Au fur à mesure qu’on avance et évolue dans la démocratie, on a l’impression que les hommes politiques maliens perdent leurs verbes. Et mêmes ceux qualifiés des « plus bavards« , de « tonitruants » ou de « révolutionnaires » ne font plus exception à la règle.
Tous leurs verbes et toute leur verve tournent autour de la gestion du pouvoir par le régime en place. Même là, nos implacables politiciens semblent se livrer à un lyrisme personnel plutôt qu’à un véritable débat de fond (politiquement parlant) susceptible de dynamiser et de crédibiliser la chose politique à laquelle ils tiennent tant, pourtant.
Aussi nous est-il loisible de nous interroger sur ce qui est advenu de certains de ces hommes qui, hier, étaient connus pour n’avoir pas du tout leur langue dans la poche, mais qui, de nos jours, observent un silence de carpe, sur la scène politique nationale. Si bien que de nos jours, maints Maliens parlent d’eux en faisant surtout cas d’un constat : le fait, pour eux, de jouer aujourd’hui aux « abonnés politiques absents« .
Le Professeur Aly Nouhoum Diallo
Grand animateur de l’Adéma-PASJ, l’ex-président de l’Assemblée nationale du Mali et non moins ex-président du Parlement de la CEDEAO (une aventure qui finalement, n’a pas bien tourné), le Pr Aly Nouhoum Diallo se fait désormais rare sur la scène politique qui était pourtant un de ses domaines de prédilection, au regard de certaines de ses sorties médiatiques dites spectaculaires.
La fin de l’ère konaréenne a-t-elle quelque chose à voir dans tout cela, le Pr ayant des moments de gloire politique sous la décennie du pouvoir de Alpha Oumar Konaré ? Dans tous les cas, à part quelques sorties hasardeuses guidées, dit-on, contre son parti, l’Adéma, par rapport à l’accompagnement et au soutien en faveur d’ATT, l’homme semble de nos jours se confiner dans une sorte d’obligation de réserve… personnelle.
On le savait opposé à un soutien du parti de l’Abeille au Président ATT, du moins avant que son parti ne fasse l’état des lieux de son rapport avec ce dernier, durant la période 2002-2007. Cette requête ayant été ignorée par les responsables de l’Adéma, le Pr Aly Nouhoum Diallo garderait-il encore une ou des dents contre lesdits responsables, d’où son éloignement de la scène politique?
Toujours est-il qu’il se chuchote que l’homme est loin de pardonner au Président de la République qu’il accuserait de n’avoir pas fait grand’chose pour lui, au moment où des soubressauts le secouaient à la tête du Parlement de la CEDEAO à Abuja. Comme si la CEDEAO ne respirait que par la seule volonté du Président ATT, ajoutent ses détarcteurs.
Envisagerait-il alors aujourd’hui une retraite politique en douceur, ou nous réserverait-il encore d’autres surprises, histoire de prouver qu’il garde toujours sa vitalité politique d’antan? Mystère !…
Le Professeur Issa N’Diaye
Fatigué par les discours de ses pairs, celui que certains Maliens ont qualifié de « grand nomade politique« , et qui « n’a jamais été d’accord avec la façon de faire des autres« , s’est retiré pour créer sa formation politique, le « FASO« . Le Professeur Issa N’Diaye, à la fois seul président et militant de son parti, semble, pour l’heure, être en hibernation politique avancée. A moins qu’il n’ait rien à déclarer… pour l’instant ?…
Sans jamais réussir lui-même à se faire passer pour un modèle ou un prototype d’homme politique aguerri, Issa N’Diaye aura trouvé à redire sur tous, du Président Konaré à ATT, en passant par IBK et ses autres camarades du FDR. Pour preuve : non seulement il n’a guère réussi à s’imposer au sein des formations politiques qu’il a fréquenté tour à tour, mais il n’est jamais parvenu, non plus, à consolider les assises de son parti, le « FASO », sur l’échiquier politique national.
Pire, dit-on : dans son habitude favorite de critiquer et de s’opposer à tout, sans jamais apporter les « pièces de rechange » aux maux qu’il pourfend, le Pr est en passe d’être atteint par l’usure politique. Il est vrai aussi que sous nos cieux politiques, il n’est pas aisé d’être un homme politiquement convaincu, encore moins gérer avec succès un parti politique.
Pour le cas du Pr Issa N’Diaye, cela paraît encore plus difficile, car ses vilipendeurs le disent incapable de « faire du politiquement correct« , comme le font aujourd’hui la plupart de ses pairs politiques. Une façon de dire qu’il faut être hors de soi-même, c’est-à-dire avec les autres, pour apprécier leurs valeurs et leur faire apprécier les siennes propres. Une façon de voir les choses qui va certainement à l’encontre de celle de Jean-Paul Sartres, et qui affirme que « le malheur, c’est les autres« .
Le Professeur Abdoul Traoré dit « Diop »
Président initiateur de l’Association pour la Démocratie et la Justice (ADJ), responsable Adéma et ex-député de Markala, le Professeur Adoul Traoré dit « Diop » pourrait être un exemple-type d’infortuné politique.
Après s’être personnellement occupé de l’ancien Président Konaré, en tant que son médecin traitant (avec tous les avantages que cela peut conférer), l’homme ne serait plus parvenu, dès lors, à s’occuper politiquement de lui-même.
Sentant l’étouffement l’envahir dans la parti de la Ruche, avec quelques camarades qui connaissaient le même sort que lui, il se serait lancé dans une aventure sans issue, dans une association politique dénommée ADJ, histoire de se faire une virginité politique.
Cette aventure l’entraînera vers le Front pour la Démocratie et la République (FDR). Mais le constat est que ni l’ADJ, ni le FDR ne semblent plus être politiquement productifs. Aussi, son avenir politique semble incertain, même s’il demeure toujours membre de l’Adéma.
Le Docteur Oumar Mariko
En toute franchise, s’il y avait un homme politique qui s’occupait réellement du quotidien des Maliens, c’était bien Oumar Mariko en tant que citoyen, et non député. Aussi, il semble que depuis qu’il a été élu au Parlement, il accorderait plus d’importance aux débats parlementaires qu’à ses engagements politiques.
Et même là, il le ferait si mal à propos qu’il n’attire guère ou peu l’attention de ses pairs et des populations. La séance d’interpellation du ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie en dirait long sur le ratage de sa prestation.
Quant à l’animation du débat politique proprement dit, il s’y fait de plus en plus absent, au point qu’IBK est en passe de lui ravir la vedette. Les indemnités parlementaires seraient-elles pour quelque chose dans cette diminution d’ardeur du Docteur du parti SADI, s’interrogent certains citoyens?
En tout cas, il semble donner plus d’importance aux affaires en transit à l’Assemblée nationale plutôt qu’à son combat politique habituel, ajoutent-ils. Mais il serait plus intéressant de savoir si Oumar Mariko descend dans l’arène de sa base politique pour faire des restitutions parlementaires à ses mandants?
Et les autres ?
A cette liste, on peut ajouter les présidents du PARENA et du RPM, à quelques exceptions près. En effet, à les différence des sus-cités, IBK et Tiébilé Dramé parlent eux-aussi ; mais c’est finalement pour répéter des critiques déjà formulées à l’endroit du régime. Sinon rien ne les différencie des autres, quant à l’instauration d’un véritable débat politique, arguent même certains militants de leurs partis.
En définitive, tout se passe comme si tout va bien dans le landerneau politique malien. Ce qui n’est vraiment pas le cas. Pourquoi les Maliens ne se décident-ils pas alors à envisager le « procès » de la classe politique? Car, tout compte fait, bien des Maliens ne sont pas exempts de critiques du genre : « Que font les hommes politiques pour la formation des militants et des citoyens maliens?« , « Que font-ils pour le relèvement du taux de participation aux élections?« .
Bref, que font-ils pour rendre la chose politique plus crédible aux yeux des citoyens ?
Adama S. DIALLO