Amadou Toumani Touré, le Chef de l’Etat du Mali termine son second et dernier mandat en 2012. Ne pouvant plus se représenter (la Constitution actuelle, même révisée, limite à deux, le mandat du président de la République), il va passer la main. Aussi a-t-il lui-même dit qu’il est pressé de partir. Sa succession étant ainsi ouverte, la question suivante se pose : quel président pour le Mali en 2012 ?
LES ENJEUX D’UNE SUCCESSION
Contrairement aux élections présidentielles de 2002 et de 2007 où le jeu politique a plaidé naturellement en faveur du président ATT qui se trouve maintenant aux dernières années de son pouvoir, celle de 2012 va fausser tous les pronostics tant l’enjeu est de taille.
En effet, il sera question d’élire le premier président du Mali de l’après célébration du cinquantenaire. Car celui qui sera élu aura l’insigne honneur d’entamer le second virage qui conduira notre République vers son centenaire.
Par ailleurs, il s’agira également de choisir celui qui sera appelé à diriger le Mali après les dix années de pouvoir d’un « indépendant« . On le sait, ATT est parvenu à se faire élire à la tête du Mali sans appartenance politique, même s’il a bénéficié du soutien électoral de certaines formations politiques tant en 2002 qu’en 2007. Son cas qui suscite commentaire et appréciation de la part des analystes est cité en exemple en Afrique et ailleurs.
Maintenant qu’il a gagné le pari de se présenter à la présidentielle sans parti, il va se retirer. Au fur et à mesure que l’on s’approche de 2012, année de son départ, des questions reviennent de plus en plus dans les débats. Le successeur de ATT sera-t-il un indépendant comme lui, c’est-à-dire quelqu’un sans odeur politique ? Si oui, sera-t-il un homme en tenue issu des forces Armées et de sécurité, ou un homme issu de la société civile ? Dans le cas contraire, assistera-t-on au retour des politiques après une décennie d’interruption, ne serait-ce que pour le respect du fait partisan dans un pays qui a opté pour le multipartisme intégral ?
S’il est urgent d’attendre pour avoir la réponse à ces interrogations, il faut tout de même ajouter que le futur président de la République bénéficiera d’un contexte juridico-institutionnel nouveau. En effet, le président ATT a entamé une reforme politique qui consistera à réviser la constitution en vigueur et les autres textes fondamentaux de la République. Un référendum constitutionnel est même annoncé pour fin 2010.
Au cas où le référendum aboutirait, il enterrerait définitivement la 3ème République. Et le successeur de ATT ouvrira ainsi le bal d’une autre ère, avec une Constitution révisée qui prévoit la création de nouvelles institutions. Ce qui va forcément changer l’ordonnancement institutionnel au Mali. Peut-on alors dire que la 4ème République est en gestation ?
Quoi qu’il en soit, on pourrait même assister à l’abandon du régime parlementaire au profit de celui présidentiel. Sans oublier que l’après découpage administratif annoncé par ATT pourrait être un autre enjeu important de la succession.
LE PORTRAIT ROBOT DU SUCCESSEUR
ATT va se retirer pour laisser venir le 5ème président de la République du Mali. En effet, 4 hommes se sont succédé jusqu’ici à la tête du Mali depuis 1960, date de son indépendance. Il ya deux civils : Modibo Kéita et Alpha Oumar Konaré (AOK) et deux militaires : le Général Moussa Traoré et le Général Amadou Toumani Touré(ATT). Parmi eux encore, deux ont des noms composés dont un militaire (ATT) et un civil (AOK). Mieux, tous les quatre ont un trait commun, c’est celui d’être enseignant de formation ou l’avoir exercé.
S’agissant de la 3ème République proprement dite, ses deux présidents ont chacun, un passé, un parcours et sont connus du monde paysan. Ces trois critères leur ont certainement permis de bénéficier de la confiance des maliens. Si l’on prend Konaré, il fut ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Culture sous Moussa Traoré. Chacun se souvient de sa démission fracassante de ce poste en 1978.
Pendant les événements de 1991, tout le monde se souvient également de ses écrits, notamment ses édito sur l’UDPM et son patron dans le journal « Les Echos » édité par la coopérative culturelle « Jamana« . Ses engagements à travers la mutuelle des enseignants ont beaucoup fait bouger les choses à l’école pour que Moussa Traoré tombe.
Alpha est un homme capable d’intégrer et de s’adapter à n’importe quel milieu social. En effet, lors des campagnes présidentielles de 1992 et de 1997, il entrait dans les vestibules pour s’asseoir sur la peau de boeuf aux côtés des vieux et mangeait dans la même tasse que les villageois.
Quand à ATT, Officier de la Garde présidentielle, il fait partie des artisans du coup d’Etat du 26 mars 1991 contre le Général Moussa Traoré. Après avoir conduit la Transition démocratique, il organisa les élections pour remettre le pouvoir aux civils et se retira volontairement. Tous les maliens se souviennent du Lieutenant-colonel d’alors qui dirigea les débats de la conférence nationale ayant adopté les textes fondamentaux de la République. Toutes les couches socio-professionnelles du Mali (paysans, fonctionnaires, hommes d’affaires, élèves et étudiants, hommes en uniforme…) avaient participé à cette conférence nationale, l’une des plus réussies en Afrique.
Après son retrait volontaire du pouvoir, il fut Médiateur dans plusieurs conflits en Afrique. Par ailleurs, le monde rural le connaît à travers la lutte contre le Ver de Guinée qui fut l’une de ses activités pendant les dix ans de Konaré. ATT a mis cette lutte à profit pour construire beaucoup de centres de santé, de mosquées, d’écoles, entre autres.Même dans le village le plus reculé du Mali, on connaissait son nom.
D’AUTRES QUALITES REQUISES
En plus, le successeur de l’actuel Chef de l’Etat doit être un homme de rigueur qui va restaurer l’autorité de l’Etat. Il doit être capable de remettre les maliens au travail afin de poursuivre les grands chantiers ouverts, tout en gardant à l’esprit que l’Etat est une continuité. La quête de l’auto-suffisance alimentaire doit être l’une de ses priorités,pour qu’on oublie les pertes au Trésor public à cause des exo. accordées chaqu’année pour l’importation des denrées de première nécessité. Car on a tendance à y voir une mafia qui ne dit pas son noms entre des fonctionnaires et certains opérateurs économiques au dértiment de l’Etat et des consommateurs. Sans oublier aussi la bataille pour le panier de la ménagère.
C’est dire qu’en exploitant les échecs du régime sortant (dont l’école, l’insécurité sur toutes ses formes, la baisse du pouvoir d’achat), le prochain président ne doit pas être quelqu’un qui ignore la situation socio-politique et économique du pays. Il doit connaître les hommes. Sans être revenchard, il sera sollicité pour accentuer la lutte contre la corruption et la délinquance financière en cours.
Or le grand mérite du régime de ATT, c’est d’avoir constitué les archives dans ce domaine, avec les différents rapports de contrôle et de vérification qui existent. Il suffira donc d’avoir le courage politique de les transmettre tout simplement à la justice qui fera son travail. Et personne ne doit parler de chasse aux sorcières ou de règlements de comptes.
Il ne serait pas nécessaire que le futur locataire de Koulouba cultive le régionalisme ou l’éthnicisme. Bref, il lui faut être un homme au-dessus de la mêlée qui veullera au respect de la forme républicaine de l’Etat, son jeu favori ne doit pas être la gestion clanique des affaires. En outre, il doit être capable de guérir notre diplomatie…
Oumar SIDIBE