Si, pendant un certain temps, la percée de la Chine en Afrique a été accueilli avec enthousiasme, elle suscite aujourd’hui l’inquiétude. Tel est le constat de M. Arnaud Rodier du journal « Le Figaro« . Selon lui, c’est une fin de non recevoir que vient d’essuyer la Chine au Nigéria, par exemple. La première, mais sans doute pas la dernière sur le continent africain.
Profitant du bras de fer qui oppose les autorités nigérianes aux grandes compagnies étrangères implantées depuis près d’un demi-siècle dans le pays (telles que Shell, Chevron, Total, Exxon Mobil), le gouvernement nigérian a refusé, fin Septembre 2009, la proposition chinoise d’acheter 6 milliards de barils de pétrole. Un contrat évalué à quelque 20 milliards d’euros. « Je peux vous dire que nous n’allons pas leur donner tout ça« , a simplement déclaré le Vice-Ministre du Pétrole du Nigéria, M. Odein Ajumogobia.
L’engouement des Chinois pour l’or noir et les minerais de l’Afrique ne date pas d’hier. « Bien qu’elle soit l’un des plus grands producteurs de pétrole, avec 4,8% de la production mondiale (…), la Chine n’est capable de fournir que moins de la moitié de ses besoins« , note un document du South African Institute of International Affairs (SAIIA), rendu public en Août 2009. Et cette organisation non gouvernementale, d’ajouter que « dans les dix prochaines années, la demande du pays connaîtra la croissance la plus rapide du monde et aura doublé en 2030, pour dépasser les 15 millions de barils par jour« .
De son côté, l’Afrique, avec environ 9,5% des réserves pétrolières mondiales connues, se place en troisième position derrière le Moyen-Orient(61%) et l’Amérique du Nord (11,6%). La Libye est le pays le plus riche, avec 35% des réserves du continent, suivie du Nigéria (31%), de l’Algérie (10%) et de l’Angola (8%).
Au total, la Libye est le deuxième fournisseur de la Chine (27% de ses achats en 2007), drrière le Moyen-Orient (39%). La Chine représente elle-même le deuxième débouché de l’Afrique (19%) derrière les Etats Unis (37%).
Mais ce n’est pas tout. Ces dix dernières années, les Chinois se sont imposés comme les plus gros consommateurs de métaux, devant les Américains. Ils s’approvisionnent en Afrique du Sud (platine et manganèse), au Gabon (manganèse), en Zambie (cuivre et minerais de fer), au Zimbabwe (platine) et en Angola (cuivre et minerais de fer). Entre 2000 et 2007, précise le SAIIA, la valeur des importations minières d’Afrique de la Chine a bondi de 286 millions de dollars à 2,6 milliards de dollars.
Au début, la percée de la Chine en Afrique a été accueillie avec enthousiasme. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le cas. : l’Afrique est inquiète. « Il ne faut pas que l’Afrique sorte d’un néocolonialisme pour aller tomber pieds et poings liés dans le néocolonialisme chinois« , avertit le Directeur du département des Affaires Economiques de l’Union Africaine (UA), M. René N’Guettia Kouassi. « Tout le monde ne voit pas de manière positive l’implication économique grandissante de la Chine« , confirme le rapport du South African Institute of Internatinal Affairs.
C’est qu’à chaque fois, le processus est le même. La Chine apporte une aide financière et une assistance technique. Elle propose de construire des écoles, des hôpitaux… Elle invite des étudiants africains à venir à Pékin et envoie ses médecins et ses enseignants en Afrique. Ce système porte un nom : « l’Angola mode« . Parce que c’est dans ce pays que les Chinois ont commencé à échanger à grande échelle leur savoir-faire contre des matières premières. Mais aujourd’hui, il suscite plus de critiques que d’admiration.
Manque de transparence
« L’argent investi ne profite pas aux économies domestiques« , dénonce Tsidiso Disenyana, un chercheur sud-africain qui réclame plus de transferts de technologie et de formation pour les employés locaux. Et le SAIIA, d’accuser les Chinois de « manque de transparence » et de souvent « de violer les règlements des pays hôtes en matière de travail et d’environnement« . La réaction du Nigéria pourrait donc faire tâche d’huile.
« Il faut des stratégies qui permettent de briser le cycle de la pauvreté en Afrique« , souligne le rapport sud-africain, qui ajoute que la nature même des prêts chinois « peut potentiellement plonger les pays africains dans une nouvelle spirale de dettes« . A l’heure où ils sont également décidés à racheter des terres à tour de bras en Afrique pour faire face à leurs besoins alimentaires, les Chinois ont peur. Et surtout, avertit un économiste béninois, Guillaume Moumouni, « aujourd’hui, on parle de la Chine ; mais demain, ce sera l’Inde ou le Brésil qui mènent beaucoup d’offensives selon le même schéma« .
Rassemblées par Oumar DIAWARA