Kadi Traoré est une comédienne burkinabé qui joue le rôle de Timy (gérante du restaurant) dans la série télévisée « Mark et Malika ». Dans cet entretien exclusif qu’elle a bien voulu nous accorder, le 4 novembre dernier à Ouagadougou, elle évoque, entre autres, son début dans le domaine du cinéma, les rôles qu’elle a joués dans les différentes séries, les difficultés qu’elle a rencontrées et ses perspectives
Bamako Hebdo :Qui est Kadi Traoré ?
Kadi Traoré : Vous avez Mme Kadi Traoré, comédienne burkinabé. Je suis mariée et mère de deux garçons. Mon mari est un artiste musicien du nom de Smokey. Je suis sortie de l’université et de l’UAMP. Je suis le produit de ces deux grandes écoles.
Comment vous êtes venue dans le domaine du cinéma ?
Comme j’étais dans un quartier où il y avait une maison de production à coté, un jour ils ont organisé un casting pour choisir les acteurs du film. Je suis allée faire le casting et j’ai été retenue. C’est après que j’en ai parlé à mes parents. A l’époque, il n’y avait pas d’artiste dans notre famille parce que mes parents étaient contre notre intégration dans le milieu du cinéma. Ma famille n’a pas voulu que je joue parce que j’étais mineure à l’époque. Finalement, j’ai laissé tomber.
Après, j’ai participé à un autre casting. Là aussi, j’ai été retenue. J’ai tenu cette fois ci à jouer dans le film. Pour ce faire, j’ai essayé de convaincre mes parents même si cela a été difficile. J’ai joué dans la série. C’est après qu’ils ont vu. Dieu merci, ils ont trouvé que ce n’était pas mal. Auparavant, ils avaient des préjugés par rapport à ce milieu. Ils se disaient que c’était des jeunes branchés. C’était la première fois pour moi de monter sur le plateau.
A ce moment, vous aviez quel âge ?
J’avais seulement 20 ans. Cela s’est très bien passé.
Quel rôle aviez vous joué dans ce film ?
J’ai joué le rôle principal du film. C’était une fille à papa qui voulait jouer de la musique et avait un groupe musical, mais comme les parents ne comprenaient pas ; le papa étant très riche voulait que sa fille fasse un métier d’avocat, de médecin et surtout pas de la musique. Donc le papa a lutté jusqu’au bout pour que sa fille ne fasse pas de la musique.
Et après ce film ?
J’ai joué dans d’autres films notamment des séries télévisées pour les jeunes qui sont axés notamment sur des problèmes de grossesse et de drogue etc.
La première série que j’ai jouée était de 20 épisodes. Là, j’ai joué le rôle d’une étudiante qui était aussi dans un groupe de fils à papa qui n’arrêtait pas de faire des bêtises dans une société où les gens luttaient pour leur quotidien.
Et c’était des enfants qui avaient plein d’argent et qui le gaspillaient n’importe comment. C’était une façon de montrer le rôle de l’éducation des jeunes dans la société.
Et le troisième film ?
Eh bien ! il y a eu tellement de films dans ma vie, que je ne me rappelle pas trop. Le plus important c’est qu’après 2004, j’ai joué dans un long métrage intitulé « Trac à Ouagua » qui mettait en face l’image d’un groupe de dealers qui font tout pour se détourner de l’argent et faire du mal. J’étais dans l’un des gangs. Je vous informe que c’est un film qui a eu beaucoup de succès au Burkina. Il est sorti en salle et a même comblé l’attente des spectateurs. Puis après, il ya eu beaucoup d’autres films dont des longs métrages.
Avez-vous d’autres films?
En 2007, on a fait » le pilote ». Je vous rappelle que j’avais eu déjà à jouer le rôle de Timy, la sœur d’Oumou, la femme de l’inspecteur Mark dans ce film d’enquête. C’est le même rôle que j’ai joué dans le pilote. Voilà comment les choses se sont ainsi passées pour aboutir à la réalisation de cette série.
Et concrètement comment cela s’est passé concernant le rôle ?
Je jouais le rôle de la maitresse de l’inspecteur Mark et c’était un rôle à la fois difficile et mal vu dans notre société. Parce que, quand il ya une maitresse dans la vie d’un homme, la solidarité entre les femmes aidant, il y’a vite une complicité qui se met en place pour réprimander ce comportement. Au début j’étais réticente et me disais que les gens vont me détester, dès qu’ils verront le film. Mais à ma grande surprise, ce fut l’effet contraire. Les spectateurs l’ont aimé et m’ont du coup adopté. Ils ont compris l’esprit de la série et j’en étais que très fière.
Mais est ce que ça n’a pas eu d’autres conséquences ?
Non, je n’en crois pas. Étant donné qu’on m’a déjà vu jouer dans d’autres films, interpréter d’autres rôles, il ne pouvait y’avoir d’électrochoc. J’avais aussi des appréhensions. Quand le film est sorti, j’ai eu beaucoup de réactions positives. Particulièrement des femmes qui m’arrêtent dans la rue pour me féliciter et me dire qu’elles l’ont beaucoup aimé. Donc je pense que les gens ont bien compris l’esprit.
Avez-vous eu des difficultés depuis que vous aviez commencé à faire des films ?
Des difficultés c’est surtout au départ, car le premier film est un peu lié aux problèmes de la famille. Comme je l’avais dis au début, ma mère était contre mon projet de devenir actrice comédienne. Au motif que c’est un milieu propice à la débauche et que ça peut détruire mon école. Elle disait que j’étais une petite fille adolescente et qu’il ne faut pas que j’entre dans ce milieu. Ce n’est que plutard que j’ai compris son inquiétude.
C’était sa façon de me protéger à l’époque. Mais par mon sérieux et mon engagement au travail j’ai essayé de convaincre les parents : qu’on peut rester correcte, bien faire ses cours, réussir à l’école et dans le cinéma. Avant tout c’est une question d’éducation. Si on est mal éduqué et qu’on entre dans un milieu de débauche, on s’en fonce et on s’y perd. Par contre, si on est d’une bonne moralité, le conseil des parents reste notre bréviaire. Pour vous dire que tout dépend de la base. Il n’y a pas à s’inquiéter, le vice se trouve dans tous les milieux. Il ne saurait être l’apanage des comédiens.
Comment arrivez-vous à gérer le métier et votre foyer ?
Il n’y a pas de soucis car j’ai eu la chance d’avoir un mari qui est à la fois artiste et musicien. On comprend aussi que c’est un milieu qui nécessite beaucoup de mouvements. On peut être absent pendant longtemps du foyer des heures durant ou toute la journée. Moi ça ne m’influence pas du tout. Mais j’ai de la chance d’avoir des gens qui comprennent cela.
Est-ce qu’on peut dire que ce métier nourrit son homme ?
Pas du tout ! Et même lorsque tu te retrouves à faire un film ou deux par an, ça ne peut te nourrir. Loin de là, les cachets sont humbles et ne rapportent pas assez. Donc le cinéma ne peut pas nourrir son homme en Afrique.
Et ce rôle ?
Bon, pour le rôle ça dépend vraiment.
Est-ce que vous pouvez être explicite ?
Bon, mieux vaut ne pas en parler. Chacun a ses spécificités. Les réalisateurs n’ont pas les mêmes rentrées.
Mais en dehors de ce métier, qu’est ce que vous faites ?
Je fais la communication de l’entreprise dans une agence que j’ai créée. Je viens de lancer un magasine gratuit. Je travaille un peu sur ça et un peu sur la production et du management des artistes.
Aujourd’hui, est ce qu’on peut dire que vous êtes connue à travers le monde ?
Non, pas du tout. Au Burkina et dans la sous région on y va pas jusque là. Je pense que pour être connu, il faut beaucoup travailler. Ça ne se limite pas à une ou deux séries. C’est plus que ça.
Quelles sont vos ambitions dans le cinéma ?
Je souhaite qu’il y ait beaucoup de films toutes les semaines. J’espère que ça va vraiment bouger de ce coté, car tant que les gens dorment, ce n’est pas facile.Un film tout les trois mois, ce n’est pas suffisant. Avec un film toutes les semaines, là ça bougera, comme une ville de cinéma.
Comment se porte aujourd’hui le cinéma Burkinabé ?
Je ne crois pas qu’il se porte bien. Il ne rapporte pas assez, en tout cas pas pour un pays cinéma comme le Burkina. Chaque année, je me rends compte que ça ne bouge pas assez.
Est-ce que vous avez l’habitude de travailler avec les comédiens maliens ?
Jamais je n’ai travaillé avec des comédiens Maliens j’aimerais bien en tout cas.
Alou B HAIDARA – Bamako Hebdo