Après avoir abordé le cas spécifique de l’Institut National des Aveugles du Mali ( voire Le Soir de Bamako du 1er Septembre 2008), nous attirons ici l’attention des autorités sur les difficultés auxquelles l’éducation préscolaire et spéciale est confrontée. Ce qui fera dire au Secrétaire Général de la section syndicale de l’Education Préscolaire et Spéciale et Secrétaire Général Adjoint du SNEC, Sidiki Diarra, que le secteur « a franchement regretté le rattachement à l’éducation et encore, la suppression de la Direction Nationale de l’Education Préscolaire et Spéciale ».
Ces difficultés ont pour noms : politique de deux poids deux mesures par rapport aux primes, absence de politique adaptée au préscolaire, poids des impôts sur les jardins d’enfants,…
Le problème de primes
En Janvier 1989, des enseignants de l’INAM, qui percevaient des primes d’encouragement dûs aux Agents Techniques des Affaires Sociales (A.T.A.S 😉 et Agents Techniques des Affaires Sociales (T.A.S), ont constaté la suppression de ces primes. Motifs : ils ne sont pas des Agents du département des Affaires Sociales.
Ainsi, le comité SNEC de l’Institut National des Aveugles du Mali (INAM), dont le camarade Sidiki Diarra est le Secrétaire Général, a déposé un préavis de suspension de cours jusqu’au rétablissement des primes et a demandé le rattachement de l’INAM au ministère de l’Education. Nous étions devenus des chauves-souris.
Après les évènements de 1991, il y a eu les débats nationaux sur l’éducation au cours desquels des partisans du rattachement, à leur tête le SNEC et les opposants dirigés par les Affaires Sociales, ont eu de chaudes discussions, chacun en avançant ses argumentations. Finalement, les partisans l’ont remporté par l’inscription ou le maintien du rattachement à l’éducation.
En Octobre 1992, une contre-réunion s’est tenue à la Direction des Affaires Sociales, pour demander le maintien de l’Education Préscolaire aux Affaires sociales. En Février 1993, le SNEC a déposé un préavis. Parmi les points revendicatifs figuraient l’application des résolutions des débats sur l’éducation, l’octroi de primes spéciales aux éducateurs spécialistes.
Ainsi, en 1994, il y a eu le décret de création de la Direction Nationale de l’Education Préscolaire et Spéciale, qui a décidé le rattachement du secteur à l’éducation. Avec la création de cette direction, les choses allaient un peu mieux, car les intéressés avaient leur avenir en main.
Malheureusement, indique Sidiki Diarra, « dès la suppression de la Direction Nationale de l’Education Préscolaire et Spéciale, les choses se compliquent, car les moyens ou les ressources qu’elles avaient auparavant n’ont pas été mises à la disposition de la nouvelle structure« . Et le Secrétaire Général, de renchérir : « Nous voulons le maintien du secteur à l’éducation et la création de la direction nationale de l’éducation préscolaire et spéciale ».
Odeur de discrimination dans le préscolaire
A en croire Sidiki Diarra, il y a deux poids deux mesures, des injustices flagrantes à l’égard du personnel du secteur. Dans les directions des Jardins, la plupart des Directrices et Directeurs n’ont pas de primes de direction. Pourquoi? Sont-ils différents ou inférieurs aux autres Directions ?
Concernant la nomination des Conseillers Pédagogiques chargés de l’Education Préscolaire et Spéciale, on remarque que la plupart des conseillers ne sont pas du corps. « Sont-ils incapables?« , s’interroge M. Diarra.
De l’avis du Secrétaire Général du syndicat, il y a une discrimination sans précédent dans l’application du décret 435 du 13 Octobre portant condition de travail du personnel enseignant contractuel des collectivités territoriales. Puisqu’au Mali, ceux qui font deux ans d’études, après le DEF, obtiennent tous le diplôme de la catégorie « C« .
Or, regrette-t-il, « seuls les Educatrices Préscolaires ,dans l’application de ce décret, ont vu leur salaire diminué de 20 000 à 30 000 Francs. » Tout simplement, ils ou elles enseignent dans les jardins ; tandis que les détenteurs du CAP, donc de la catégorie « C« , qui sont au fondamental, ont gardé leur salaire intact : 71.000 à 76 000 Francs.
Motif : tout enseignant au Fondamental, qu’il soit de la catégorie « C« , « B1« , « B2 » ou « A » est payé en maître du second cycle. Pire, les éducateurs préscolaires qui enseignent au fondamental sont considérés comme « C« , mais pas « B ».
Quelle drôle de justice ! « Ces mêmes contractuels, jusqu’au moment où je mets sur papier ces écrits, n’ont pas de primes de hiérarchisation. Ne sont-ils pas des Maliens comme les autres ? Est-ce que nous ne risquons pas de regretter notre rattachement à l’éducation ? ».
Pour ce qui concerne les « clos d’enfants » qui sont les Centres de Développement de la Petite Enfance (CDPE), la situation est loin d’être reluisante. Car, constate M. Diarra, « ces braves dames et demoiselles sont traitées comme des moins que rien. De 2002 à maintenant, elles ne perçoivent que 25 000 Francs par mois ; alors qu’au moment de leur recrutement, il leur avait été signifié, dit et réaffirmé qu’elles sont recrutées dans la catégorie « D. » du décret 306. Chacune d’elles, à la fin de sa formation, a reçu une copie dudit décret. Que quelle ne fut notre surprise de voir qu’elles sont traitées sur la base de l’appui et non du salaire »
Le manque de politique adaptée
Jusqu’à présent, il n’y a pas de politique adoptée par le gouvernement, en matière d’éducation préscolaire. A croire tout simplement que le secteur n’est important que du bout des lèvres.
Les Centres Préparatoires Zéro (C.P.O.) sont des pratiques entretenues par les écoles privées recrutant des enfants qui n’ont pas l’âge d’être recrutés à l’école. Normalement, ces enfants doivent aller dans des jardins d’enfants.
Malheureusement, tel n’est pas le cas. C’est pourquoi Sidiki Diarra pense que les C.P.0. risquent de tuer l’éducation préscolaire, puisque « les classes préparatoires niveau zéro sont une façon de soustraire des enfants en âge préscolaire 4 à 6 ans du circuit pour les inscrire à l’école, privant ainsi les jardins d’enfants de leur effectif normal » .
Le poids des impôts sur les jardins privés pose aussi problème. Certes, les jardins doivent payer des impôts ; mais souvent, le montant est démesuré, même si des compromis sont toujours possibles chaque fois que syndicat et services des impôts se rencontrent. Est-ce que cela va continuer ?
Dans tous les cas, des jardins d’enfants poussent comme des champignons ; il faut les régulariser ou les fermer. Pour Sidiki Diarra, seule la création d’une Direction Nationale de l’Education Préscolaire et Spéciale permettra de mettre fin à ce cafouillage. Cela permettra aussi, aux bailleurs de fonds habituels du secteur, de financer les activités ; parce que « l’éducation de base va absorber tous les financements qui sont même insuffisants ».
Par ailleurs, les éducateurs préscolaires admis au CAP de 2000 à 2003, dans le cadre de leur changement de corps de C à B2, ont perdu de 18000 à 36000 CFA. L’éducation spéciale est aussi à la peine, depuis son rattachement à l’éducation. Or au Mali, c’est elle qui a formé tous les éducateurs spécialisés de l’Afrique francophone.
Mais le personnel qui était de 400, dans les années 90, se retrouve à 130, en raison du manque de motivation des agents. Une indemnité spéciale est accordée depuis 1976 ; mais jusqu’à présent, elle n’est jamais octroyée. Aussi, personne ne veut plus aller travailler dans ces écoles spécialisées. Si l’on n’y prend garde, ne fermeront-elles pas leurs portes, faute d’enseignants dans notre pays ?
Ne parlons pas non plus des difficultés vécues par l’Ecole des Déficients Auditifs( EDA). Dans cette école, il y a un manque d’appui, comme dans toutes les autres structures. Les élèves admis au DEF ne sont pas orientés, faute de structures adéquates et de personnels qualifiés. Le centre de formation et la cantine ne fonctionnent plus, faute de moyens. Pis, le Directeur des études du centre sera admis à la retraite à la fin de l’année.
Pourtant, la relève n’est pas assurée. Que fera alors le gouvernement pour remédier à cela? Fera-t-il application de l’Article 113 du statut de la Fonction publique, en réengageant l’intéressé comme contractuel à la retraite, en attendant d’avoir un remplaçant qualifié? A quand la réouverture du centre féminin de l’AMALDEM, sans lequel les bonnes actions de cette association seront vouées à l’échec, car n’ayant plus de suite ?
De ce qui précède, Sidiki Diarra a-til tort, lorsqu’il a déclaré, le 9 Aoùt 2008, devant les membres de la sous-commission Education de Base du Forum sur l’Education : « Les associations de personnes handicapées sont à bout de souffle : elles n’en peuvent plus. Les handicapés sont retournés à la mendicité, à la délinquance de toutes sortes, faute de soutien et d’appui réel conséquent de la part du gouvernement. Ce qu’elles n’auront pas au mois d’Octobre, il faudrait attendre encore l’année prochaine » ?
Oumar SIDIBE