Avec un physique svelte et douée d’une force de pénétration hors du commun, Adiara Diarra a longtemps été la terreur des défenses adverses et une équation difficile à résoudre pour les entraîneurs.
A Sikasso, aujourd’hui, il est plus que jamais facile de retrouver celle qui est affectueusement surnommée « Tantie Adiara » par les habitants de la ville de Sikasso. Celle qui aussi est qualifiée par tous « d’amazone du Kénédougou » est née, voici près de 57 ans, précisément le 2 Novembre 1951, à Sikasso. Inscrite très tôt à l’école publique « Tiéba » à l’âge de 8 ans, elle décrochera son certificat d’études primaires et intègrera l’année d’après, en 1958 « l’école A » pour poursuivre ses études de second cycle.
C’est au second cycle que notre héroïne va se révéler au grand public, mais pas comme basketteuse mais plutôt comme athlète à travers les semaines locales et régionales.
Elle sera très vite détectée par l’encadrement national avec lequel elle participera à plusieurs tournois dont un à Bamako et un autre à Dakar.
Au cours de regroupements lors des semaines régionales, elle fut détectée par Henry Coulibaly, l’entraîneur de basket de l’équipe dame du Tata de Sikasso qui vit tout de suite en elle, une graine de star. Aussi, ce dernier s’accrochera à elle et la suivra pas à pas. Ses efforts seront récompensés car à travers ses prouesses, Adiara Diarra sera sélectionnée au sein de l’équipe féminine nationale de basket pour les rencontres internationales.
Ainsi en 1968, aux jeux africains du Caire (Egypte), elle fut élue meilleure joueuse et reçu beaucoup d’hommages de la part des ressortissants maliens en Egypte et de la part de nombreux égyptiens. Bis repetita, deux années plus tard, à Dakar au Sénégal lors du tournoi de l’OERS (organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal) en 1970. Elle connu un brillant parcours au sein de l’équipe nationale de basket avec laquelle a vécu à la fois de nombreuses satisfactions et déceptions.
Sa 1ère satisfaction ? Le tournoi OERS de Dakar. Adiara se rappelle comme si c’était hier : « vers la fin des années 60 et le début des années 70, deux nations dominaient le basket ouest africain : le Mali et le Sénégal qui entretenait une véritable rivalité sportive. C’est ainsi qu’à Dakar, les sénégalaises s’étaient jurées de battre le Mali. Mais lors de la confrontation, nous les avons battu.
Je me rappelle qu’à l’issue de la rencontre plusieurs joueuses sénégalaises ont décidé de ne plus jouer au basket. C’était la belle époque car il y avait au sein du groupe une véritable complicité et la rage de vaincre. Une autre satisfaction : Adiara l’a vécue lors du tournoi de Lomé au Togo deux années plus tard, en 1972.
« A Lomé, nous devrions, en match d’ouverture, affronté l’équipe togolaise. L’entraîneur sénégalais qui me connaissait fort bien, a été voir son homologue togolais en lui donnant des consignes très fermes à mon sujet. Il lui dit que s’il voulait que l’équipe togolaise gagne, il fallait que ses joueuses empêchent mes pénétrations. Mais ce jour là, j’ai dû me surpasser. L’arbitrage également a joué contre nous.
Déjà à la mi-temps je me suis retrouvée avec 4 fautes individuelles. L’entraîneur m’a donc mis sur la touche pour ne pas que j’écope des 5 fautes, synonymes de ma disqualification. A 5 minutes de la fin de la rencontre, un des membres de la délégation est descendu de la tribune et a insisté auprès de l’entraîneur pour qu’il me fasse jouer. L’entraîneur accepta.
En ce moment nous étions menées au score par l’équipe togolaise. En entrant sur le terrain, j’ai dû adopter une stratégie : celle de ne pas défendre mais de rester constamment aux abords de la bouteille adverse et de procéder à des pénétrations chaque fois que j’avais la balle. Cette stratégie a bien marché car nous sommes parvenues à remonter la pente et à battre au finish l’équipe togolaise. Vous ne pouviez imaginer l’étendue de la joie de l’équipe et des supporters maliens. Je n’ai jamais oublié ces instants »
Dans cette riche carrière, Adiara a aussi connu des déceptions dont la plus grande est de n’avoir jamais remporté la moindre coupe continentale pour le Mali. Cela, elle le ressent comme un échec. Une autre déception l’a beaucoup marqué et celle là, a même été la cause de son abandon précoce du basket. Notre amazone s’explique : « Ma plus grande déception, je l’ai ressenti à Bamako lorsque j’avais eu mon DEF et que je devais poursuivre mes études au CFP.
A Bamako donc, tous les clubs me convoitaient. Tous voulaient que je joue pour eux. Pour ne frustrer personne j’ai décidé de ne jouer pour aucun club. En ce temps, je résidais à Lafiabougou. Un jour, lors d’une causerie, une de mes sœurs lâcha que j’accepterais de jouer pour le club qui m’achètera une moto.
Il y avait dans l’auditoire, un fervent supporter du Réal qui s’est empressé de le rapporter aux dirigeants du club. Ceux-ci m’achetaient alors une moto. J’ai dû accepter de jouer pour le club sous contrainte de mes parents. Cela a provoqué de l’égoïsme auprès des autres clubs. C’est pourquoi, à chaque rencontre, on s’arrangeait pour me blesser. Pour ne pas être infirme un jour, j’ai dû mettre un terme à ma carrière sportive. Et cela, c’était en 1974 ».
Une force de pénétration fulgurante doublée d’une complicité parfaite
De teint clair et avec un physique svelte, Adiara a été une terreur pour les défenses adverses, une équation difficile à résoudre pour les entraîneurs.
Balle en main, elle était difficile à marquer, à arrêter. Son physique faisait qu’elle pouvait percer facilement toute ligne de défense aussi savamment conçue. Et à la question de savoir quels étaient ses atouts, elle nous confie : « ma force résidait dans la pénétration. Chaque fois que je recevais une balle aux abords de la bouteille, je pénétrais avec la balle dans le camp adverse et la déposait dans le panier.
Je ne ratais jamais cet exercice car cela avait trois avantages : le premier était que je marquais. Le second était que je ne marquais pas par suite d’une faute. L’équipe bénéficiait alors de deux lancé-francs. Le troisième était que je marquais et bénéficiais en plus d’un lancé-franc par suite d’une faute sur moi. Les shoots à distances étaient mes points faibles car pour moi cela révélait du hasard.
La balle pouvait pénétrer comme ne pas pénétrer dans le cerceau. Ma force, je la dois également à mes coéquipières parce que c’était grâce à elles que je percevais le ballon. Elles me faisaient beaucoup jouer et me faisaient beaucoup tourner. Et moi aussi je les faisais également beaucoup jouer, surtout les arrières. Lorsque je faisais une pénétration, toutes les joueuses se jetaient sur moi.
Cela faisait que les arrières étaient libres de tout marquage. Je leur faisais alors la passe pour des shoots qu’elles réussissaient. Avec mes coéquipières, nous constituons une génération de battantes, toutes douées les unes que les autres.
Il y avait Fanta Diarra, Ami Sow et Fatoumata Coulibaly, qui ont arrêté après le tournoi du Caire en Egypte. Ensuite, ce fut avec Kadidia, Mah Kanté, Fatoumata Diaby, Fatoumata Konaté, Yah Konaté et Awa Diakité. Un de mes points forts était également dans la récupération de la balle. »
Adiara a mis un terme à sa carrière sportive professionnelle en 1974. Mais de cette date jusqu’en 1995, elle a continué à s’entraîner en alternant basket et travail. Avec le poids de l’âge, les occupations du foyer et le travail aidant, elle dû définitivement raccrocher. Elle n’a de cesse louer le sport de façon générale et le basket en particulier.
Elle a reçu beaucoup d’hommages et de distinctions au cours de sa carrière. Mais ceux qui lui ont le plus touchée dans sa vie, ce sont les deux distinctions de son excellence Amadou Toumani Touré.
D’abord sous la transition, en 1991, elle fut décorée Chevalier de l’ordre national du Mali. Et en décembre 2006, elle a été décorée au titre d’Officier de l’ordre national du Mali. Elle n’oublie pas également l’honneur faite à elle par l’ex première dame, Adam Ba Konaré, en la citant dans son célèbre ouvrage « dictionnaire des femmes célèbres du Mali » paru aux éditions Jamana.
Hormis ces distinctions et ces mérites, Adiara affirme que le basket lui a facilité la vie à Sikasso. Toutes les personnes qu’elle sollicitait en cas de problèmes, lui donnaient aussitôt satisfaction. Pour cela, elle remercie du fond du cœur son entraîneur de basket, Henry Coulibaly. Celui-là même qui a eu le flair de la détecter dès le bas âge et qui s’est occupé d’elle. S’il y a eu une Adiara Diarra, grande basketteuse, c’est en partie grâce à lui. Aujourd’hui, notre héroïne est caissière à l’agence principale II de la BDM de Sikasso.
Elle a intégré ce service en 1974. Depuis cette date, elle n’a reçu que des hommages de ses supérieurs. Les nombreux clients de la structure bancaire louent ses qualités d’humanisme et de savoir-faire. A 57 ans et après 29 ans de mariage, Adiara est une mére comblée, fière de ses 6 enfants (3 garçons et 3 filles) qui ont tous été des sportifs. Si les garçons on été des footballeurs ayant évolué au Tata de Sikasso, les filles ont suivi ses traces.
Mama Minian Boré dite « Poupée » qui a été sacrée deux fois reine en 2000 et en 2001 et championne d’Afrique espoir dame en 1996 au Mozambique. Sa sœur cadette Malado dite « Inna » a été une grande joueuse au sein du stade malien. La benjamine Aïssata dite « Dicko » a été aussi championne d’Afrique junior dame en 2006 à Bamako.
Klèzié L’Aube