La question Peulh n’est pas neuve dans la Région de Gao. Elle est même la tragédie silencieuse du Nord. D’où cette question : l’ enrôlement des Peuls dans le Mujao participe t-il plus d’une volonté d’auto-justice que de l’endoctrinement salafiste ?
Dans les cercles de Gao et Ansongo, la guerre de 2012 avait mis sous veilleuse le long conflit qui opposait les éleveurs peul et des groupes Touareg notamment Imrad. En 2010, ce fut le ministre de l’Administration Territoriale lui-même, Kafougouna Koné qui s’est déplacé à Ansongo pour y célébrer la flamme de la paix, une cérémonie qui devait amener la paix entre les groupes belligérants Peuls et Imghad. Depuis, il y eut une certaine accalmie jusqu’au 22 mars 2010 où une dizaine de Peuls seront arrêtés à Ouatagouna pour avoir attaqué la caserne locale. Les peuls ripostaient à l’arrestation d’un des leurs emprisonné par l’armée pour détention d’arme de guerre. Il s’agissait d’une Kalachnikov dans une zone où l’exception était de ne pas posséder ce jouet. Auparavant, à travers plusieurs délégations, les communautés Peuls avaient saisi les autorités de Bamako sur les vols de bétail dont ils étaient les victimes. Abdoul Aziz Sy leur dernier représentant à Bamako ainsi que le Lieutenant Diallo n’avaient eu de cesse d’attirer l’attention de l’Etat sur la tragédie qui se déroulait à Ansongo et qui était, selon les propos des Peuls d’Ansongo, une source d’enrichissement pour l’administration locale et régionale, de même que les milices armées Imghad sous les ordres de l’actuel Général Gamou. Novembre 2011, une vingtaine de peuls étaient tués par ces milices et la mission Peul envoyée à Bamako pour y rencontrer les autorités estimait à plus dix milles têtes de vaches, le troupeau volé aux communautés Peul. La lettre envoyée par un berger à Att en novembre 2011 et que nous reproduisons ci-dessous donne une idée du désordre qui régnait.
L’affaire des Peul Nigériens
De novembre 2010 à juillet 2011, les attaques et représailles ont fait 28 morts. Des mesures sont prises pour mettre rapidement fin à cette situation. Pour la deuxième fois en une année le ministre de la Sécurité intérieure et de la Protection civile, le général Sadio Gassama s’est rendu à Ansongo en aôut 2011 poyr y discuter de paix avec les communautés belligérantes. Selon le reporter de l’Essor, cette mission comprenait : le chef d’état-major de la Garde nationale, le colonel-major Yamoussa Camara, le colonel Mady Boubou Kamissoko, directeur général de la Gendarmerie, le colonel Mamadou Traoré, directeur général de la Protection civile, et Georges Togo le directeur de cabinet du gouverneur de la Région de Gao. En fait, de novembre 2010 à juilet 2011, les attaques et représailles impliquant Peuls, surtout du Niger et groupes Touareg et Dawsaq maliens avaient fait 28 morts. Dans le Hawsa, la visite cherchait à mettre fin au conflit opposant les Dawsaq aux peulhs Tolobé du Niger. « Un différend qui dure quarante ans », rappelle le reporter de l’Essor.
Avant Sadio Gassama, Oxfam était passé par là dans les années 1990. Les razias existaient mais avaient atteint un seuil alarmant avec la prolifération des armes légères. Des rencontres intercommunautaires avaient été initiées, sous l’égide cette Ong et avaient permis quelques années d’accalmie..
Du massacre de Tamkoutat
Ce 6 février est signée une nouvelle horreur.Trente et un Touareg de la communauté Imghad sont massacrés par des assaillants qui seraient des Peul.
A la télévision malienne, le ministre de l’Administration Territoriale, donnant le bilan des atrocités dénonce un acte terroriste. Le Mujao est pointé du doigt.
Les victimes, seraient des forains surtout Imghad familiers de la foire hebdomadaire de la commune rurale de Tamkoutat. Les circonstances de la tuerie divergent autant que les mobiles. Seules certitudes partagées : l’origine peul des meurtriers et l’horreur absolue du forfait. Le 7 novembre 2013, une vingtaine de forains sont arrêtés par des hommes armés se réclamant du Mujao et qui les auraient détroussés de quatre millions Cfa. Plus sanglant, à Djebock, le 19 novembre d un vieillard de 70 ans et une petite fille de 3 ans sont assassinés par des hommes armés. Une femme d’environ 70 ans et une petite fille d’une dizaine d’années sont également blessées. Le Général Gamou est visé : les défunts sont de sa famille et il voit la signature du Mujao.
Ces informations sont partout y compris sur Wikipedia.
L’information rare, soigneusement ignorée des médias est pourtant celle qui circule sur les téléphones portables des peuls de la Région. Ainsi un humanitaire, après investigation, confirme ceci : « le 25 novembre 2013, la « milice » a fait 53 morts parmi les peulh à la frontière du Niger vers Menaka, suite au meurtre des parents de Gamou ». C’est dire l’urgence d’une enquête impartiale et vraiment républicaine.
Adam Thiam
Il écrit à ATT à propos de son bétail volé
Le Républicain du 4 novembre 210.
C’est un homme choqué au plus haut point que nous avons reçu. Quarantaine solide, grande taille, gestes racés et débit plutôt lent, Abdoulaye Aladji Saliou Dicko de la commune de Gabero, à Gao, se plaint du vol de ses vingt-sept têtes de vaches dont il a déclaré la perte – avec certificat délivré par les autorités compétentes – le 1er août 2003. Depuis il court derrière sa propriété mais ce n’est pas faute de l’avoir retrouvée. « D’éminentes personnalités », c’est le terme qu’il emploie à la lettre envoyée au Président de la République le 7 août 2010, soit sept ans après, lui révéleront un jour de 2003 que ses vaches dont ils reconnaissaient les marques étaient dans la cour du Tribunal d’Ansongo. Pour être vendues, semble t-il. L’éleveur déclare qu’il est allé voir le juge mais que rien n’y fit.
Ses animaux seront vendus à des gens qu’il connaissait et qui lui dirent qu’ils les avaient achetés avec le juge. Celui-ci, dénonce M Dicko, le menacera d’ailleurs et lui demandera de quitter Ansongo. Prenant son mal en patience, l’infortuné exproprié saisit le procureur de la République à Gao, puis le Gouverneur de Région, le Ministre de la Justice et le Médiateur de la République. Toujours sans effet. Alors, il écrivit au député Assarid Ag Ambarcawane, lequel écrivit à son tour au Ministre de la Justice. Sept ans après, pas la moindre réponse et ses vingt sept vaches, M Dicko ne les a toujours pas.
C’est pourquoi il décida de venir à Bamako porter une lettre au Président de la République en personne qu’il supplie de l’aider. Vous êtes « le dernier recours sur lequel je fonde mes espoirs de citoyen convaincu que nul n’est au dessus de la loi, fût-il magistrat ». Il en appelle au sens élevé d’humanisme du président et reste convaincu que sa démarche ne laissera pas indifférent le premier magistrat de la République. Pour tout dire nous aussi nous avons le même espoir car le Mali doit pouvoir être celui de tout le monde, les riches et les pauvres, les fonctionnaires et ceux qui ne le sont pas.
Adam Thiam