La nouvelle a fait jeudi l’effet d’un électrochoc dans le petit monde de la presse et au delà.
Il s’agit du décès de notre confrère Oumar Bouaré, le rédacteur en chef du journal de faits divers « Kabako ». Âgé de 46 ans, il a été arraché à l’affection et à l’estime générales dans la nuit du 30 au 31 juillet aux environs de 1 heure du matin. Rentrant chez lui en moto, il a été fauché par une voiture en face de l’École de la gendarmerie de Faladié sur la route de l’aéroport de Bamako-Sénou.
Oumar Bouaré, l’un des plus grands journalistes de faits divers de notre pays, est mort à la tâche. En effet, la nuit fatidique, il avait passé une grande partie de la soirée avec ses confrères à la rédaction du journal. Après avoir quitté sa patronne, Mme Diaby Makoro Camara, la promotrice de « Kabako » qui venait d’arriver d’un voyage à l’extérieur, Bouaré était, en effet, retourné à la rédaction pour boucler une édition spéciale consacrée à la Journée panafricaine des femmes célébrée jeudi. Le boulot terminé, il empila les exemplaires du journal pour rentrer chez lui à « ATTbougou » à Yirimadio.
C’est en cours de chemin qu’une automobile conduite par un jeune ingénieur l’a heurté par derrière. Cette nuit, l’éclairage public ne marchait pas dans la zone et une fine pluie tombait sur le secteur. Le conducteur qui se dirigeait vers l’aéroport de Bamako-Sénou, a expliqué au commissaire Sidibé, le chef de la VP du 7è Arrondissement, qu’à l’amorce de la route, il avait aperçu une silhouette qu’il avait évitée. Il s’est ainsi retrouvé derrière la moto de notre confrère. Celui-ci essaya de lui céder le passage. Mais n’ayant pas compris la manœuvre de Bouaré, l’automobiliste ne put l’éviter et heurta la moto par derrière.
Oumar Bouaré fut alors violemment projeté sur la chaussée. Le chauffeur stoppa quelques mètres plus loin et accourut vers notre confrère pour constater qu’il respirait à peine et saignait du nez. Il appela les services de la Protection civile mais jugeant que les secouristes ne faisaient pas assez vite, il fit venir un de ses frères pour l’aider à transporter le blessé au service des urgences puis à la réanimation de l’hôpital Gabriel Touré où on leur annonça un peu plus tard le décès de Bouaré. C’est au conducteur qu’est revenu le triste devoir de prévenir les proches de notre confrère du drame par l’entremise des numéros contenus dans le téléphone de Oumar Bouaré.
Notre confrère a été conduit vendredi en sa dernière demeure après la grande prière de la journée. Ses obsèques se sont déroulées en présence d’une foule nombreuse de parents, de proches, de confrères et de fidèles lecteurs du journal qu’il dirigeait. Il s’en est allé en laissant derrière lui une veuve et trois enfants inconsolables.
Oumar Bouaré laisse le souvenir d’une homme souriant, courtois, disponible doublé d’un professionnel infatigable, accrocheur, courageux et rigoureux. Ces qualités lui ont permis de donner ses lettres de noblesse aux faits divers, un genre souvent peu valorisé dans la presse. Depuis une quinzaine d’années, Oumar Bouaré avait entrepris de montrer que le genre collait à la vie, qu’à travers la peinture des mauvais penchants et du côté obscur de la société, on devait non pousser à la vengeance ou à la haine mais tirer des leçons, dégager une morale et inciter l’homme à être meilleur. Il aimait passionnément son travail et était apprécié de ses lecteurs pour ses investigations, sa capacité à dénicher des histoires et à camper des personnages qui justifiaient pleinement le titre de son journal, « Kabako ». La profession admirait son dynamisme, sa modestie et sa bonne humeur à un point que l’on peut mesurer aux pleines pages que la plupart des titres ont accordé à l’hommage posthume qui lui a été rendu.
Mme Diaby Makoro Camara, la directrice de publication de « Kabako » est inconsolable. Elle témoigne : « J’ai perdu un homme de confiance, un collaborateur infatigable qui n’hésitait pas à quitter sa femme et ses enfants à n’importe quelle heure pour répondre à mes sollicitations. Il manquera à Kabako et même à l’imprimerie. C’était l’âme de la rédaction ».
Dors en paix, confrère !
G. A. DICKO (L’ESOR)