte contre la corruption n’est pas gagnée, surtout quand on sait qu’aucune suite n’a été réservée aux précédents rapports.$
Autant dire que les mis en cause dans l’actuel rapport peuvent aussi se tenir tranquilles si l’on fait part du principe que celui-ci aussi sera rangé dans les placards. Dans le Mali d’aujourd’hui, même l’ensemble des gendarmes mobilisés ne suffiront pas pour traquer les déprédateurs du fonds public tant le phénomène est à la mode et à tous les niveaux.
Aussi, pour lutter contre la corruption dans tous les pays du monde l’on n’a pas besoin de mobiliser toute la justice, il appartient à l’Etat seulement de donner la chance à ceux qui croient en leur pays pour faire avancer les choses.
Au Mali, il faut aller vers un changement de comportement qui se traduira par la sanction de la faute et la récompense du mérite. Au-delà des clivages politiques et pour le respect de la chose publique, les postes les plus stratégiques doivent être ouvertes à la compétition. Tout porte à croire que ceux qui seront retenus à l’issue de la sélection seront toujours liés par la conscience professionnelle et le respect des deniers publics.
Mohamed Daou