« Le viol de l’espace des organisations de la société civile par les partis est une entorse à notre loi fondamentale », dixit Bouréima Allaye Touré
En prélude au renouvellement des instances de l’Association des Municipalités du Mali (AMM), quatorze partis politiques plus le Mouvement Citoyen ont signé une plate-forme pour une gestion concertée de l’association après avoir rélu ses textes. Dans une déclaration dite de Mopti, des maires ont dénoncé cette ingérence politique. C’est ce que vient aussi de faire le Conseil National de la Société Civile du Mali (CNSC) en interpellant le ministre Kafougouna Koné.
Dans une correspondance datée du 8 février 2010, adressée au ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, M. Bouréima Allaye Touré, président du CNSC dénonce l’ingérence des partis politiques dans le renouvellement des instances de l’AMM, membres dudit Conseil. Le président du CNSC a joint à sa correspondance, la copie de la plate-forme signée par les partis politiques le 21 janvier 2010 au siège de l’ADEMA et celle de la déclaration des maires à Mopti en date du 23 janvier 2010.
QUE DIT LA CORRESPONDANCE ?
« Nous avons été saisi par l’Association des Municipalités du Mali qui, nous a informé de l’ingérence des partis politiques dans le renouvellement des instances nationales de cette association à caractère non lucratif, laïque et apolitique régie par la loi n°04/038 du 05 août 2004 qui exclut de son champ d’application les partis politiques et toutes organisations ne relevant pas de la socité civile« , explique le président du CNSC.
En effet, Boureima Allaye Touré rappelle au ministre que les partis politiques ont signé une déclaration où ils décident de mettre en place un cadre permanent de concertation pour la bonne application de la déclaration; d’oeuvrer à une gestion démocratique et consensuelle de l’AMM, notamment par la mise en place d’un bureau exécutif national de large consensus au niveau des cercles et des régions et d’élaborer un programme commun d’activités et de mener une campagne électorale commune.
« Cette déclaration, à notre avis risque de constituer une violation grave des principes élémentaires de la liberté d’association et de regroupement, les membres de l’AMM étant les municipalités et non les partis politiques« , martèle-t-il.Face à cette mobilisation de certains partis politiques, faut-il le rappeler, un noyau de maires de chaque région, s’est réuni à Mopti le samedi 23 janvier 2010, pour faire une déclaration commune.
« Notre constitution, nos lois, ont réservé aux partis politiques, à chaque institution, un espace d’expression propre à sa vocation, à des missions. Le viol de l’espace des organisations de la société civile par les partis politiques est une entorse à notre loi fondamentale et à la loi sur les associations.
Aussi, Monsieur le ministre, bien que nous vous savons bien informé sur ce problème, nous avons tenu à porter à votre connaissance ces faits, qui menacent l’unité, voire la survie même de l’AMM, et solliciter par la même occasion toute action de votre part pouvant contribuer à mettre fin à cette tentative de récupération d’une organisation de la société civile par le politique.
Nous souhaitons, Monsieur le ministre, avoir une audience auprès de vous à la date de votre convenance pour vous entretenir de ce problème qui est prioritaire pour nous, car nous ignorons demain dans quelle association une ingérence aura lieu« , conclut-t-il.
LE MAUVAIS QUART D’HEURE DE SOUMEYLOU
Cette réaction du Conseil National de la Société Civile a l’air d’un désaveux pour Soumeylou Boubèye Maïga. En effet, celui qui dirige la commission de mobilisation autour de la candidature de Boubacar Bah, soutenue par la plate-forme politique avait décidé de nuire à l’actuel président de l’AMM. Car Abdel Kader Sidibé dit à qui veut l’entendre que l’AMM n’est pas une affaire des partis politiques, mais des municipalités.
Pour le ridiculiser, Boubèye avait pris la lettre envoyée au CE-ADEMA par celui-ci et s’était rendu au CNSC . Or cette lettre était envoyée à Dioncounda Traoré simplement pour information et non pour poser une candidature. Dans l’entendement de Abdel Kader Sidibé, les candidatures à la présidence de l’AMM sont déposées à l’association.
Alors en allant exhiber cette letre au CNSC, Boubèye voulut faire comprendre à ses membres que l’actuel président de l’AMM déclare que l’association est apolitique,alors qu’il a posé sa candidature au niveau de son parti pour solliciter un soutien. Soumeylou n’aura pas regretté son geste.
En effet, selon nos informations, Boureima Allaye Touré et camarades lui ont expliqué que l’AMM est membre du Conseil National de la Société Civile. Autant l’ADEMA tient au respect de ses statuts et règlement intérieur, autant le CNSC tient au respect des siens.
En plus, ils ont fait comprendre à leur visiteur qu’ils ont parcouru les textes de l’ADEMA et nulle part il n’est fait allusion à l’AMM. Pourquoi cette agitation de la part du parti de Boubèye à propos d’une association membre de la société civile ?
L’AMM EN DANGER
Le CNSC n’est pas le seul à s’inquiéter d’un possible basculement de l’AMM dans les bras des partis politiques. Les partenaires techniques et financiers aussi suivent ce dossier avec intérêt. Si jamais l’association tombait dans les mains des partis, les bailleurs de fonds risqueront de suspendre tout financement envers cette association.
Par ailleurs, pour abattre Abdel Kader Sidibé, l’ADEMA avance l’argument selon lequel le mandat est largement terminé, mais ce dernier refuse de convoquer le congrès. Ce qui est étonnant de la part de ce parti qui n’a jamais respecté ses textes. Si on accuse Abdel Kader Sidibé d’avoir mis trois mois pour convoquer le congrès de l’AMM (le mandat de l’actuel bureau est arrivé à expiration décembre dernier) que dire donc du CE qui n’a tenu le 1er congrès ordinaire des mouvements des jeunes et des femmes en 2010, soit 19 ans après la création de l’ADEMA ? Quelles sont les instances et assises qui se sont toujours tenues dans les délais à l’ADEMA ?
En tout état de cause, la tournure prise par les événements lors de la récente journée des communes ont permis aux maires de connaître la vérité dans le dossier AMM. Ils ont compris que si Bill est élu président de leur association, il n’aura de compte à rendre qu’aux partis (particulièrement à l’ADEMA et non à eux maires représentants physiques des municipalités.
Les autres partis signataires de la plate-forme accepteraient-ils de faire pression sur les maires, en violation des textes de la République ?
Oumar SIDIBE